Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Débat sur les politiques d’alliance

En défense de l’Option A

Québec solidaire, la seule véritable alternative politique !

Québec solidaire peut et doit se définir comme l’alternative réelle au Parti québécois. Le PQ a mis en oeuvre des politiques d’austérité, soutient les traités de libre-échange, marginalise l’indépendance et n’hésite pas à utiliser une rhétorique xénophobe pour renforcer sa base électorale ! Présenter Québec solidaire comme la seule alternative politique, c’est parier que la clarté politique est nécessaire au développement de Québec solidaire et à son enracinement.

"Québec solidaire visera à construire un véritable front uni contre l’austérité, pour la transition énergétique et pour l’indépendance”.

Québec solidaire doit opposer un front social de résistance et une perspective d’une indépendance inclusive au projet péquiste basé sur le renforcement de la classe entrepreneuriale (voir la Proposition principale du PQ) et sur la marginalisation de la question de l’indépendance aux prochaines élections. Ce sont ces différences majeures en termes de valeurs et de projet de société, qu’il faut faire ressortir et non obscurcir et gommer.

La rupture avec l’hégémonie péquiste permettra aux mouvements sociaux de renouer avec leur combativité et leur unité

La constitution et le renforcement du front social de résistance ne pourront se faire qu’en favorisant une rupture totale avec la logique de l’appui à un gouvernement du moins pire. Des bilans sérieux montrent qu’en plus de mener des politiques néolibérales (déficit zéro, déréglementation, privatisation, refus d’une politique véritable de redistribution des richesses), le PQ n’a de moins pire que ses poses progressistes qui visent à nier l’autonomie politique de la majorité populaire face aux élites nationalistes. La création d’un véritable front social de résistance ne pourra faire abstraction d’une politique d’autonomie politique face aux élites nationalistes.

Pourquoi ? Parce que ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la défense de notre projet stratégique comme parti politique. C’est la rupture des mouvements sociaux d’avec l’ hégémonie péquiste qui permettra le dépassement de l’orientation de concertation sociale et du bon ententisme avec la classe entrepreneuriale si chère au PQ. L’hégémonie péquiste et la stratégie de concertation forme un tout. Et c’est cette stratégie de concertation qui constitue le véritable blocage à la constitution d’un front social de résistance en défense des intérêts de la majorité populaire. L’option B fait abstraction de ses considérations politiques essentielles et contribue ainsi à brouiller les enjeux et les responsabilités du PQ dans le blocage politique actuel.

Une plate-forme politique pour une convergence populaire véritable

Comme parti, notre contribution à la constitution d’un front social de résistance, c’est celle de la plate-forme politique que nous avancerons durant la prochaine campagne électorale. Sur le terrain économique, elle doit s’articuler autour du refus des politiques néolibérales, de toute privatisation et mettre de l’avant un investissement massif dans le secteur public. Une politique économique sérieuse passe par le rejet des ententes de libre-échange et la défense d’un protectionnisme social, écologique et solidaire. [1]. Une politique économique solidaire passe également par des mesures radicales de redistribution de la richesse allant de l’augmentation immédiate du salaire minimum à une réforme réellement redistributrice de l’impôt. Enfin, une véritable transition énergétique nécessitera la nationalisation des énergies renouvelables et des entreprises de matériel de transport rendant possible des décisions démocratiques et citoyennes à ce niveau.

Une obligation politique incontournable : affirmer l’indépendance totale de QS face au PQ qui dérape sur le terrain d’un identitarisme xénophobe

Cette orientation est nécessaire pour refonder l’unité populaire et écarter les tentations identitaires qui divisent le camp des classes dominées. L’antiracisme doit donc être une composante majeure d’une éventuelle plate-forme. Québec solidaire doit inscrire la lutte pour l’indépendance comme une priorité dans le cadre de la défense d’un Québec inclusif qui refuse toute xénophobie. Le refus de toute convergence avec le PQ se base sur la volonté de ne pas nourrir des illusions sur la nature de ce parti compte tenu des orientations qu’il défend. Il n’est pas dans le camp des progressistes. Pour ce qui est de la partie de la population qui refuse la logique chauvine et identitaire du PQ reprise par la direction Lisée, elle pourrait conclure, et cela avec justesse, que le nationalisme identitaire et la rhétorique chauvine de Lisée et du PQ ne pèsent pas assez lourd face à des considérations électoralistes (souvent mal fondées d’ailleurs) pour que QS repousse tout type de rapprochement avec ce parti.

L’utilisation opportuniste de politiques xénophobes à des fins électoralistes nous suffit amplement pour refuser tout rapprochement avec un tel parti. La construction d’une convergence antiraciste comme le propose le Comité antiracisme de Québec solidaire serait profondément entravée par toute entente avec le PQ compte tenu de l’expérience des communautés racisées face à ce parti ces dernières années.

Affirmer clairement que nous n’avons rien de commun avec ce parti en termes de nos grands objectifs stratégiques, y compris notre conception inclusive de l’indépendance, est une priorité pour défendre notre crédibilité et notre enracinement dans de nombreux secteurs de la population québécoise.

Option nationale doit clarifier la nécessaire liaison entre indépendance et projet de société

Nous partageons totalement la critique qu’Option nationale fait du PQ sur la marginalisation que le PQ opère de la question de l’indépendance pour les prochaines années. Et on ne peut à la fois prétendre lutter pour l’indépendance et entériner le renvoi à un avenir incertain de cette lutte par le PQ au nom de son retour à l’administration d’un pouvoir provincialiste. La crédibilité de la démarche envers Option nationale en dépend. D’autre part, le rapprochement avec ON ne pourra faire l’économie d’une proposition sur la nécessité de construire une convergence antiraciste comme le propose le Comité antiracisme de Québec solidaire.

L’Option B, une véritable auberge espagnole

A. Faire assumer au PQ l’odieux de la rupture

L’option B tend à recouvrir plusieurs positions et sensibilités dont certaines sont pour le moins incompatible. Pour certain-e-s, s’engager dans des pourparlers avec le PQ ne vise qu’à démontrer notre ouverture et notre bonne foi sans se faire aucune d’illusion sur les résultats de telles négociations. Ces personnes donnent un encadrement politique assez précis à ces pourparlers. Si le PQ n’accepte pas ces principes, le PQ devra rejeter notre démarche. Et on pourra faire assumer au PQ la rupture. Il portera ainsi la responsabilité de la division. Ce serait la une posture gagnante au niveau de la communication politique. La barre est si haute qu’il n’y a pas de raisons de ne pas le faire. Ce que néglige cette position, c’est que le PQ peut clignoter fort à gauche lorsqu’il est dans l’opposition et que nous ferions qu’avaliser sa démagogie aux yeux de nombreuses personnes progressistes.

B. Les bases d’une démarche de négociation de pactes de non-agression qui peuvent porter fruit en termes électoraux

D’autres personnes pensent qu’il est possible d’arriver à des arrangements qui se concrétiseraient par des pactes de non-agressions entre le PQ et Québec solidaire durant la campagne électorale et à certains désistements dans une circonscription contre le désistement dans d’autres. La fonction de ces désistements mutuels serait que le PQ et QS ne s’enfargent pas, ne s’enlèvent pas mutuellement des votes dans des circonscriptions déterminées, et cela, dans l’espoir d’une progression des élus des deux partis qui permettrait de battre les Libéraux de Couillard. Pour des personnes, un autre sous-courant de l’option B, il n’est d’ailleurs pas question de dépasser des arrangements purement électoraux. Mais ce qui n’est jamais évalué par les personnes défendant de telles options ce sont les ravages que peuvent causer sur les associations de Québec solidaire le fait de demander aux militant-e-s de ce parti de ne pas présenter des candidat-e-s et de voter PQ aux prochaines élections. On risquerait de la payer cher et longtemps...

C. Une coalition politique pour remporter des gains politiques essentiels.

Mais d’autres personnes qui ont annoncé leur intention de voter pour l’Option B envisagent la mise en place d’une véritable coalition politique. Pour certain-e-s, le dialogue peut faire évoluer la situation. Pour ces personnes, le rapport de force a changé en faveur de Québec solidaire. Ainsi, la volonté de changer le mode de scrutin est maintenant soutenue par tous les partis politiques sauf le PLQ. Le PQ a déjà repris à son compte cette perspective dans la "Proposition principale" qui sera discutée à son prochain congrès. Le PQ peut changer, disent-elles. Ces personnes prétendent que le PQ peut devenir un allié de la transformation du cadre politique actuel en nous permettant de gagner un mode de scrutin proportionnel. Nous pourrions même ajouter d’autres revendications à une plate-forme commune qui seraient à la base d’arrangements. Nous ne reculerons pas sur nos principes, mais il y aura des accords concrets qui pourront peut-être se dégager et nous assurer une progression sur le terrain électoral et politique nous permettant de renforcer le poids de notre députation. Le prochain congrès permettra de prendre une décision éclairée sur ces accords concrets.

On voit que l’Option B va tendre à prendre l’allure d’un consensus mou et confus d’autant plus que la profusion d’amendements qui sortiront de la discussion visent à multiplier les nuances et chaque personne y trouvera ce qu’elle a bien voulu y apporter". Mais l’interprétation de la proposition adoptée sera l’enjeu du processus de négociation lui-même. dans les médias de masse, en particulier.

Ne nous tirons pas dans le pied

Quelque soit les intentions politiques des militant-e-s qui proposent des ententes qui vont de postures communicationnelles à la mise place d’une plate-forme commune en passant par des pactes de non-agression avec ce parti, afin de progresser sur le terrain électoral, ces pourparlers et arrangements seront perçus par de larges secteurs de la population comme une convergence gommant des orientations stratégiques contraires permettant d’interpréter la croissance du PQ et son éventuel retour au pouvoir comme une nécessité politique dans la défense du Québec dans la période actuelle. De cette confusion, que nous sèmerions nous-mêmes, la tendance au vote stratégique en serait renforcée, comme la nécessité au bout du compte de ne pas prendre de chance et de voter pour le Parti québécois. C’est ce qu’on appelle se tirer dans le pied.


[1Voir l’article d’Olivier Bonfond, Appliquer un protectionnisme social, écologique et solidaire, extrait de son livre, Il faut tuer Tina, 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde. ,Ceriser, 2017

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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