Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Racisme

Raciste, le Québec ?

Le racisme se nourrit de l’ignorance et de la peur : peur de la personne étrangère qu’on ne comprend pas. Il infériorise des catégories de personnes avec comme conséquences de la discrimination et des souffrances pour ces personnes alors que d’autres personnes peuvent en tirer des avantages.

« Que faisons-nous quand nous « préjugeons » ? Nous témoignons de nos valeurs, de nos partis pris du regard que nous posons sur les autres. En exprimant nos préjugés, nous relayons les images fortes qui circulent par tous les canaux formels et informels de la société, les pensées collectives qui se sont déposées en nous presque à notre insu. Nos préjugés disent aussi que nous faisons confiance au jugement collectif, à l’opinion publique, parfois au détriment de la vigilance, du doute, de l’examen. Par ignorance, par paresse intellectuelle ou par besoin de nous identifier à un groupe dominant, nous nous retranchons derrière ces idées que nous tenons pour vraies sans toutefois pouvoir en expliquer les fondements de façon rigoureuse et objective.

Bref, « préjuger » signifie juger sans savoir, sans chercher à savoir ou pire, sans vouloir savoir ! http://www.centraide-quebec.com/files/pdfs/document-reflexion-4-2011_2.pdf

Le racisme a, entre autre, permis de diviser les travailleurs et travailleuses entre elles : les personnes immigrantes servant de cheap labor dans toutes les sociétés industrielles. Les exemples sont nombreux en Europe depuis le début du siècle. Ce sont les vagues d’immigration des travailleurs espagnols, italiens, polonais, turcs en Angleterre, en France en Allemagne venus faire les sales jobs pas payées dans les mines, dans les usines. Les industriels et financiers capitalistes ont orchestré et encouragé ces arrivées de main d’œuvre bon marché. Diviser pour mieux régner ; les bas salaires versés aux personnes immigrantes ont créé la réputation de voleurs de jobs. L’extrême droite a politiquement repris le flambeau et a toujours fait la chasse aux personnes immigrantes. Le racisme avait son terrain fertile pour se développer. Racisme et capitalisme sont intimement liés. L’un profite à l’autre.
Un Québec ouvert se doit de comprendre les racines du racisme. Et pour cela, on ne peut s’épargner l’effort de connaître qui arrivent au Québec et dans quelles conditions ces gens-là vivent.

Pour clarifier la situation des personnes immigrantes, nous allons tenter de défaire certains préjugés à partir des statistiques gouvernementales.

Les immigrants (les préjugés nient l’existence des femmes) principalement les islamistes nous envahissent

« Pourtant, le poids démographique des immigrants est déjà relativement faible au Québec. En 2006, alors qu’en Colombie-Britannique et en Ontario, la population immigrante représentait respectivement 27,5 % et 28,3 % de la population totale provinciale, elle ne représentait que 11,5 % de la population québécoise » http://www.iris-recherche.qc.ca/wp-content/uploads/2012/11/Note-immigration-web.pdf

« Selon les données du dernier recensement, sur 1,8 million d’immigrants arrivés au Canada entre 1991 et 2001, 58 % venaient de l’Asie et du Moyen-Orient, 20 % de l’Europe, 11 % des Caraïbes, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud, 8%de l’Afrique et 3% des États-Unis (ibid. : 7). Au Québec, où le nombre d’immigrants arrivés durant la décennie était de 244 905 personnes, ces proportions étaient de 38 % pour l’Asie et le Moyen-Orient, de 23 % pour l’Europe, de 19 % pour les Caraïbes, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, de 18 % pour l’Afrique et de 2% pour les États-Unis » http://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/Documents/SF_accueil_integration_enfants_immigrants.pdf

Quel envahissement quand les personnes immigrantes venant de Moyen Orient et d’Asie forment 38 % de l’immigration et que l’immigration ne forme que 11, 5 % de la population québécoise.

Ce qu’on pressent ne concorde pas avec les chiffres.
Les immigrants sont des voleurs de jobs
« Le taux d’emploi des personnes immigrantes est de 55,6 % en 2011 et de 60,1 % dans l’ensemble de la population, une différence de 4,5 points de pourcentage.

Le taux de chômage des personnes immigrantes est de 12,4 % en 2011, en baisse de 0,1 point de pourcentage par rapport à 2010. Dans l’ensemble de la population, le taux de chômage est de 7,8 %, en baisse de 0,2 point de pourcentage.

En 2011, c’est au Québec que le taux de chômage des personnes immigrantes est le plus élevé (12,4 % comparativement à 8,8 % en Ontario et 7,9 % en Colombie-Britannique).

En 2011, 82,9 % des personnes immigrantes travaillaient à temps plein comparativement à 80,8 % dans l’ensemble de la population.

Le salaire hebdomadaire des personnes immigrantes est de 717,88 $ en 2011 comparativement à 759,99 $ pour l’ensemble de la population. »
http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/ImmigrantsMarcheTravail2011.pdf

Les personnes immigrantes volent quoi ; quand on fait l’analyse de leur situation économique ? Les personnes issues de l’immigration occupent les jobs sous payées. Ça c’est la réalité.

Les immigrants ne connaissent rien

« Bien que détentrice de compétences et fortement scolarisée (19% des personnes immigrantes arrivées au Canada entre 2001et 2006 possédaient un certificat ou un grade universitaire, comparativement à 3,1% chez les natifs), la population immigrante admise au Canada est la seule tranche de société qui ne profite pas réellement du bassin d’emplois disponibles dans le présent contexte de pénurie de main-d’oeuvre.

À titre d’exemple, soulignons le fait qu’en 1991, environ 12 % des immigrants de
longue date (entre 11 et 15 ans de présence), diplômés universitaires,
occupaient un poste exigeant une faible scolarité. En 2006, ce pourcentage a
augmenté de 9% pour s’établir à 21 %. Ces seules données portent à croire que les difficultés des immigrants récents ne sont pas nécessairement temporaires9. Elles tendent à devenir systémiques. » http://rssmo.qc.ca/wp-content/uploads/2012/09/integration_emploi_personnes_immigrante.pdf

« Le niveau de scolarité des nouveaux arrivants au Canada est en constante progression, si bien qu’il est aujourd’hui de loin supérieur à celui des natifs : en 2006, 51 % des immigrants très récents (25-64 ans), c’est-à-dire ceux établis depuis moins de 5 ans, détenaient un grade universitaire en regard de 19 % de la population canadienne. » http://www.iris-recherche.qc.ca/wp-content/uploads/2012/11/Note-immigration-web.pdf

« La population immigrante récente est jeune ; 69,9 % des personnes sont âgées de moins de 35 ans. Parmi les personnes immigrantes âgées de 15 ans et plus, 63,9 % comptent 14 années et plus de scolarité. » http://www.quebecinterculturel.gouv.qc.ca/fr/diversite-ethnoculturelle/index.html

Constat : la population immigrante au Québec est une population très scolarisée. Les immigrants viennent faire de l’argent et s’en vont après

« En 1980, les nouveaux immigrants au Canada gagnaient en moyenne 85 % du salaire moyen des natifs ; cette proportion avait chuté à 63 % en 200510. De plus, tandis qu’en 1980, le taux de faible revenu après transfert et avant impôt était à parité chez les deux catégories, celui des natifs avait diminué 25 ans plus tard, passant de 17,2 % à 13,3 %, alors que celui des immigrants avait cru, passant de 17 % à 21,6 %11. Il est donc désormais 1,6 fois plus élevé que celui des natifs. La situation des immigrants très récents est encore plus inégale avec un taux de faible revenu 2,7 fois plus élevé que celui des natifs. Il en résulte que les nouveaux arrivants sont de plus en plus surreprésentés au sein de la population à faible revenu : en 2004, les immigrants arrivés au pays depuis moins de 15 ans représentaient 7,8 % de la population canadienne en âge de travailler, mais 19 % des travailleurs à faible revenu. En plus de ces disparités salariales, les nouveaux immigrants sont plus susceptibles de se trouver dans une situation de précarité sur le marché du travail, comme en témoignent les écarts de taux de chômage : en 2006, le taux de chômage de la population active âgée de 25 à 54 ans et née au Canada n’était que de 4,9 %, alors qu’il était de 11,5 % pour les immigrants très récents (5 ans ou moins) et de 7,3 % pour les immigrants récents (5 à 10 ans). De plus, alors que le taux de chômage des immigrants était déjà plus élevé, la récente crise économique les a frappés plus durement. En effet, entre 2008 et 2009, les taux de chômage des immigrants très récents (14,7 %) et des natifs (7,3 %) ont respectivement gagné 3,3 et 1,5 points de pourcentage. Les données disponibles du recensement de 2011 font d’ailleurs toujours état d’un taux de chômage deux fois plus élevé pour les immigrants très récents (14,2 %) que pour les natifs (7,1 %). » http://www.iris-recherche.qc.ca/wp-content/uploads/2012/11/Note-immigration-web.pdf

« Lorsqu’elles parviennent à se trouver un emploi, ces femmes sont plus présentes dans les secteurs à forte proportion d’emplois précaires comme les secteurs des services et de l’industrie manufacturière. Une recherche du Comité d’adaptation de la main-d’oeuvre, personnes immigrantes (CAMO-PI) illustre bien cette situation27. En 2006, les femmes immigrantes occupaient 23,3 % de l’emploi féminin dans le secteur manufacturier, et 39,3 % de l’emploi des immigrants dans le secteur. Elles occupaient, par ailleurs, un emploi de niveau de compétence moindre que les femmes nées au Canada. Dans le secteur manufacturier, 77% d’entre elles occupaient des postes de niveau C et D (64 % pour les femmes nées au Canada). http://rssmo.qc.ca/wp-content/uploads/2012/09/integration_emploi_personnes_immigrante.pdf

« Sur l’ensemble des 441 022 immigrants admis de 2001 à 2010, 334 696 étaient présents au Québec en janvier 2012, ce qui correspond à un taux de présence de 75,9 %. » http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Presence_2012_immigrants_admis_Qc_2001-2010.pdf

« Conséquemment, le taux de présence en 2012 varie selon l’année d’admission : il est de 61,6 % pour la cohorte 2001 mais il est très proche ou dépasse 80 % pour les cohortes les plus récentes (de 2006 à 2010). La cohorte de 2008 a, quant à elle, enregistré le plus haut taux de présence (83,0 %). Pour l’ensemble de la période 2001-2010, ce taux se fixe à 75,9 %. »
http://www.micc.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/Presence_2012_immigrants_admis_Qc_2001-2010.pdf

Les immigrants vivent dans les plus beaux HLM

Les personnes immigrantes restent ici et vivent des situations de précarité de revenus.

« Au Québec, 62 % des ménages non immigrants sont propriétaires de leur logis, contre 51 % chez les ménages issus de l’immigration. Les ménages immigrants qui gonflent les chiffres pour le taux de propriété sont ceux arrivés avant 1986 et issus en majorité d’Europe de l’Ouest. Par comparaison, si on regarde la catégorie de ménages immigrants arrivés après 2000, on parle d’un taux de propriété de 16 %. Une des problématiques qui touchent les ménages pauvres, donc beaucoup de familles immigrantes, est le surpeuplement (défini comme étant la présence de plus d’une personne par pièce). Chez la population traditionnelle, on parle de moins de 1 % ; chez les ménages immigrants, on parle de 8 % et de plus de 10 % pour les immigrantes et immigrants plus récents. Une autre particularité des ménages plus pauvres est la mobilité plus élevée ou, plus simplement dit, le fait de déménager souvent. Les locataires québécois, non immigrants comme immigrants, déménagent régulièrement : entre 2001 et 2005, près de 60 % d’entre eux ont changé d’habitation. Là où les chiffres frappent, c’est chez les immigrantes et immigrants récents (après 2000) : on parle de 92 % ! L’écart entre les ménages non immigrants et immigrants se creuse aussi au niveau du taux d’effort pour se loger. La norme convenue pour déterminer si un ménage consacre une part trop importante de ses revenus pour se loger est de 30 %. Les ménages non immigrants locataires qui dépassent ce taux sont de 34 % ; du côté des ménages immigrants, on parle de 42 %. Pour les ménages immigrants plus récents (après 2000), on monte à 52 %.

Lorsque qu’on regarde les ménages locataires immigrants qui fournissent un taux d’effort de 50 % et plus, les chiffres restent très élevés : on parle d’un
pourcentage de 22 %, ce qui représente 48 000 ménages. Pour les ménages non immigrants, on arrive à 15 % ou 155 500 ménages. »

http://www.frapru.qc.ca/IMG/pdf/Document_Immmigration_et_logement.pdf
Le document du Frapru démontre bien que la situation du logement pour les personnes immigrantes est une question cruciale de discrimination pour elles.

En conclusion

Nous avons cité seulement quelques préjugés concernant les personnes immigrantes. Mais nous avons tenté de couvrir le plus d’éléments possibles de la vie sociale et économique. Ces préjugés sont là et pourrissent la vie des immigrants et immigrantes. Un Québec ouvert doit absolument lutter contre tout comportement raciste. Avec la mondialisation capitaliste et l’ère de l’internet, l’accès aux connaissances et les facilités de transport font que les déplacements humains se multiplient. Il faut éviter de tomber dans le jeu de la division et accueillir l’autre dans toutes ses dimensions culturelles, religieuses et sociales.
Si la chartre des valeurs a comme conséquences l’augmentation du racisme particulièrement envers les femmes voilées, il nous faut nous poser des questions sur sa validité et son application.

« Si le flot de nos préjugés est une rivière qui nous sépare les uns des autres, nous pouvons toujours essayer de la vider avec un seau. Ce serait le moyen d’éviter de quitter les bords rassurants de notre rive. Mais l’autre rive n’en continuera pas moins d’exister, sans qu’il soit possible de l’éloigner ou de la supprimer – indissociable de la nôtre.

Alors, vider la rivière… ou construire des ponts ? http://www.centraide-quebec.com/files/pdfs/document-reflexion-4-2011_2.pdf

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