Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

Reprendre nos esprits

Nous assistons dans le Québec à ce que l’américain Christopher Lasch appelait « La révolte des élites » ; celles-ci ont entamé une guerre de dépossession sans merci contre le peuple et la chose commune, la res publica. « Il fut un temps, disait Lasch, où ce qui était supposé menacer l’ordre social et les traditions civilisatrices de la culture occidentale, c’était la Révolte des masses. De nos jours, cependant, il semble bien que la principale menace provienne non des masses, mais bien de ceux qui sont au sommet de la hiérarchie ». Ainsi en va-t-il chez nous, où la classe dominante a décidé de détruire les valeurs de la Révolution tranquille, les services publics, et de passer à tabac ceux qui prétendent contester, allant jusqu’à suspendre des libertés civiles fondamentales avec la loi 78. Godin : « J’ai mal à mon pays jusqu’à la fin des temps ». Cela peut être source de grand découragement, certes. Mais on peut aussi y voir un urgent appel à nous relever les manches, et à nous mettre en travail pour réaliser enfin les aspirations historiques de libération qui n’ont cessé de grouiller dans notre arrière-plan mental collectif depuis des décennies, et ainsi reconquérir notre esprit commun.

mettre le désespoir en joue

braquer sur l’immonde

le barillet de sa beauté

rester en elle

ne reculer devant rien

tout réapprendre du maniement des larmes

- Fernand Durepos

Le néo-autoritarisme néolibéral

Le mouvement de destruction du commun entamé chez nous ne résulte bien sûr pas d’un simple caprice local de notre classe d’affairistes. Partout dans le monde, le néolibéralisme, c’est-à-dire le capitalisme avancé, impose irrationnellement son injonction de croissance infinie ; et partout, les fiers vassaux qui lui cirent les bottes sont contraints de détruire les mécanismes politiques qui visaient la redistribution de la richesse et l’aplanissement des inégalités. Comme l’ont montré Christian Laval et Pierre Dardot dans “La nouvelle raison du monde” (Éditions La Découverte, 2010), ce n’est pas à dire que l’État cesse d’intervenir dans l’économie ou se désengage de quelque manière : au contraire, pour nourrir la bête capital, l’élite doit mettre en place un formidable programme de remodelage des individus et de la société, lequel s’avère extrêmement coercitif contre les sociétés, leurs représentations d’elles-mêmes et leur passé.

Les transformations ne sont pas justifiées sur une base rationnelle et argumentative, mais plutôt imposées sur fond d’alarmisme et d’état d’exception, à grand renforts de mensonges, de démagogie et d’appels à la peur. Ainsi en va-t-il de la panique autour du sous-financement universitaire (une fausseté construite de toute pièce) ; de même avec la dette, le choc démographique et quantité d’autres épouvantails. Une fois la panique installée, reste à imposer, comme le dit Naomi Klein, la « solution unique ». Il va de soi que a) ce qui doit nous préoccuper, c’est « l’économie d’abord » b) pour sauver l’économie, il faut détruire le modèle keynésiens, les services publics c) il faut mettre à sa place une culture d’utilisateur-payeur individualiste-entrepreneuriale.

L’État va donc mettre tout en oeuvre, notamment en réusinant le système d’éducation, en donnant des coups de matraques et en éborgnant les jeunes, afin de s’assurer que la transition se fasse docilement. Il est donc hors de question d’oser mettre en débat les nouvelles normes de la « révolution culturelle » ou d’exiger des justifications rationnelles, sous peine d’être associé au « killer carré rouge », et donc à la « violence-et-l’intimidation ».

Il faut féliciter la maison de relations publiques qui a eu l’idée géniale d’assimiler toute personne qui questionne l’action du pouvoir à un ennemi de l’État de droit. Elle a bien compris que les journalistes, au moment critique, se rangeraient toujours du côté des valeurs libérales (liberté d’expression, respect du droit, du parlementarisme). Facile ensuite d’emballer dans un même sac tous les opposants (la très bourgeoise « Madame Marois, c’est la rue », la liberté, c’est l’esclavage, la guerre c’est la paix, etc.).

L’émergence d’une telle nov­langue néo­libérale nous montre bien que les politiques sociales ne se justifient plus désormais du point de vue de leur pertinence ou de leur justesse : elles sont « pure décision », et n’ont pas à être liées à quelque recherche de rationalité. Ce mouvement d’instrumentalisation du langage recoupe celui qui détache le savoir de la recherche de vérité pour en faire un pur instrument d’optimisation de la production. Ultimement, c’est toute la société qui devient formelle et opérationnelle, c’est-à-dire qu’il y est interdit de discuter publiquement des normes et finalités qui régulent la pratique social, et que le discours qui circule n’est qu’un simulacre creux, un signifiant vide qui sert à faire marcher tous les autres, c’est-à-dire qu’on peut désormais dire n’importe quoi du moment que cela consolide l’ordre et dynamise la croissance du capital. Félix Leclerc disait : là où d’autres bâtissent des pays avec des canons, nous avons bâti un pays avec des mots.

Qu’arrive-t-il lorsque nous n’avons plus aucun mot pour notre liberté, lorsque nous ne parlons plus que du travail mort qui saisit le vif ? La crise étudiante oppose ceux qui veulent encore parler pour dire quelque chose et qui veulent encore s’enraciner dans l’Histoire, et ceux qui ne parlent plus déjà qu’avec un cadavre dans la bouche, les débâtisseurs de peuples qui ont la prose des tableurs Excel et « l’oeil électronique » (S. Lelièvre).

La jeunesse n’est pas une marchandise

Notre société s’est « libérée » de la tradition, la belle affaire, mais elle peine maintenant à se libérer de la puissance qu’elle a libérée et des planificateurs technocratiques qui en ont pris le contrôle. Leur action n’a désormais plus de fondement et plus d’ancrage, plus rien n’a pour eux de valeur intrinsèque, de valeur sacrée ou de nature à respecter. Dans The abolition of man, C.S. Lewis annonce, non sans rappeler Huxley, le jour où les hommes auront soumis toute la nature, jusqu’à la nature de l’homme, à leur puissance de transformation de l’existant. Ce jour-là, disait-il, naîtra la première génération d’être humains entièrement conditionnée et programmée par la précédente.

Voila qui est terrifiant, et qui l’est encore plus si l’on comprend que les « éducateurs » dont il parle sont eux-mêmes amoraux et agissent comme des pantins par la technique émancipée et le Sujet automate de la valeur, bref, par le capital. On assiste alors à une grande dépossession : exit le passé des peuples, l’idéal moderne d’une prise en charge réflexive des communautés par elles-mêmes (le politique, la souveraineté populaire), le débat public, bref, la possibilité pour un peuple de se réapproprier son passé (le plus grand trésor des peuples, disait Simone Weil), de même que la possibilité de choisir un avenir orienté par des finalités réfléchies. Désormais, une méta-normativité s’impose à tous les peuples de la terre : la compétitivité, la croissance, la guerre économique. L’esprit institutionnel de Université sera détruit, l’institution remplacée par une caserne qui formera les enfants à devenir une infanterie de traders.

Il n’y a pas à s’étonner que la jeunesse accueille cette sombre perspective avec dégoût. On ne la laisse pas poser de questions sur le rôle qu’on s’apprête à lui faire jouer. On la traite comme une ressource jetable. Bref, on insulte son intelligence, et on lui balance des coups de matraques en prime. Et quand ça ne suffit pas, on abolit la démocratie et le libéralisme eux-mêmes avec des lois d’exception qui rendent illégale toute forme d’opposition, même pacifique, verbale, à la révolution des élites. On avait hélas vendu la peau de la jeunesse avant de l’avoir tuée. Or, celle-ci semble avoir déjà lu passablement plus de livres que les ministres de l’Éducation et de la Culture, et c’est à grands renforts de poésies et de créativité qu’elle refuse de se glisser sans mot dire dans le rôle de marchandise passive que lui ont préparé les élites.

Sus à l’ennemi !

« Mettre le désespoir en joue/braquer sur l’immonde le barillet de sa beauté ». Ces paroles du poète Fernand Durepos montrent bien la polarisation dans laquelle nous sommes entrés, et l’autre avenir possible pour le Québec qui gronde contradictoire dans le négatif de notre être-ensemble. Par-delà le simple refus de la hausse des droits de scolarité ou de l’autoritarisme libéral, nous avons vu une contestation élargie du néolibéralisme et de la corruption des institutions publiques par la gangrène de l’argent. Ce mouvement charrie avec lui quantité d’espérances qui sont logées dans notre histoire comme autant d’éclats à libérer. Le camp de l’amour du monde contre le camp des dissecteurs de peuples.

Lutte des classes, lutte contre la démondanéisation. Voilà la croisée des chemins où nous nous trouvons. Encore faut-il penser quelques pistes pour la suite des choses…Je vais énumérer ici quelques idées fondamentales qu’il nous faudra travailler dans les prochaines années si nous voulons dépasser le stade du refus et instituer le Québec dont nous parlons de­puis longtemps, même confusément, dans toutes nos poésies.

Un programme minimum pour notre libération

1. L’indépendance et la sou­ve­rai­neté populaire

Contre la monopolisation du pouvoir par une petite élite technocratique ex­citée par la perspective d’un monde totalement administré mis au service de la boulimie de la valeur, nous de­vons revaloriser le projet d’autonomie, individuelle et collective, de la modernité. Contre la destruction de la culture et du commun engendrée par la déterritorialisation du ca­pital, nous de­vons proposer une re­valorisation de l’appartenance à une communauté de culture et de sens. C’est le sens de ce que dit le philosophe Michel Henry dans La Barbarie : le véri­able ennemi de la barbarisation du monde est la culture en tant qu’elle porte en elle la possi­lité du rapport au monde qui n’est pas fondé sur la seule puissance ou la seule quantité abstraite ; la culture invite à se rapporter au monde sur la base d’un sens mis en partage, qui invite à la reconnaissance de ce qui vaut la peine d’être préservé. Cela nous mène tout droit à l’indépendance ; mais il faut l’arracher aux technocrates qui y voient un moyen d’engraisser le Québec Inc. ou à ceux qui la font par ressentiment. L’indépendance qui re­donne ses droits à la sou­ve­rai­neté du peuple contre l’aliénation, voilà celle qui nous intéresse.

2. Un nou­veau programme d’éducation qui revalorise la culture

Il faut stopper les machines qui nous mènent droit au Naufrage de L’Université (Mi­chel Freitag), mouvement déjà bien en­tamé, et faire marche arrière pour remettre nos institutions enseignement au service d’un nouveau programme de formation de l’esprit (pai­deia) dont l’objectif sera de former des êtres humains capables de vivre ensemble, avec les autres cultures et de composer avec les problèmes du siècle, notamment l’écologie. Cette éducation ne sera pas utilitariste : elle visera avant tout à cultiver l’autonomie des personnes, la pensée critique et à transmettre le patrimoine culturel humain.

Elle sera tout à l’inverse du mépris et des mensonges que diffusent Martineau-Duhaime et cie., en ce sens qu’elle sera d’abord pré­occupée par la revalorisation de notre capacité d’apprécier la beauté de la culture et la beauté du monde. Elle ne produira pas de la recherche pour être compétitive ou pour renforcer l’économie (n’en déplaise au recteur Guy Breton de l’université de Montréal). Elle ne sera pas « branchée » sur les impératifs de la croissance, mais amènera plutôt à chercher à connaître le monde pour mieux préserver ce qui vaut intrinsèquement en lui.

3. Une démocratie de proximité, notamment à travers la proportion­nelle et la revalorisation du débat public

Il faut éviter à tout pris que le pouvoir se détache des sujets instituants à tel point que nous n’ayons plus de prise sur lui. Il faut mettre en place des instances, dont les assemblées de quartier et de village d’aujourd’hui sont des exemples, à partir desquelles rebâtir une démocratie de proximité, une démocratie vivante qui ne se limite pas à aller aux urnes tous les quatre ans. Nous devrions enfin instaurer le scrutin proportionnel, que les vieux partis ont tous défendus parce qu’ils bénéficient du bipartisme et de la limitation de l’offre politique, et qu’ils craignent les idées de jeunes partis comme Québec solidaire qui viendraient bouleverser la façon de faire de la politique. Amir Khadir est dans la rue, avec le peuple ; ce n’est donc pas un bon parlementaire, nous dit-on…

Curieux que la première qualité d’un parlementaire soit de ne pas être sur la place publique avec les siens, comme aurait dit Miron… Il m’apparaît au contraire qu’il faut créer des conditions pour que nous ayons beaucoup plus d’Amir Khadir et beaucoup moins de Nathalie Normandeau ou Tommassi, c’est-à-dire que nous ayons enfin des représentants qui restent organiquement liés avec le peuple, qui sont avec le peuple. L’objectif des nou­velles instances de proximité est d’ouvrir au débat public et à la circulation de la parole afin que ce ne soient plus sempiternellement les mêmes qui aient le monopole du discours. La déferlante de calomnies des derniers mois nous montre l’impérieuse urgence d’enlever le crachoir à ceux là pour le redonner au peuple, à qui on refuse systématiquement le droit de se choisir lui-même et de vouloir des choses pour lui-même. À cet égard, la création d’un média progressiste de masse est depuis longtemps au Québec une impérieuse nécessité.

4. Sortir de la globalisation capitaliste : vers la décroissance et le « socialisme »

Une indépendance qui nous laisserait aux prises avec le capital et ses exigences infinie à la croissance ne nous rendrait pas plus libres. Il faudra conséquemment entamer un vaste mouvement de décroissance de la production et de réflexion sur les finalités de l’activité économique afin de la mettre au service du bien-être et du respect des sociétés et de la nature. Nous mettrons alors en place quelque chose comme un écosocialisme ou un socialisme du XXième siècle qui sera démocratique, anti-autoritaire, écologiste, féministe, et saura remettre le bien commun et la « vie bonne » dans le fauteuil qu’occupe actuellement l’usurpateur capital. Cela implique de remettre en question les catégories fondamentales du capitalisme : travail, marchandise, salariat, valeur, etc. Il faut d’urgence envisager une réduction radicale du temps de travail pour libérer du temps d’activité humaine qui est actuellement prisonnière de la nécessité de reproduire le capital.

Il faut aussi entamer une révision de notre production et de notre consommation d’énergie. Nous devons nous débarrasser du danger public nucléaire, cesser l’exploitation éhontée de nos ressources naturelles, du sol, du sous-sol, etc. Une meilleure organisation de nos ressources énergétiques et une réduction du volume de la consommation, notamment à travers la décentralisation et la réduction du trans­port, une sortie des énergies sales et fossiles, m’apparaissent incontournables.

Dès que nous irons dans cette direction, nous commencerons à sortir du capitalisme, qui n’existe que de refuser ces interrogations fondamentales, et nous marcherons vers quelque chose, on peut l’appeler socialisme par respect pour l’histoire et les luttes antérieures (ou autre chose si le mot agace trop, peu importe du moment que la finalité reste la même), qui nous amènera à revaloriser le lien social, la nature et à les placer avant l’accumulation de piles d’argent. Il n’y a pas d’avenir pour l’esprit des peuples dans le capitalisme, ni pour le Québec, ni pour les autres ; il faudra choisir si le XXieme siècle sera celui de la corporation transnationale déracinée ou celle de la générosité des peuples rendus à eux-mêmes.

Les accords de libre-échange s’inscrivent dans le cadre d’un projet, déjà articulé en 1999 dans l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI). Nous ne parlons plus beaucoup de l’AMI aujourd’hui, et pourtant, c’est le même esprit qui, partout, est en train d’imposer à tous les peuples une méta-Constitution où « l’économie d’abord » vient se positionner comme plus importante que la culture, les priorités et la souveraineté locales. On peut avoir l’illusion que le monde progresse avec la mondialisation vers un monde « sans frontières », mais ce serait mal comprendre les choses : ce à quoi nous assistons est l’enveloppement de la totalité de la planète sous une contrainte unique, celle de la valorisation du capital, laquelle se doublera d’un appareil de contrôle social sans précédent pour optimiser la performance et réguler les flux de « capital humain ».

C’est pourquoi il faut résister à ce mouvement de déterritorialisation. Le risque est bien sûr de sombrer dans une re­territorialisation xénophobe ou fermée ; c’est ce que montre la résurgence du populisme de droite, du racisme, et même du néo-nazisme (en Grèce, par exemple). Contre cela, nous sommes ap­pelés à une approche plus humaniste et plus ouverte de la revalorisation de l’enracinement. Seul le réenracinement, en effet, peut servir de préalable et de point d’appui à un véritable internationalisme.

La liste serait encore bien longue, il manque quantité de choses à ce programme minimum. J’aimerais qu’on en retienne sur­tout l’esprit : rétablir des lieux du politique, remettre le débat, la culture, le respect de la nature, de l’égalité au centre des priorités, sortir du capitalisme, du pétrole, de la croissance, revaloriser l’éducation humaniste : voila les composantes fondamentales avec lesquelles faire un pays où les Québécois-e-s seraient enfin maîtres chez eux, et pourraient enfin placer l’épanouissement humain et le respect de la nature par-delà les projets d’entreprenariat bassement intéressés et médiocres qui tiennent actuellement lieu de telos de pacotille en cette province dirigée par des cancres.

Le parti Québec solidaire est celui qui m’apparaît le plus proche des idées que j’identifie comme étant les plus importantes pour les prochaines années. Ce n’est pas pour rien que j’en suis membre de­puis les débuts de l’aventure, et que je pense qu’il s’agit d’une organisation importante pour la marche du peuple québécois vers son émancipation. Je ne pense pas, par ailleurs, que l’action électorale soit la seule tactique à utiliser. Le conflit étu­diant ne nous a-t-il pas montré combien la rue, les réseaux, les valeurs d’organisation libertaires, la démocratie directe sont porteuses d’une force d’organisation importante, comme nous l’a montré la jeunesse ? Je pense être bons dialecticiens qu’il faut envisager une complémentarité entre les organisations traditionnelles (partis, syndicats, mouvements sociaux) et les nouvelles pratiques d’organisation. Choisir un camp ou l’autre est la plus sûre façon de ne pas disposer de tous les atouts nous permettant de battre la main du pouvoir et du capital.

Bien sûr, même si « ça ne pourra pas toujours ne pas arriver », nous pouvons avoir le sentiment que nous sommes devant une montagne d’impossible et baisser les bras, nous pouvons même céder au ressentiment. Gaston Miron, comme l’avait bien vu Va­deboncoeur, refusait de fonder sa révolte dans le désarroi ou le ressentiment, préférant adopter une attitude plus généreuse d’attente, de patience, de disponibilité envers l’histoire, comme s’il était toujours prêt, malgré les échecs, à accueillir la médiation quand elle daignerait enfin se montrer :

Non, je n’ai jamais renoncé malgré tous les échecs. Je suis têtu de naissance, je pourrais dire. J’ai des accablements profonds, mais la vie est tellement forte qu’elle reprend toujours le dessus. C’est comme une racine, c’est comme une espèce de plongée racineuse qui ne veut jamais déraciner. Comme je le dis dans ce poème de la Marche à l’amour, je refuse la tragédie, je refuse l’échec, je dis qu’il faut donner toujours la centième et une chance à l’amour, je dis « j’ai du chiendent d’achigan plein l’âme ». Alors, il y a toujours une espèce de reprise de l’amour et une continuation de cette recherche de la médiation.

Voici tout au plus quelques mots, quelques pistes pour les années à venir et pour la tâche qui nous attend, celle qui nous appelle à être à la hauteur de ce que notre humanité commune exige de nous : nous donner les moyens de nous réapproprier notre esprit commun pour empêcher notre dissolution dans le grand tout magmatique de l’alchimie financière capitaliste globalisée. Il y a bien sûr là quelque chose « d’utopique ». Mais si pareilles perspectives peuvent sembler lointaines, difficiles, situées sur des chemins obstrués d’embûches, il faut voir à quel point l’autre perspective, celle de la fuite en avant, constitue une voie express vers la barbarie assurée.

Le rapport GÉO-5 nous donne moins de 100 ans avec du développement économique tel que nous le pratiquons avant notre asphyxie collective. Qui penserait que viendrait le jour où la phrase « La liberté ou la mort » ne serait plus une affirmation révolutionnaire chargée de romantisme, mais un ultimatum posé par les circonstances elles-mêmes ? La jeunesse a saisi l’ampleur du problème et est déjà à pied d’œuvre contre l’interdit de faire société, contre l’interdit d’humanité. Elle porte des enseignements qu’on ne saurait refuser d’entendre.

Éric Martin est professeur de philosophie au collégial et chercheur en éducation à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). Bachelier en communication (UQAM), il détient une maitrise en analyse et théories politiques (UQAM) et termine présentement une thèse de philosophie politique sur Hegel et la théorie critique (Université d’Ottawa). Il a aussi enseigné le journalisme et l’économie politiques des médias à l’UQAM et à l’Université d’Ottawa. Il est le co-auteur, avec Maxime Ouellet, du livre Université Inc. (LUX éditeur) qui analyse la marchandisation des universités et du savoir dans le capitalisme avancé. Il est également membre du Groupe inter­universitaire d’étude de la postmodernité (GIEP). Ses champs d’intérêts sont, entre autres, la théorie critique, la philosophie allemande, la sociologie des médias, la philosophie politique et l’étude des transformations de l’éducation supérieure dans le néolibéralisme.

Éric Martin

Chercheur à L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS)
Membre du Collectif d’analyse politique (CAP)
Doctorant en pensée politique, Université d’Ottawa

ERIC.MARTIN@uottawa.ca

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