Édition du 23 avril 2024

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Québec

Salaire des députéEs : L’austérité sélective

Le premier ministre Philippe Couillard dit sur toutes les tribunes que tout le monde doit faire un effort pour que le Québec atteigne le déficit zéro. Son programme d’austérité fait mal : coupures de services dans les écoles et le réseau de la santé, augmentation des tarifs, fermetures de ressources dans toutes les régions et gel de salaire et diminution de conditions de travail pour les 550 000 travailleurs du secteur public.

L’austérité du gouvernement libéral touche toute la population du Québec ? Non. Certains groupes sont épargnés : les entreprises qui bénéficient de baisses d’impôts et de généreuses subventions, les médecins qui voient leur rémunération augmenter rapidement et….les députés qui ne s’imposent pas l’austérité qu’ils imposent aux autres.

En effet, le 12 novembre dernier, le gouvernement libéral a déposé un projet de loi qui aura comme conséquence d’augmenter de 50% le salaire de tous les députés de l’assemblée nationale. Dans la présentation de son projet de loi, Jean-Marc Fournier sortait une série de chiffres pour en arriver à la conclusion qu’avec sa réforme, les contribuables économiseraient 400 000$. Si les journalistes avaient fait leur travail d’analyse, ils auraient rapidement conclu que le gouvernement disait n’importe quoi.

L’économie résultant de l’annulation des primes de départ

Dans ses calculs, Jean-Marc Fournier prétend qu’annuler les primes de départ des députés entraînera une économie annuelle de 830 000$. C’est un chiffre difficile à expliquer considérant que les primes de départ des 9 députés ayant démissionné depuis les dernières élections, il y a près de 2 ans, ont coûté approximativement 600 000$. Ce chiffre est d’autant plus inexplicable quand on sait que 3 de ces démissions sont d’ex-ministres qui ont empochés des primes de départ de 150 000$, beaucoup plus que la moyenne. De plus, ces deux dernières années ont été exceptionnelles puisqu’il y a en moyenne 2 départs de députés par année.

Le rapport l’Heureux-Dubé (2013), sur lequel se base le gouvernement pour sa réforme, suggérait de ne pas considérer que l’abolition des primes de départ entraîne des économies comme les coûts de ces primes varient beaucoup d’année en année.

L’économie résultant des modifications au régime de retraite des députés

Dans le rapport L’Heureux-Dubé proposait une augmentation de la rémunération des députés 2000$ plus petite que l’augmentation proposée actuellement par le gouvernement. Ce rapport concluait que « l’effet net des recommandations […] serait […] de l’ordre de 4 %, soit environ 800 000 $ ». Ce coût net avec la réforme actuelle serait donc de près d’un million de dollars.

Pour arriver à ce coût net d’un million de dollars, conclusion bien différente de celle avancée par Jean-Marc Fournier, le comité L’Heureux-Dubé a pris en compte que les députés paieraient 1,5 millions de $ au gouvernement du Québec sur leurs augmentations de salaire. Ce même gouvernement, lorsqu’il avec ses employés, ne considère pas les revenus d’impôts qu’entraîneront les augmentations de salaire. Il n’utilise que le coût de l’augmentation de la rémunération de ses employés.

Justement, le comité L’Heureux-Dubé a calculé le coût de l’augmentation de la rémunération des députés. Voici ses conclusions : « Pour les députés, l’application des recommandations entraîne une augmentation de la rémunération globale de 2,3 millions $, soit une hausse de 11,3 % ». Actualisé, le chiffre serait de 2,5 millions de $.

Alors qu’il propose une augmentation de moins de 5% sur cinq ans à ses employés, le gouvernement propose d’augmenter de 11,3% la rémunération des députés. Les économies de 400 000$ pour le trésor public que fait miroiter le gouvernement sont plutôt un coût de près d’un millions de dollars lorsqu’on lit ses experts.

D’autres coûts « oubliés » par le gouvernement

Le gouvernement n’a pas pris en compte dans son calcul que l’augmentation de la cotisation des députés à leur régime de retraite leur donnera droit à un crédit d’impôt, ce qui leur laissera plus d’argent dans les poches et, conséquemment, laissera moins d’argent dans les coffres de l’état.

Le gouvernement a aussi négligé de calculer que le coût des primes de départs qui ne sont pas annulées par la réforme sera aussi augmenté de 50% puisque leur base de calcul est le salaire.

Donner l’exemple

J’espère que tous les députés réfléchiront à l’exemple qu’ils donneront s’ils votent pour se donner approximativement 2.5 millions de dollars de plus de rémunération alors qu’ils imposent un appauvrissement à la grande majorité de la population du Québec et pourraient voter une loi spéciale pour imposer un appauvrissement aux 550 000 travailleurs du secteur public.

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