Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

Sandy : une lumière crue sur l’Amérique d’Obama

Six-cent mille voix et quelques dizaines de grands électeurs auront finalement départagé Barack Obama et Mitt Romney mettant ainsi fin à une campagne qui aura coûté aux deux principaux candidats six milliards de dollars.

Dramatisé à souhait par les médias, le « duel » se solde par l’appel bipartisan, du président réélu et des perdants, à travailler ensemble « pour rétablir les finances de l’Amérique ».

Pendant ce temps, Médecins sans frontières installe une antenne d’urgence dans le Queens, à quelques encablures de Wall Street. Comme dans n’importe quel pays du Tiers Monde… Tout un symbole !

Réélu grâce au vote des jeunes de moins de 29 ans, des femmes, des latinos –qui lui ont permis de remporter le Colorado, le Nevada et le Nouveau Mexique–, des afro-américains –dont le vote, joint à celui des populations originaires d’Amérique centrale et du Sud aura permis de mettre un terme à la domination républicaine en Floride et Virginie– et par les syndicats –décisifs pour remporter le Wisconsin, l’Iowa et l’Ohio– Obama s’est empressé d’annoncer au monde : « me revoilà pour quatre ans ».

Le « moindre mal » fait aussi bien que le « pire »

Que le premier président Noir d’un pays qui s’est construit sur la discrimination raciale ait été réélu en réjouit plus d’un. Et que Mitt Romney et Paul Ryan n’entrent pas à la Maison Blanche aussi. « Est-ce pour autant que les salaires vont augmenter, qu’on créera des jobs, que disparaîtra la violence de ceux qui patrouillent le long de la frontière sud, que seront rétablis les droits des travailleurs ? », se demande l’hebdomadaire Socialist Worker.

« Que nenni ! », répond-il en citant une interview d’Obama parue dans le Des Moines Register. Cette interview, qui est la transcription d’une conversation avec le journaliste qu’Obama ne croyait pas destinée à publication, le président sortant affirme que son but numéro un est « de réduire de quelques 4000 milliards la dette publique » en taillant dans les dépenses, « y compris dans la Social Security et Medicare ».

C’est ce qui fait écrire au Socialist Worker que les quatre ans à venir risquent de ressembler furieusement à ces derniers quatre ans au cours desquels Obama a déjà proposé des coupes de 1000 milliards étalées sur vingt ans dans le programme Medicare et de 360 milliards de dollars dans le Medicaid, le programme d’aide médicale aux plus pauvres.

Et l’hebdomadaire de la principale organisation de la gauche radicale étasunienne, l’International Socialist Organisation, de conclure que, en l’occurrence, « le moindre mal fait aussi bien que le pire ».

Namibie ? Sierra Leone ? Non, Manhattan…

Les coupes sombres prévues par Obama –que les républicains approuvent tout en refusant des hausses d’impôts– prennent un relief particulier à la lumière des effets dévastateurs de l’ouragan Sandy.

En effet, le traitement des conséquences de l’ouragan est tout un symbole de l’approfondissement des inégalités sociales dans la principale économie capitaliste du monde. Ainsi, la première priorité de la société électrique Consolidated Edison après le passage de Sandy sur New York a été celle de rétablir le courant à Manhattan.

Centre névralgique du capitalisme mondial, abritant dans ses rues la bourse de Wall Street, Manhattan est aussi le lieu de résidence des newyorkais les plus riches. Ainsi, les 20% les plus riches de Manhattan affichent un revenu annuel moyen de plus de 390’000 dollars, quarante fois plus élevé que celui des 20% les plus pauvres, un différentiel inférieur seulement à ceux de la Namibie et de la Sierra Leone.

We’re poor. How are we supposed to survive ?

Mais si Manhattan a retrouvé la lumière, dans les quartiers pauvres la situation devient dramatique. L’absence de courant, d’eau potable, l’inondation des cuves de fuel créent la situation d’urgence qui a obligé Médecins sans frontières à débarquer.

Dans les immeubles du NY public housing le long de l’East River habités en majorité par des Afro-descendants, les alertes se multiplient avec un nombre très élevé de malades, infirmes, obèses, coincés chez eux dans les étages supérieurs car les ascenseurs ne fonctionnent plus.

Sans électricité, frigos et congélateurs se sont arrêtés. Les victuailles pourrissent, mais il est impossible d’en acheter dans les magasins du quartier car, privés de courant, les lecteurs de cartes de crédit ne fonctionnent pas…

La situation est analogue dans d’autres quartiers, habités par la classe ouvrière blanche, Queens, Brooklin, Bronx, State Island.

Tandis que ils sont plongés dans le noir, pas loin, le méga-centre IKEA, lui, brille de mille feux, alors même que, du fonds du Queens, dans la péninsule des Rockaways submergée par plus d’un mètre d’eau, les habitants lancent des appels de détresse.

« C’est comme dans un film d’horreur », s’exclame un habitant cité par The Huffington Post, « depuis neuf jours on est dans le noir, dans le froid, sans électricité, sans rien, à attendre une nouvelle tempête ». Et un autre d’ajouter « On est pauvres. Comment sommes nous supposés survivre ? »

A deux pas de Wall Street…

* Paru en Suisse dans L’anticapitaliste n° 80 du 15.11.12.

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