Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Louise Chabot

Soigner ou épargner, en sommes-nous là ?

Devrait-on payer, collectivement, pour les traitements onéreux des gens aux prises avec un cancer ? Est-ce que l’ensemble de la société devrait assumer les coûts liés à l’autisme ? Ces questions éthiques délicates se retrouvent dans un sondage mené par le Commissaire à la santé et au bien-être.

Un sondage tendancieux et biaisé

La formulation des questions au cœur du sondage ne laisse aucun doute quant aux intentions sous-jacentes : réduction du panier de services assurés, réduction de l’offre de services publics et tarification des soins sont au menu. En voici une illustration :

Imaginons un nouveau traitement ciblant des personnes en fin de vie, par exemple celles atteintes de cancer ou de maladie du cerveau dégénérative. Ce traitement allongerait la vie de quelques mois d’après des données scientifiques solides, il serait très coûteux et n’aurait que peu d’effets sur la qualité de vie. Sur une échelle de 1 à 10, où 1 signifie pas du tout d’accord, et 10 signifie entièrement d’accord, quel est votre degré d’accord avec les énoncés suivants concernant ce nouveau traitement ciblant des patients en fin de vie ?

Portez une attention particulière aux mots en caractère gras. Ils ne sont pas de moi. C’est écrit ainsi dans le questionnaire ! Je vous invite à le lire en entier. Vous réaliserez rapidement qu’il ne s’agit pas là d’une exception...

Contraire à l’éthique et hors la loi

Certains choix de réponse contreviennent à la Loi canadienne sur la santé en insinuant que la tarification des soins serait légitime. La Loi est très claire : aucun obstacle financier ne doit empêcher l’accès des patients aux soins requis - et prescrits - par un médecin.

D’autres questions vont à l’encontre de la Loi concernant les soins de fin de vie. On évoque, notamment, de refuser des traitements à des patients pour des raisons budgétaires. « On ne devrait pas rembourser ce traitement, car on pourrait plutôt financer d’autres services moins coûteux pour traiter plus de personnes », y lit-on.

Faut-il rappeler que la seule personne habilitée à décider des soins à prodiguer à un patient, c’est son médecin, et que la responsabilité du gouvernement, c’est de s’assurer de financer adéquatement ces soins.

Ça ne veut pas dire payer n’importe quel prix pour des médicaments ou des traitements. On doit assurer l’accès tout en contrôlant les coûts. Un régime universel d’assurance médicament en serait un bon moyen. Malheureusement, il n’est pas évoqué dans ce sondage. La pente glissante sur laquelle nous entraîne ce sondage est très dangereuse pour le maintien de notre système public et universel de santé et de services sociaux.

Prendre ses responsabilités

Ces enjeux complexes nécessitent une compréhension fine du système de santé et de l’ensemble des paramètres en cause, dont les principes au cœur de la législation en santé et les obligations déontologiques des professionnels de la santé. Ces enjeux soulèvent aussi une foule de questions éthiques et morales. Voilà autant de raisons qui appellent un véritable débat public. Alors, que valent des résultats recueillis dans un sondage ?

Le gouvernement Couillard ne semble chercher ni plus ni moins qu’une caution morale pour justifier de futures compressions qui auraient un impact dramatique sur la santé des Québécoises et Québécois.

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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