Édition du 16 avril 2024

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Libre-échange

TAFTA, CETA, APE et autres accords de “libre échange” destructeurs : nouvelles du front, plus une analyse économique

J’ai plusieurs fois parlé de ces traités sur ce blog, mais ils sont plus que jamais d’actualité. Vous trouverez dans la suite de ce billet un texte d’un jeune économiste et bon spécialiste, Lionel Pelisson, plus un lien permettant de télécharger une brochure de 12 pages très denses qu’il a rédigée, contenant en annexe une analyse plus technique, mais très bien argumentée, des biais énormes des études économiques que les avocats de ces accords ont commanditées pour tenter de “prouver” que c’était bon pour la croissance, pour l’emploi, bref pour tout… Mais avant, voici quelques nouvelles du front.

Le CETA, première urgence

Depuis quelques temps, le gouvernement français fait mine de s’opposer au TAFTA. Mais pour l’instant, c’est largement de la comédie et seule la poursuite de la mobilisation pourrait le contraindre à un retrait, ce qui est possible. C’est d’autant plus de la comédie que les mêmes “responsables” disent le plus grand bien du CETA, projet d’accord entre l’UE et le Canada, qui est pourtant à la fois le petit cousin du TAFTA, son cheval de Troie, et celui qui risque d’être signé en premier, peut-être dès cette année.

Le CNCD 11.11.11 est un groupe d’ONG belges, et le premier de ses arguments est très fort : 81 % DES ENTREPRISES AMÉRICAINES PRÉSENTES EN EUROPE POSSÈDENT ÉGALEMENT UNE FILIALE AU CANADA. Les multinationales américaines auront ainsi la possibilité, sans avoir besoin du TAFTA, d’utiliser le CETA pour porter plainte contre les Etats européens en cas de désaccord. Le texte prévoit aussi une convergence des normes entre le Canada et l’UE, alors qu’il n’existe pas de règles communes au sein même de l’Europe. “Cela reviendrait à un nivellement par le bas de nos normes et à la dilution de la construction européenne dans un espace beaucoup plus large », affirme l’ONG.

Selon une autre spécialiste, Birgit Muller, le CETA “serait du véritable pain béni pour les multinationales : environnement, propriété intellectuelle, marchés publics et financier, tribunaux ad hoc : tout y est. Les multinationales n’auront plus besoin du TAFTA s’ils ont le CETA. Elles passeront par leur succursales canadiennes pour faire valoir en Europe les conditions qu’elles souhaitent. Nous ne pouvons pas combattre le TAFTA sans combattre le CETA.”

Voir également, par Maxime Combes, ce billet “Accord UE-Canada : le CETA nie l’impératif climatique et l’Accord de Paris”.

Nouvelle encourageante toutefois sur ce front : en Belgique, le commerce extérieur relève d’une compétence régionale : le pays a donc besoin de l’unanimité de ses régions pour ratifier le traité, dans le cas où les parlements nationaux européens seraient consultés, ce qui n’est pas encore acquis. Or, en avril dernier, la Wallonie a refusé de donner les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral belge pour signer le CETA.

LES APE, oubliés et pourtant peut-être plus terribles, en tout cas pour les pays du Sud

J’aurai l’occasion d’en parler une fois de plus, mais ces projets d’accords dits de “partenariat économique” entre l’UE et des pays ou régions du Sud, notamment en Afrique, ne font malheureusement pas la “une” ni des médias ni de la plupart des publications militantes, alors que leurs incidences mondiales, en particulier sur l’agriculture paysanne et les industries émergentes, seraient encore plus dramatiques que celles du TAFTA. Voir en particulier cette note récente du spécialiste Jacques Berthelot “La folie de mettre en œuvre l’APE UE - Afrique de l’Ouest”.

Voici le texte de Lionel Pelisson :

Un “linceul” en TAFTA

Note introductive à la brochure « Le Traité Transatlantique et ses jumeaux », que l’on peut télécharger via ce lien : pelissontaftavf.pdf

Jean Gadrey

Jean Gadrey, né en 1943, est Professeur honoraire d’économie à l’Université Lille 1.
Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères).
S’y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques), réédité en 2012 avec une postface originale.
Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.

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