Édition du 26 mars 2024

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Cinéma

5 caméras brisées

Un cinéaste fellah palestinien aux Oscars

5 caméras brisées, une histoire palestinienne est un journal intime filmé d’Emad Burnat, coréalisé avec l’Israélien Guy Davidi. Un récit qui suit la longue lutte non violente des habitants de Bil’in contre la construction d’un mur de séparation qui traverse la moitié de leur terre. Emad Burnat, un cueilleur d’olives palestinien a filmé sans cesse, pendant 5 ans sa famille, son village en haut d’une colline en Cisjordanie. Une chronique entêtée, solidaire, patiente, résistante d’une communauté qui se débat pour vivre, survivre dans l’injustice et sous l’occupation. Ce filmeur, ( en référence au documentaire d’Alain Cavalier et sa phrase de Simenon ’’J’ai peur de la mort dans la vie" ), capte obstinément et au plus près le destin des siens. Un film intimiste, sans propos vindicatifs ou haineux, construit dans le cru d’un quotidien brutal, sans mise en spectacle ou effets rhétoriques. Une histoire qui se déploie dans le temps et montre pendant de longues années, la marche tragique d’un peuple. Emad Burnat s’accroche jours noirs, jours heureux, passionnément à sa seule arme : une Caméra devenue son champ de bataille ; butée, audacieuse affrontant l’isolement, la brutalité et la mort pour les enregistrer à l’état brut, à l’état nu sans le bruit du commentaire politique. Une caméra plusieurs fois blessée, une voix off feutrée, à la première personne et douloureuse.

" J’ai mis longtemps à savoir une chose simple, je ne supporte pas de voir que ce que j’ai vu disparaisse ", confiait Alain Cavalier.

Les soldats israéliens visent la caméra du filmeur et y logent des balles ; craignant ses images qui tissent un lien avec la vie aux frontières du risque et de l’espoir. Des images contre le rudoiement, l’expropriation d’une patrie. Contre l’oubli, pour que reste une trace, une mémoire d’une terre. "Quand je filme j’ai l’impression d’être protégé... Je dois continuer à filmer... Je filme pour guérir ", dit Emad Burnat qui aime sa caméra autant, parfois plus que sa vie. 5 caméras brisées, une histoire palestinienne est un regard ému, différent sur ce conflit qui dure. Un film d’un cinéaste fellah qui entre de plain-pied dans le monde du cinéma sans apprêt, avec vision, foi et passion.

5 Brokens Cameras est le deuxième film palestinien nommé aux Oscars (après Paradise Now de Hani Abu-Assad) dans la catégorie du meilleur long-métrage documentaire. Emad Burnat et sa famille ont été retenus pendant une heure, par les services de l’immigration à l’aéroport de Los Angeles. Le check point américain pour voyageurs basanés aux noms suspects. Son ami, le documentariste Michael Moore a vite répandu la nouvelle sur Tweeter :

"Emad Burnat, Palestinian director of Oscar nominated "5 Broken Cameras" was held tonight by immigration at LAX as he landed to attend Oscars. February 20, 2013 7:39 am. "

"Apparently the Immigration & Customs officers couldn’t understand how a Palestinian could be an Oscar nominee. Emad texted me for help."

"It’s nothing I’m not already used to," he told me later."When u live under occupation, with no rights, this is a daily occurrence."

Hejer Charf

Blogueur sur Mediapart, France

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