Édition du 26 mars 2024

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Démocratie

Une entreprise qui saigne ?

Autrefois, il y avait le crime de lèse-majesté. Par ce commode concept, les monarques pouvaient faire taire, arrêter, emprisonner, châtier, exécuter toute personne qui les embêtait aussi futile pût être le prétexte, car « tel est notre bon plaisir » pouvait signer un souverain d’Europe ou l’on apprenait à ses dépens que, comme le veut l’adage anglais The Queen can do no wrong, c’est-à-dire que « la reine ne fait jamais le mal ».

Aujourd’hui, bien que le principe ne soit pas enchâssé dans les chartes, la notion qui lui succède pourra certainement s’appeler le crime de lèse-entreprise. Les sociétés anonymes ne se privent jamais de poursuivre pour des sommes faramineuses le péquin qui ose nuire à leur réputation en posant des questions sur leurs activités (c’est ce qu’on désigne sous le nom de poursuites-bâillons). Ce ne sont plus les États qui dictent leur conduite aux entreprises, mais ces dernières qui les obligent à garantir des profits, comme on l’apprend dans les accords de libre-échange, au risque de coûteux procès pour pertes de revenus non pas réels, mais supputés.

Les compagnies se targuent de bénéficier de la liberté d’expression et de toutes sortes de droits relevant de la personne humaine, sans en avoir pourtant les obligations, sous prétexte qu’elles sont des personnes morales. Mais a-t-on déjà vu une entreprise qui saigne ?

On a appris tout récemment qu’une société a obtenu un jugement de cour obligeant une chercheuse à révéler les sources dont elle s’est pourtant engagée à préserver la confidentialité par son protocole d’éthique de recherche. En effet, la recherche portait sur la cohésion sociale d’un groupe affecté par la présence d’un parc d’éoliennes, ce qui a malheureusement meurtri le « bon plaisir » des promoteurs.

Ni l’éthique, ni la liberté de presse, ni la liberté d’expression des personnes humaines, ni la santé ni la sécurité des populations, ni la protection de l’environnement, ni la survie des espèces menacées, ni l’équité de traitement entre personnes humaines, ni le respect des droits des travailleuses et des travailleurs, non plus rien ne peut se dresser contre la main vengeresse marchande dont la seule obsession est le profit aux dépens de la justice la plus élémentaire.

On ne saurait revendiquer la peine de mort pour aucune personne, mais lorsqu’il s’agit de ces iniques personnes morales, on voudrait bien en exécuter quelques-unes pour en transférer les avoirs à leurs employéEs ou à la société en général. On a envie de reprendre ce proverbe texan : « Je croirai que les compagnies sont des personnes quand on en passera une à la chaise électrique. »

LAGACÉ, Francis

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
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