Édition du 16 avril 2024

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États-Unis

Une stratégie socialiste pour battre Donald Trump

Donald Trump est un raciste. Le club de multimillionnaires qui constitue son administration a provoqué une explosion sociale comme nous n’en avons jamais vue lors de l’installation d’aucun nouveau Président.

Kshama Sawanti, counterpunch.org, 10 février 2017
Traduction : Alexandra Cyr

Mais, trois semaines de décrets réactionnaires sont allées de pair avec trois semaines de résistance énergique et souvent massive. La journée historique de la Marche des femmes a probablement été la plus importante journée de protestation dans l’histoire américaine. Dans sa foulée, des dizaines de milliers de manifestants-es ont fermé des aéroports par des actions de désobéissance civile. Au cours des deux semaines suivantes, une multitude d’actions ont eu lieu partout à travers le pays.

Le mouvement social a déjà engrangé quelques victoires, dont celle contre le bannissement raciste du territoire américain, de certains-es immigrants-es. C’est la démonstration que D. Trump et la classe de multimillionnaires ne peuvent pas toujours résister à la pression du 99 %.

Nous avons aussi été témoins de développements stratégiques. Par exemple, la New-York Taxi Drivers Alliance a fait grève en solidarité avec les protestataires. Les travailleurs-euses de Concast ont quitté leur travail la semaine dernière à Philadelphie. Ce ne sont que des petits pas, mais qui donnent à penser que la classe ouvrière américaine, le géant qui dort, est en train de frémir.

Le rythme des événements est étonnant. Les appels à l’escalade de la résistance, dont des appels à la grève et à des actions massives de désobéissance civile, ont été discutés un peu partout. Les organisatrices de la Marche des femmes de janvier 2017, auxquelles Angela Davis s’est jointe, appellent à une grève des femmes pour le 8 mars prochain : Journée internationale des femmes, de concert avec des groupes socialistes et autres pour une journée d’action globale. Viennent aussi une multitude de propositions pour des manifestations de masse le Jour de la terre et une série de discussions se tiennent sur un projet de grève le 1er mai : Journée internationale des travailleurs-euses.

Entretemps, la gauche débat de la stratégie la plus efficace pour défaire le prédateur en chef, les éléments de l’extrême-droite qui alimentent ses attaques et défendent le programme néolibéral de la classe des multimillionnaires. Le débat porte aussi sur la manière de mobiliser la base et où orienter l’énorme potentiel de pouvoir détenu par les mouvements sociaux et la classe ouvrière.

Le terrain politique est simple : le Président Trump n’a pas de mandat et dirige un gouvernent faible. Il a été assermenté alors que son taux d’approbation était historiquement bas et il n’a cessé de décroître. Aucun président américain n’a eu un taux d’approbation aussi bas au cours de leur cinq années de régime. D. Trump y arrive en huit jours.

Avec la classe des multimillionnaires, il ne comprend qu’un mot : le pouvoir. Il est déjà clair que cette administration fait des plans pour attaquer brutalement l’une ou l’autre des composantes du 99 %. Il ne sera pas facile de la faire reculer, renforcée qu’elle est par son racisme et sa misogynie dans ses assauts contre la classe ouvrière.

Combattre le Président Trump et la classe de multimillionnaires

Nous avons une tâche historique à mener à bien. Nous devons défaire le programme du Président Trump ou l’évincer de son poste.

Je suis une socialiste et je crois que nous devons agir avec la plus grande unité possible de toutes les forces qui sont sérieusement prêtes à combattre cette dangereuse administration. Je parle des syndicats, des immigrants-es, des femmes, des militants-es de Black Lives Matter, de la communauté LGBT, des organisations environnementalistes, des Verts, des partisans-es de Bernie Sanders, des Démocrates socialistes et progressistes. Nous devrons aussi faire appel à ceux et celles du 99 % qui ont été amenés-es à voter pour D. Trump par des manipulations (intellectuelles et émotives). Cet appel devrait se faire sur des bases clairement antiracistes et non sexistes.

La simple réaction aux assauts de droite de D. Trump est insuffisante. Il faut passer à des revendications audacieuses qui inspireront les populations et amélioreront leurs conditions de vie. Par exemple, celles popularisées par Bernie Sanders : l’accès de tous et toutes à Medicare, un système d’assurance-santé universel et gouvernemental, le salaire minimum fédéral à 15 $ de l’heure, la formation collégiale et universitaire gratuite, l’augmentation des impôts et taxes des plus riches pour financer des programmes publics de travail dans le but d’accroître l’emploi et reconstruire les infrastructures, le développement des énergies vertes et du transport public urbain. Il faut aussi inclure les revendications de Black Lives Matter pour en finir avec l’incarcération raciste de masse. Le programme sérieux de Bernie Sanders a soulevé les passions chez des milliers de personnes tandis que celui de Mme Clinton, timide avec des propositions gentilles permettant aux entreprises d’éviter des enjeux déplaisants, n’a pas réussi à mobiliser autant.

Dans ce mouvement, on ne pourra pas éviter les importantes différences de stratégies et d’intérêts sociaux. Tout en ayant une unité d’action, nous devons continuer à avoir des débats honnêtes entre nous pour aller de l’avant.

Nous devons nous attacher aux nécessités qu’implique la lutte contre D. Trump et la classe des multimillionnaires. Nous ne pouvons la subordonner ou la réduire à ce que les dirigeants-es du Parti démocrate, liés-es aux entreprises, voudront nous permettre. Les Démocrates au Congrès seront toujours mis-es au défi quant à leur volonté de se tenir debout face l’administration Trump.

Leur vote unanime contre la candidature de Mme Betsy DeVos au poste de Secrétaire à l’éducation est un pas en avant encourageant. C’est la pression des mouvements sociaux et de leur base qui a mené à ce résultat. La distribution du vote à 50-50 au Sénat, était historique. Les Démocrates avaient réussi à convaincre deux Républicains-es de soutenir leurs votes de protestation, mais quatorze membres démocrates du Congrès, dont le candidat à la vice-présidence de Mme Clinton, Tim Kaine, ont voté pour tous les autres candidats et toutes les autres candidates que le Président Trump avait choisis-es pour combler les diverses fonctions dans son cabinet, et ce, avant d’avoir choisi Mme DeVos. Le Parti n’a toujours pas assumé de prendre le leadership de la lutte contre D. Trump.

Je suis socialiste. Je respecte les efforts sincères des groupes comme Our Revolution pour tenter de réformer les démocrates. Mais je ne crois pas que le Parti puisse offrir le type de leadership combatif, basé sur la classe ouvrière et sur les mouvements sociaux, indispensable pour faire face à un adversaire aussi impitoyable que D. Trump. Nous devrons construire une alternative aux Républicains-es de droite et aux Démocrates liés-es à Wall Street, c’est-à-dire un parti des masses du 99 % qui rejette tous les dons venant des compagnies.

Nous devons travailler à créer un mouvement de lutte puissant et uni, tout en gardant les yeux ouverts sur les enjeux auxquels nous faisons face.

Intensifier la résistance

Battre Donald Trump exige une sérieuse intensification de la lutte. Les protestations symboliques ne suffiront pas. Il faudra rompre avec nos vieilles habitudes comme nous l’avons fait dans les aéroports et passer à des actions de désobéissance civile massives, aider la classe ouvrière à débrayer pour paralyser des secteurs de l’économie et des infrastructures.

L’appel de la Marche des femmes à une « grève des femmes » le 8 mars est une importante opportunité pour notre mouvement. Nous devrions saisir le potentiel qu’elle représente pour mobiliser le plus largement possible les forces qui participeront aux actions du 8 mars. La Marche pourrait aussi servir de lancement pour que des immigrants-es et la classe ouvrière entière s’impliquent dans des grèves de masse le 1er mai.

La grève est notre instrument le plus important. Quand les travailleurs-euses refusent de travailler et provoquent la fermeture des entreprises, ils et elles coupent du même coup les profits des propriétaires. Effrayée, la classe des multimillionnaires s’est élevée contre le Président Trump et son décret contre l’immigration devant le « chaos » que la protestation a provoqué dans les aéroports. Ce n’est qu’un exemple de l’énorme pouvoir que détient la classe ouvrière pour semer la confusion dans le programme de l’administration (Trump).

Des centaines de personnes qui se déclarent malades et ne vont pas travailler, des grèves d’un jour ou encore l’organisation de départs hâtifs collectifs des lieux de travail pour rejoindre des manifestations de masse (comme cela s’est passé en Pologne en octobre 2016) seraient un énorme développement en soi, même si aucune grève formelle ne se déclarait.

Les actions sur les lieux de travail peuvent prendre diverses formes. La perspective d’une grève nationale ne fait pas partie du programme immédiat, même si ce serait l’action la plus puissante ; un article récent du magazine Jacobiniii en débat. De plus, les travailleurs-euses ne devraient pas quitter leur travail, s’il n’existe pas de protections suffisantes pour éviter des congédiements. Dans de tels cas, il vaut mieux rejoindre les manifs après le travail. Notre force repose sur le nombre (de participants-es) et la valeur de l’organisation. Le mouvement ouvrier et la gauche devraient donc commencer à organiser cette participation immédiatement, et ce, de toute urgence.

Les membres des syndicats et les dirigeants-es de la gauche dans les organisations ouvrières peuvent présenter, dès maintenant, dans leurs assemblées syndicales, des propositions en faveur de la grève pour le 8 mars et le 1er mai. Ces propositions pourraient déclencher des débats absolument nécessaires au sein de la classe ouvrière sur la nécessité de la lutte de tous et toutes contre les politiques racistes du Président Trump et celles contre le monde ouvrier. Elles menacent de mort le mouvement ouvrier américain dans son entièreté ; son programme contient les lois dites « du droit au travail »iv.

De telles propositions peuvent aussi être présentées dans certaines villes, dans leurs conseils ouvriers, pour demander une grève d’un jour pour le 1er mai. En même temps, des discussions devraient être entamées dans le mouvement social pour identifier ce que nécessiterait l’organisation de grèves. Ces débats devraient servir à augmenter la conscience de classe.

Tous ceux et toutes celles qui sont déterminés-es à résister à D. Trump devraient s’engager dans l’intensification des actions au cours des prochaines semaines. Dès maintenant, il faut planifier et organiser des actions de masse de désobéissance civile, des blocages d’autoroutes, d’aéroports et d’autres infrastructures stratégiques pour le 8 mars et le 1er mai.

Nous devons reconnaître qu’il n’y a pas de chemin facile menant tout droit à la victoire. L’intensification de la lutte ne sera pas facile. Notre bataille va faire face à beaucoup de contre-attaques et nous essuierons des revers, mais, nous pouvons battre D. Trump. Pour y arriver, nous devons nous appuyer sur une lutte solide, sur l’unité d’action et sur l’énorme pouvoir social que détient la classe ouvrière américaine avec sa capacité d’entraver le système capitaliste. Ne perdons pas de temps !

1.K. Sawant est conseillère municipale à Seattle. N.d.t.
2.Programme d’assurance-maladie pour les plus pauvres de la population américaine.n.d.t.
3.You can’t Fake It, Alex Gourevitch, 6 février 2017.
4.Ce sont des lois qui protègent les briseurs de grève au nom de ce soi-disant « droit au travail ». Elles ont déjà été adoptées dans divers États dont le Wisconsin. N.d.t.

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