Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique québécoise

Corruption et collusion

Un politicien qui accepte une enveloppe brune, on appelle ça corruption. Risque de prison si cela est découvert et prouvé. Un politicien qui fait des lois favorables aux intérêts privées ? En récompense : postes avec salaire bien dodu. On appelle ça collusion. Beaucoup plus payant que des enveloppes brunes. Moins de risque. Tout ça serait légal. Est-ce moral pour autant ?

Le climat est de plus en plus incestueux entre public et privé... Entre les deux, de plus en plus de trafic dans les portes tournantes... Du public au privé et vice-versa. Voici une petite liste qui n’est sûrement pas exhaustive.

Philippe Couillard, ex-ministre de la Santé, juste avant son départ a autorisé deux décrets favorisant l’expansion des cliniques privées. Quelques semaines après il rejoignait Persistence Capital Partners dont l’objectif est d’investir dans des entreprises spécialisées dans les services de santé privé.

Nathalie Normandeau, ex-ministre des Ressources naturelles travaille maintenant comme vice-présidente au développement stratégique pour la firme Raymond Chabot Grant Thornton. Elle occupera dorénavant un poste de haute direction dans une firme très active auprès des sociétés minières et qui a publiquement fait connaître son intérêt dans le Plan Nord. [1]

Raymond Savoie, ministre libéral des Ressources naturelles, a permis qu’Hydro-Québec se retire de l’exploration et commercialisation du pétrole et gaz naturel et cède ses droits à Gastem, dont il deviendra par la suite président puis actionnaire.

Pierre Corbeil, ex-ministre libéral des Ressources naturelles, moins de trois mois après avoir quitté son poste a été embauché par la compagnie minière Canadian Royalties, qui exploite un des plus importants gisements du Québec ; revenu au sein du cabinet Charest, il fut nommé ministre responsable du Nord-du-Québec.

David Whissel était ministre du Travail alors que sa Cie ABC Rive-Nord obtenait de généreux contrats gouvernementaux.

Tony Tomassi ex-ministre de la Famille fut impliqué dans le scandale des garderies privées..

Guy Chevrette, ex-ministre des Ressources naturelles, devint ensuite pdg du Conseil de l’industrie forestière.

Lucien Bouchard, ex-premier ministre a accepté un contrat de la Compagnie albertaine Talisman Energy pour faire valoir les intérêts des entreprises gazières contre les intérêts de la population opposée à l’exploration des gaz de schiste.

Stéphane Bertrand , tour à tour vice-président de Gaz Métro et chef de cabinet du premier ministre Jean Charest a réussi à faire passer le décret autorisant la construction de la centrale du Suroît ( projet heureusement avorté). Il aurait participé aussi à la création de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), le lobby de l’industrie du gaz de schiste. [2]

Stéphane Gosselin, ex-directeur du cabinet du ministre de l’Environnement et des Ressources naturelles puis ex-directeur de cabinet du ministre du Développement économique. Par la suite devint directeur général de l’APGQ. [3]

Daniel Bernier, ex-chef de cabinet au gouvernement Charest représente maintenant les intérêts de Talisman Energy. [4]

Daniel Gagnier , ex-chef de cabinet de Charest siègera ensuite au conseil consultatif de Talisman Énergy [5]

Dans ces situations qui peut garantir que l’intérêt public est respecté ? A moins d’être bien naïf, on peut avoir de sérieux doutes...

Au gouvernement, la priorité c’est l’intérêt public. Dans le privé, l’objectif c’est les profits avant tout. Souvent ces deux objectifs s’opposent, notamment dans certains domaines comme la santé, les ressources naturelles.

On ne peut imaginer René Lévesque, lui qui avait l’intérêt des Québecois-es tellement à cœur agir comme Lucien Bouchard et prêter ses services à une Compagnie privée dont les intérêts allaient à l’encontre du bien public. On le sentait tellement intègre. Voilà pourquoi on l’aimait tant.

Cette collusion entre intérêts privés et politiciens forme un cloaque de plus en plus pestilentiel et n’infecte pas uniquement le Québec.

Quand on voit comment PDG et politiciens se côtoient au Forum économique de Davos, quand on sait comment l’oligarchie et ses oligopoles a procédé afin que l’OMC et sa trentaine d’accords favorise leurs intérêts au dépens des peuples, quand on constate la façon anti-démocratique de négocier les divers accords de « libre-échange », quand on réalise comment gouvernements, banquiers, agences de notation s’entendent pour faire payer leur crise par les populations, pourquoi s’étonnerait-on que cette collusion se passe aussi au Québec ? L’exemple vient de haut. Ce qui est jugé "acceptable" au niveau international, pourquoi ne le serait-ce pas au niveau national, au niveau provincial ? Charest doit se dire qu’il a le droit d’en fait autant dans sa cour...

Les citoyens en ont ras-le-bol et n’en peuvent plus de sentir cette odeur fétide de collusion et corruption. Il est urgent qu’un projet de loi mette des cloisons beaucoup plus étanches entre le privé et le public afin de mieux protéger les intérêts de la population. Un délai d’au moins 5 ans serait nécessaire avant qu’un politicien ou fonctionnaire puisse occuper un poste au privé dans des domaines ayant des liens avec le poste qu’il occupait.

Plus de 250,000 Québecois-e-s ont clamé leur attachement au bien commun en cette journée de la Terre 2012. Ce 22 avril a avivé notre espoir. Puisse le parti le plus à l’écoute et le plus apte à traduire concrètement cette volonté citoyenne soit choisi aux prochaines élections.

Françoise Breault

Après une carrière en enseignement, dont un an avec les Échanges France-Québec, j’ai poursuivi en travail social auprès des familles. Vers l’âge de cinq ans, je me demandais pourquoi il y avait des pauvres et ce que je pouvais faire. Sans en prendre pleinement conscience, cette interrogation m’a habité toute ma vie. Une année en Amérique du Sud ne m’avait toujours pas apporté de réponse. Cela m’a pris du temps à voir clair... Maintenant que la lumière est allumée, je ne peux et ne veux la refermer... Tous les faits, toutes mes lectures me confirment comment le système économique actuel contribue à ce fossé grandissant entre riches et pauvres. Me voici maintenant à ma 3e carrière, celle où je peux mettre tout mon temps et énergie à sensibiliser les gens aux graves enjeux d’aujourd’hui, afin de vivre dans un monde plus juste... « mais nous, nous serons morts mon frère... ».

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