Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Blogues

Le blogue de Pierre Beaudet du 8 août

Le PQ : parler des deux coins de la bouche

Jean-François Lisée, le candidat-vedette du PQ dans Rosemont, se présente la plupart du temps comme un social-démocrate. On le voit sur les tribunes confronter les roquets de droite comme Éric Duhaime. Dans un ouvrage paru l’an passé (Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments), Lisée mettait de l’avant plusieurs points convaincants démontrant les mensonges que nous servent 25 heures par jour les médias poubelles à commencer par le réseau Quebecor. Au-delà de cet argumentaire juste et généreux, il y a cependant dans son discours plusieurs « angles morts » qui sont ceux en fin de compte du PQ. Et c’est ce qui fait que si on est à gauche, on ne peut plus vraiment se reconnaître dans ce parti.

Blogue du 8 août

Qu’est-ce qui fonctionne au Québec ?

Lisée met beaucoup d’efforts à dénoncer la droite qui présente le Québec et ses programmes sociaux comme une sorte d’enfer. Il a certes raison, mais ce n’est pas Éric Duhaime qui pour autant a inventé les problèmes. Depuis plusieurs années y compris pendant la période où le PQ a été au pouvoir, les écarts entre riches et pauvres se sont accrus au Québec. Selon l’IRIS, l’économie du Québec entre 1976 et 2006 a progressé de 71%, mais durant la même période, 70 % des salariés ont vu leurs revenus régresser ou stagner. En contraste, le 5% le plus riche de la société a connu un bond de 24 % de ses revenus. Résultat, seulement à Montréal, 140 000 personnes ont recours à l’aide alimentaire à chaque jour. En réalité n’en déplaise à Lisée, le Québec n’est pas un « modèle ». Les programmes sociaux qui ont été arrachés aux élites depuis la révolution dite tranquille sont un acquis qu’il faut défendre, mais il y a beaucoup à faire pour améliorer la vie des gens. Rétroactivement, certains péquistes (pas tous) admettent que la politique du « déficit zéro » de Lucien Bouchard était davantage apparentée à l’Institut économique de Montréal qu’à la social-démocratie. À moins que je ne me trompe, je n’entends pas Pauline Marois soulever ces questions.

Une économie enfoncée dans le néolibéralisme nord-américain

Depuis la crise de 2008, 40 000 emplois (surtout dans le secteur manufacturier) ont été perdus, ce qui ramène le taux de chômage où il était ces 25 dernières années. Une partie de cette situation découle de ce qu’on appelle la « globalisation », qui se manifeste par la tendance des entreprises à délocaliser leurs activités vers des zones à bas salaires. Ainsi le congédiement des 1800 employés d’AVEOS découle du fait que cette entreprise et son principal client Air Canada entendent transférer une partie du travail au Salvador. Entre-temps, Bombardier accélère la production au Mexique et selon les syndiqués de Pratt and Whitney, des usines en Pologne absorbent une part croissante de cette autre grande avionnerie. Que dit le PQ sur ces questions ? Il n’y a pas si longtemps, l’ancien chef et Premier Ministre Bernard Landry affirmait que le Québec devait aller encore plus fort dans l’intégration continentale avec les États-Unis et que le PQ était le « champion du libre-échange ». Dans la campagne électorale actuelle, c’est un silence assourdissant du PQ sur ces questions.

Ce qu’on ne dit pas est quelquefois plus important que ce qu’on dit

Sur la question de l’éducation, le discours péquiste est ambigu, sans confronter la question fondamentale, qui est celle de la conception même de l’éducation et des biens publics en général. Tout le monde le sait, la lutte actuelle n’est pas sur les frais de scolarité, mais sur la marchandisation de l’éducation que laisse sous-entendre le projet de Charest. Au-delà de cette question, la défense de l’emploi et de la qualité de vie passe par l’arrêt des projets de privatisation des services publics, alors que c’est le PQ qui a commencé l’« aventure » des PPP. Sur la question des ressources, augmenter les redevances est une chose, mais reprendre le contrôle de nous-mêmes en est une autre via la nationalisation de secteurs-témoins. Peut-on être de gauche en restant ambigus sur cette question ?

Changer un système politique pourri

À l’époque de René Lévesque et plus tard sous l’inspiration de l’ancien député Jean-Pierre Charbonneau, on avait identifié que le système politique mis en place par sa Majesté britannique était un véritable carcan bloquant l’expression démocratique. Une fois arrivé au pouvoir cependant, le PQ a tabletté tout cela. ce qui fait qu’on reste coincés dans une pseudo démocratie où le vote des uns compte deux fois que le vote des autres et où on doit accepter qu’un parti « majoritaire » (avec moins de 40% des voix) peut gouverner à sa guise. Comment se fait-il que le PQ refuse d’ouvrir ce chantier ?

Le devoir de la cohérence

Il faut s’encourager comme Jean-François Lisée du fait qu’il y a une masse critique au Québec en faveur d’une transformation en profondeur. On peut penser que plusieurs citoyens et citoyennes soient prêts à confronter la droite. Ce qui ne veut pas dire que la bataille des idées est gagnée, car les élites secondées par les médias poubelles sont en mesure de faire peur et de présenter la subordination au 1 % comme un « mal nécessaire ». C’est donc sans naïveté qu’il faut considérer les difficiles combats qui sont au-devant de nous. Mais pour y arriver, il faut commencer. Il faut mobiliser, et surtout, ne pas parler des deux coins de la bouche.

Sur le même thème : Blogues

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...