Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet du 10 août

Question nationale ou question « identitaire » ?

(voir les autres articles de Pierre Beaudet à la suite de celui-ci.)

Devant le glissement des sondages, on commence à s’affoler du côté de Pauline Marois et de ses « spins ». Le dossier de la corruption lui échappe et tout au plus, elle peut espérer surfer sur les saloperies (pour la plupart vraies) du PLQ qui vont sortir tout au long de la campagne. Malheureusement pour elle, c’est le policier-justicier qui va en profiter le plus. Sur les dossiers économiques et environnementaux, le discours est mou, évanescent, comme d’ailleurs il l’est sur la souveraineté. Depuis plusieurs mois, les « experts » du PQ préparent une campagne où fondamentalement, il ne faut rien dire et tout simplement attendre que le fruit mûr ne tombe de lui-même. Mais devant la tournure des choses, cette passivité risque de coûter cher.

C’est alors qu’apparaît une autre idée et qui est celle de la « défense de l’identité. Lorsque la lutte d’émancipation est en panne au Québec, c’est la formule. Après la défaite des Patriotes et au tournant des années 1930, les élites québécoises ont affirmé que les « Canadiens-français » devaient se replier autour de leur langue et de leur religion, en s’insularisant des « autres ». Le « cheuf » Duplessis put ainsi se présenter comme le sauveur de la nation tout en s’assurant l’appui des dominants, trop contents de substituer au thème de la libération nationale celui de la « protection de l’identité ».

Aujourd’hui certains conservateurs nationalistes disent au PQ qu’il faut ressusciter cette idée qui aurait l’avantage de mettre sur la défensive le PLQ et la CAQ. La défense de l’identité, et non la promotion de l’émancipation nationale, aurait aussi l’avantage de dramatiser, de faire peur, d’autant plus que les immigrants et les non-francophones sont des cibles faciles. Comme cela dans l’imagerie populaire, l’ « ennemi » du peuple québécois devient le cordonnier italien, la jeune musulmane voilée ou le dépanneur chinois, plutôt que les magnats de la finance et de l’industrie qui contrôlent la vie des gens. Cela pourrait peut-être marcher du point de vue électoral, mais à quel prix ?!?

Certes, la défense de la langue française est importante et légitime, mais au Québec, la lutte nationale signifie beaucoup plus que la lutte pour avoir le droit de garder notre langue. L’oppression nationale qui enferme le peuple québécois dans un carcan est plus qu’une question d’identité linguistique. Ce système a pour but est de subjuguer les classes populaires, de les confiner dans un éternel statut de deuxième classe, en jouant à la fois sur le registre des classes et sur celui des nations. Ainsi les dominants créent un monde où finalement les dominés se battent les uns contre les autres.

L’indépendance du Québec, c’est alors beaucoup plus que la protection de l’« identité », mais un projet de société. En passant, ce projet de société reste valable pour les non-francophones qui à part une petite minorité font partie des classes populaires et moyennes qui ont tout à fait intérêt, objectivement, à se sortir de la prison néolibérale. On objectera à cela que ce n’est pas pensable et que les non-francophones n’embarqueront jamais, qu’ils sont tenus en mains par des barons ethniques manipulés par le gouvernement fédéral, etc.

Mais sans sous-estimer l’ampleur de l’aliénation de certaines communautés (on pourrait dire la même chose de secteurs francophones qui s’entêtent de voter pour la droite dans diverses régions), je ne suis pas convaincu de cela. Au lieu de se braquer dans la défense frileuse d’une « identité », il faut aller au-devant et inclure toutes les couches populaires dans la lutte pour l’émancipation, comme on l’a fait dans plusieurs pays qui ont gagné leur indépendance nationale en ralliant les diverses populations qui habitaient le territoire. D’ailleurs, c’est exactement ce qu’ont dit les Patriotes de 1837-38 dans leur projet républicain qui comptait parmi les combattants des Irlandais et mêmes des Anglophones dont plusieurs ont payé très cher le fait d’avoir combattu le pouvoir colonial.

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Pierre Beaudet


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