Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Manifeste contre les pratiques de gestions dysfonctionnelles et leur corollaire actuel

La méthode « Lean » Appliquées dans le domaine des services de santé et services sociaux du CSSSAM-N

Nous les syndicats APTS et FIQ du CSSS Ahuntsic et Montréal-Nord :
Dénonçons les choix faits actuellement par notre établissement dans le cadre de leur approche « d’optimisation des services ».

Nous observons les ravages dans nos pratiques professionnelles et dans la qualité des services à la population, d’une gestion éloignée du terrain et de la réalité des besoins de la population.

Nous nous étonnons de la fascination qu’exercent dans nos établissements des firmes de consultants en « management », tel que Pro-Action. Ces firmes prétendent pouvoir gérer absolument tout, qu’importe le domaine, la taille, le type d’entreprise et ses activités : restauration, publicité, marketing, manufactures, immobiliers, santé et services sociaux, etc.
Nous assistons à une pratique et un « coaching » en gestion calquée sur celle d’entreprises privées qui sont à des années lumières des enjeux et réalités complexes reliés aux services d’intervention qui consistent à prévenir, soulager, dépister souffrances, maladies, problématiques, traiter, guérir, accompagner vers plus d’autonomie, multiplier les démarches pour l’accès à des droits ou à des services, soutenir des aidants, des réseaux et ce auprès des populations parmi les plus vulnérables et dans un environnement composé d’équipes variées, de départements multiples ainsi que d’un réseau composé de nombreux partenaires.

Nous nous indignons du choix de nos dirigeants qui « déconnectés » dans une hiérarchie lourde et pyramidale, qui au prise avec une gestion compliquée des établissements ne sont plus en mesure de réfléchir leur propre gestion et se retourne vers une firme, encore plus éloignée qu’eux présentant le mirage d’une gestion « simpliste et standardisée » pour répondre à un sentiment de contrôle établi sur de mauvaises prémisses et ne pouvant mener qu’à des faux résultats.

Nous nous indignons de cette rupture qui est en train de s’opérer entre les acteurs terrain et les gestionnaires et que le recours à ce type de firme ne fait qu’amplifier. Cette distance se traduit par une incompréhension de plus en plus marquée des réalités des équipes qu’ils dirigent et par une méfiance face aux appels et mise en garde par les professionnels devant la baisse de qualité des services. Que vaut donc la quantité sans la qualité, sinon rien. Pourtant, c’est dans l’exercice d’un leadership de coordination et de communication avec la base (1) que nous croyons que des réalités complexes peuvent être comprises , des solutions peuvent être trouvées ou des situations peuvent être améliorées pour une plus grande productivité respectueuse de qualité et ce dans la mesure des ressources octroyés.

Nous exprimons notre colère contre l’insensibilité grandissante de nos dirigeants devant les signes manifestes d’une perte de sens clinique de nos services réduisant l’accomplissement de nos interventions professionnels à des actes standardisés et linéaires, « saucissonnant » la clientèle en objet d’actes segmentés, ne laissant pas d’espaces, ni de temps à la mise en place des ingrédients d’intervention soutenant l’émergence des changements menant à la guérison, au soulagement et au développement d’une nouvelle étape d’autonomie.

Nous trouvons navrants que les haut dirigeants ne constatent pas que leur politique de gestion ne peut mener qu’ à tuer la motivation professionnelle intrinsèque du personnel œuvrant dans le domaine des soins et des services d’aide et de soutien à la population.

Enfin, nous sommes choqués et attristés de voir des collègues sur qui, ils s’exercent une pression indue, devant se battre pour ne pas céder à une médiocrité de leur pratique professionnelle, vivent de plus en plus des symptômes d’épuisement professionnel voire de détresse morale.
Finalement, nous dénonçons les coûts exorbitants en argent et en temps de la firme Pro-Action. La pratique des PSP (planification et suivi de la performance) est une pratique coupée de la substance sociale complexe, ainsi que de l’imprévisibilité inhérente aux types de services offerts dans notre organisation (2). Cet outil devient donc par le fait même totalement improductif. Et, pourtant cet outil commande près de 325 heures/semaine aux différents professionnels concernés équivalent approximativement à 9 postes temps plein. Toutes ces heures pourraient être au service de la population. Le coût en temps professionnels, en temps gestionnaires, en temps et frais de déplacements sans compter le coût de cette firme est pour nous un gaspillage honteux.

Dans un article de Sara Champagne, paru dans la Presse le 3 novembre dernier, le Président-directeur de la firme Pro-Action précise son analyse du problème en déclarant que le personnel passe seulement 30 à 40% de leur temps auprès de la clientèle. Pourtant, il est étonnant que sa solution soit d’ajouter du temps à la paperasse, à la réunion et aux déplacements (pour se rendre en réunion). Il nous apparaît évident à la face même que les solutions engendrées par notre système de gestion amplifient perpétuellement les mêmes problèmes que l’on désire solutionner.
Notre constat : notre système de santé est en crise de sa gestion (3).


1) Jacynthe Tremblay, Entretiens avec Henry Minzberg (http://neuveterre09.wordpress.com) Curieuse limitée 2010, référence aussi à un article publié 12 mai 2007 Une administration malade,

2) Bédard, Jean, Familles en détresse sociale, Repères d’action, Tome 1 Du social au communautaire, p.109

3) Idem 1)

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