Édition du 26 mars 2024

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Éducation

L’accessibilité et la participation aux études supérieures Sommet —rencontre 2

Analyse et propositions de l'ASSE

Dans le Cahier préparé par le gouvernement du Québec pour la deuxième rencontre ayant pour pour thème L’accessibilité et la participation aux études supérieures, la perspective de la gratuité scolaire est réduire à un petit carré.

« D’autres options, peut-on lire dans ce document, comme la grauité scolaire, ont été revendiquées par différents partenaires et pourront faire l’objet de discussions lors de la rencontre thématique et du sommet. » C’est bien peu alors que la hausse, l’indexation et le gel sont présentés dans le corps du texte. Il est d’autant plus important de lire attentivement la contribution de l’ASSE sur le sujet que nous publions ici. (Rédaction de Presse-toi à gauche)

Ce document a été préparé par le Comité de recherche et affaires académique (CRAA) ainsi que ses collaborateurs et collaboratrices


La gratuité scolaire

Origines de la gratuité scolaire au québec

Le rapport Parent mettait de l’avant un idéal de justice, d’égalité des chances selon lequel l’État devait financer entièrement l’éducation afin que chacun et chacune y ait accès, permettant ainsi de donner à tous et toutes la chance de réaliser son plein potentiel.

Il recommandait donc la gratuité scolaire à tous les niveaux.

À l’université, le rapport recommandait la gratuité scolaire à moyen terme. Le gel des frais étant préconisé comme une mesure provisoire.

Ce gel visait l’abolition complète des frais de scolarité universitaire lorsque le temps aurait rendu cette mesure abordable.

Notre définition de la gratuité scolaire

« Le financement public omplet < tous les niveaux d’éducation, de l’élémentaire l’université, de l’enseignement et des infrastructures nécessaires à son accomplissement, des services d’ordres pédagogiques et psychologiques et des activités parasscolaires étudiantes, à l’exception de l’organisation syndicale. » (Mémoire sur la gratuité scolaire, 2012)

Cette gratuité s’applique à tous et toutes, y compris les étudiants internationaux et étudiantes internationales.

La gratuité passive est l’absence simple de frais de scolarité.

La gratuité active implique aussi la présence d’un ensemble de mesures favorisant la poursuite des études.

Bénéfices de la gratuité scolaire sur notre rapport au savoir

La gratuité scolaire constitue une voie d’accès vers des questions fondamentales telle que celle du contenu de l’enseignement, du type de connaissances transmises et de ses finalités.

Elle nous met sur le chemin d’une analyse critique de l’évolution du savoir et de son arrimage de plus en plus fort à des fins utilitaires et marchandes.

Selon Jean-Francois Lyotard, la question posée à l’étudiant et à l’étudiante n’est plus celle de la valeur du savoir mais de son caractère vendable et efficace.

Certes, la gratuité scolaire ne suffira pas à subvertir les tendances à aborder le savoir avec une perspective marchande. Mais elle est une condition nécessaire pour une prise de recul réflexive sur les dangers de la transformation du savoir.

La gratuité scolaire : un défi au principe de l’utilisateur-payeur.

Reposant sur l’idée que les bénéficiaires d’un bien ou d’un service doivent en assumer les coûts, ce principe conduit à l’imposition de tarifs pour les services publics. Ces tarifs ont pour principe d’exiger une contribution individuelle sur la base de la consommation personnelle et non plus sur celle de la capacité à payer.

L’éducation est devenue, selon la théorie du capital humain, un investissement personnel grâce auquel un individu peut espérer obtenir une meilleur position sociale, un meilleur revenu et non plus le projet collectif d’une société plus juste, plus équitable, plus critique.

En nous extirpant de la position de client ou cliente qui paie pour un service et en nous plaçant dans la position de citoyen ou citoyenne qui exerce son droit à l’éducation, la gratuité scolaire nous placerait dans un autre rapport au savoir :

En étant libérée de toute contrainte externe, l’université a comme objectif « le développement de la pensée, des réflexions et des idées sur la science et la vie humaine, du savoir et de la compréhension étendue nécessaires pour nous permettre de préparer un futur plus humain » — Noam Chomsky

En contribuant au désengagement des établissements d’enseignement supérieur de l’emprise des entreprises privées, la gratuité scolaire donnerait au savoir la possibilité de retrouver son caractère subversif et révolutionnaire et par là-même de faire en sorte que les universités et cégeps soient réellement des lieux de liberté.

Elle redonnerait au savoir la possibilité de ne plus être au service d’intérêts privés, mais bien d’être autonome et libre :

« Nous tenons pour acquis que le travail créateur, dans n’importe quel domaine, met toujours au défi la pensée dominante. » — Ibid.

Réduire les inégalités par l’accès à l’éducation

 Orientation et dissuasion

Les frais de scolarité, selon qu’ils soient plus ou moins élevés, ou alors variants selon le programme d’étude, ont aussi une incidence sur le parcours scolaire des étudiantes et étudiants.

Réduire la précarité et l’utilisation des services d’aide

 Le cas de Moisson Montréal
Le nombre d’étudiantes et d’étudiants desservi-e-s a plus que quadruplé entre 2008 et 2011. Elles et ils forment maintenant presque 10% de l’ensemble des usagères et des usagers de cet organisme. À long terme, ce sont également des programmes coûteux comme le système de santé qui doivent compenser pour cette précarité.

Prévenir les problèmes de santé dues à la précarité : anxiété, insomnie, stress, etc.

 Des études britanniques sur l’endettement étudiant et la santé mentale ont conclu que les étudiantes et étudiants ayant des soucis financiers élevés affichaient des niveaux plus élevés de tension, d’anxiété et d’insomnie.

Bénéfices de la gratuité scolaire sur l’accessibilité aux études

Obstacle à l’accessibilité : l’endettement

 Les deux tiers des étudiantes et étudiants universitaires de 1er cycle
dépensent plus du tiers de leur budget pour leur logement, ce qui dépasse les recommandations de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) et est un indicateur de pauvreté selon Statistique Canada.

 Selon les données de l’Aide financière aux études, en 2008-2009, le
montant moyen des dettes étudiantes était de :
- 13 022$ pour le 1er cycle
- 16 304$ pour le 2ème cycle
- 23 405$ pour le 3ème cycle .
- + dettes privées

 La Fondation canadienne des bourses d’études du Millénaire soutient qu’en 2009, 45% des étudiants et étudiantes en dernière année du baccalauréat, au Québec, auraient une dette totale moyenne de 15 102$.

Obstacle à l’accessibilité : le travail salarié

Depuis les dernières années, le travail salarié au cours des études
postsecondaires est en hausse constante, que ce soit en nombred’heures travaillées ou en proportion d’étudiantes et d’étudiants travaillant. Nous croyons essentiel de rappeler que le travail premier d’un étudiant, d’une étudiante devrait être ses études.

Le taux d’accès, un indicateur éclairant

 Trois considérations :

- prise en compte de la variation de la population concernée ;

- non prise en compte des cycles supérieurs ;

- prise en compte seulement des nouvelles inscriptions.

 Le cas des hausses de 1990 et 2007

- D’après les chiffres du MELS, on note une diminution du taux d’accès au
baccalauréat entre 1992-1993 et 1997-1998 (de 5,8%) alors que pendant
les périodes de gel des droits qui ont précédé et suivi cette hausse, ce taux
a maintenu une croissance marquée (de 8,9% entre 1997-1998 et2007-2008).

- D’après des chiffres encore plus récents du MELS, la période représentée qui suit la hausse des frais de scolarité de 30%, commencée en 2007 (pour déterminer en 2012) est marquée par une légère baisse du taux d’accès, puis par une quasi-stagnation.

Taux d’accès aux programmes d’études conduisant à un grade universitaire

La fréquentation universitaire : une comparaison trompeuse

 Pour établir une comparaison honnête entre l’accessibilité aux
études au Québec et celle des autres provinces, il faut comparer la
fréquentation postsecondaire, et non uniquement la fréquentation
universitaire. Ce qui donne le portrait que l’on observe dans la
figure suivante sur les taux de fréquentation postsecondaires :

Le cas du programme de médecine :

 Le Québec, en raison de ses droits de scolarité plus bas et non-différenciés, est l’endroit au Canada où l’on retrouve la plus grande mixité sociale au sein des facultés de médecine.

 Sans y trouver une représentation équilibrée des différentes classes sociales, c’est au Québec qu’un jeune, une jeune issu-e d’une famille pauvre a le plus de chances de pouvoir étudier en médecine. Ce fait tient beaucoup au fardeau financier plus raisonnable pour les études au Québec.

 Ainsi, la gratuité scolaire contribuerait à réduire les inégalités sociales.

Notre estimation des coûts

Pour l’ASSÉ, le débat sur la gratuité scolaire n’est pas de nature comptable.

La question économique est d’abord et avant tout abordée dans le but de répondre à certains arguments économiques que nous croyons erronés.

De nombreuses solutions qui pourraient financer la gratuité scolaire sont revendiquées par divers groupes progressistes, e. g. établir dix paliers d’imposition, réinstaurer de la taxe sur le capital des entreprises financières, etc.

Il est important de prendre en compte le fait que les chiffres avancés ici ne sont que des estimations. En ce sens, ils doivent être interprétés comme un ordre de grandeur plutôt qu’un montant exact.

Rejet de l’indexation et du gel

 L’indexation des frais de scolarité au coût de la vie repose sur l’idée que l’enseignement universitaire est une marchandise comme n’importe quel bien consommable.

 Ainsi, alors que les coûts des besoins essentiels des étudiantes et étudiants augmentent, l’État contribue à alourdir ce fardeau à travers l’augmentation des frais de scolarité.

 Le gel des frais de scolarité entretient l’ambiguïté sur nos choix de société. Il s’agit en effet d’un compromis et chaque année maintient la tentation pour le gouvernement en place d’y mettre fin.

L’aide financière aux études. Un système d’endettement

 Le système actuel de prêts et bourses est d’abord et avant toutun système d’endettement. En effet, pour avoir accès auxbourses, il faut avoir déjà contracté un seuil d’endettement minimal.

 Étant donné les effets néfastes de l’endettement, notamment sur l’entrée à l’université et la persévérance scolaire, l’ASSÉ exige la conversion de tous les prêts en bourses.

 Un crédit accessible peut également contribuer à masquer des hausses de frais de scolarité, favorisant ainsi un plus grand endettement. À cet effet, l’implantation du remboursement proportionnel au revenu (RPR) dans différents pays a donné lieu à des hausses marquées de frais de scolarité et de l’endettement.

Nos revendications

 En revendiquant la gratuité scolaire active, l’ASSÉ se positionne en faveur de la bonification du système de bourses.

 En effet, afin de réduire au maximum les iniquités, un système de bourses donnant accès à toutes et à tous à un revenu décent est primordial pour assurer de bonnes conditions d’études.

 En ce sens, l’ASSÉ milite pour l’arrêt de la prise en compte des contributions externes – contribution parentale, conjugale, de l’ex-conjoint ou de l’ex-conjointe (notamment les pensions alimentaires) – mais aussi de la contribution de la personne étudiante elle-même (travail salarié).

Les trois constats

La gratuité scolaire est bénéfique.

Cela changerait entre autres notre rapport au savoir et aurait des conséquences sociales positives, notamment sur l’accessibilité aux études.

La gratuité scolaire est réalisable.

Selon nos estimations, la gratuité scolaire représente moins d’un pour cent du budget actuel du gouvernement du Québec. De plus, il serait facile d’aller chercher plusieurs milliards de dollars par année grâce à des mesures fiscales progressives.

Il est nécessaire d’abolir l’endettement étudiant.

L’endettement étudiant nuit à la persévérance scolaire en plus d’orienter les parcours académiques de la population étudiante.


Nous contacter :
Association pour une solidarité
syndicale étudiante

L’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (ASSÉ) est une organisationde type syndical qui regroupe plus de 70 000 membres dans plusieurs associations étudiantes à la fois collégiales et universitaires d’un bout à l’autre du Québec. Elle incarne, aujourd’hui, la continuité d’un courant qui a fait du mouvement étudiant, depuis quarante ans, un acteur incontournable de la société québécoise et unimportant agent de progrès social en éducation.


Sources et références

Diapositive 9, point 3 : Cooke et coll.

Diapositive 13, « Taux d’accès aux programmes d’études conduisant à un grade universitaire » : Compilation des données du Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport du Québec (MELS)

Diapositive 14, graphique des taux de fréquentation scolaire postsecondaires : Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), « Faut-il vraiment augmenter les frais de scolarité ? », page 16, graphique 4, 8 mai 2011.

Diapositive 15, sous-points 1 et 2 : Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS)

Diapositive 17, tableau et annotation : Comité à la Recherche et aux Affaires Académiques (CRAA) de l’Association pour une Solidarité Syndicale
Étudiante (ASSÉ), Mémoire sur la gratuité scolaire, 2012.

Diapositive 18 : Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics, « Finances publiques : d’autres choix sont possibles -Alternatives fiscales et économies potentielles », décembre 2009.

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