Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Résistance populaire

Le droit à la désobéissance civile

« Notre problème n’est pas la désobéissance civile mais bien l’obéissance » . Howard Zinn, historien et activiste étatsunien.

Rosa Parks a démontré il y a plusieurs dizaines d’années toute l’importance de la désobéissance en tant que stratégie. Lorsque le 1er décembre 1955 un conducteur d’autobus menaça d’appeler la police si Parks ne cédait pas son siège à un passager blanc, elle répondit : « appelez-la ». Nous connaissons tous les conséquences de cette attitude historique. Cela a signifié le début de la fin de la ségrégation raciale qui s’appliquait de manière systématique dans plusieurs régions des Etats-Unis.

Accuserions-nous aujourd’hui Rosa Parks ou les femmes suffragettes qui conquirent leur droit de vote par la désobéissance civile ? Défendrions-le nous le fait qu’on leur colle une amende de 30.000 euros (comme le prévoit un avant projet de loi liberticide dans l’Etat espagnol, NdT) ? Mettrions-nous en doute la légitimité de la résistance juive contre le nazisme ou celle des insoumis qui ont contribué à la suppression du service militaire obligatoire ?

Les lois ne sont pas toujours justes. La persécution des Juifs dans l’Allemagne nazie se fondait sur la loi. C’est la loi qui permet la discrimination des Palestiniens et c’est la loi qui a facilité l’apartheid en Afrique du Sud ou condamné les Noirs à l’esclavage aux Etats-Unis.

Certaines lois limitent notre droit à la protestation, laissent des familles sans toit, réduisent le droit du travail, contribuent à l’inégalité sociale, acceptent que les plus riches paient moins d’impôts qu’un citoyen moyen, permettent qu’on nous oblige à payer le sauvetage des banques sans nous consulter.
« Je n’ai fait qu’obéir aux ordres » affirmait dans le film « The Reader » une ancienne gardienne du camp de concentration d’Auschwitz. « La loi est la loi » disent certains ; « je ne fais que mon travail » se justifient d’autres.

Heureusement, il y a des gens conscients de leur responsabilité sociale. Il y a des médecins qui défendent la désobéissance et soignent les personnes sans-papiers, car le contraire serait profondément inhumain à leurs yeux. Il y a des professeurs qui protestent et participent aux grèves pour revendiquer les droits de nos enfants.

Il y a des activistes qui sont prêts à désobéir aux autorités pour aider une famille à ne pas être expulsée de sa propre maison. Il y a des employés de banques qui se refusent à mentir à leurs clients et ont décidé d’abandonner leur emploi (j’en connais quelques uns qui collaborent aujourd’hui à la Plateforme contre les expulsions de logement).

Il y a des avocats qui protègent ceux qui désobéissent. Il y a des journalistes qui refusent de faire partie du discours officiel qui protège les abus, il y a des politiciens qui ne sont pas prêts à obéir aux diktats de la Troïka.

Il pourrait même y avoir des gouvernements capables de mettre en pratique des politiques alternatives. Mais cela n’est possible qu’avec une énorme masse sociale disposée à soutenir activement un gouvernement désobéissant. Dans le cas contraire, on ne sortira pas de la spirale qui permet à tout un chacun de se présenter aux élections, mais non à les gagner parce que le pouvoir politique est réservé à ceux qui agissent en connivence avec le pouvoir économique et financier.

De nombreux progrès de l’humanité en matière de droits et de libertés ont été conquis au travers de revendications et d’actes de désobéissance. Rien ne dépend seulement de ceux qui occupent le pouvoir. Nous disposons tous d’un petit champ d’action et d’influence. Ceux d’en bas peuvent déterminer la direction des politiques et cela est effectivement arrivé à certains moments importants de notre histoire.

Nous sommes à un moment où la désobéissance civile face à des lois injustices constitue une stratégie contre la soumission, une alternative au silence complice ou, comme l’a dit Ada Colau, une question de survie.

Certains préféreront encore courber l’échine sans protester. Certains choisiront d’effacer leur mémoire pour continuer à croire les mêmes mensonges de toujours. Certains choisissent d’obéir dans un monde qui ne leur offre que pauvreté, faim, guerres, violence et cynisme.

Mais elles sont de plus en plus nombreuses les personnes qui savent que la soumission n’est pas la paix sociale ; que renoncer aux droits fondamentaux ne mène pas à la stabilité ; que la guerre nous a déjà été déclarée il y a longtemps et que si nous désobéissons nous mettrons alors en évidence l’absence de légitimité de tant de mesures arbitraires. Et, qu’en outre, en le faisant, nous construisons notre propre identité, une chose qu’ils veulent également nous dérober. 



Source :
http://www.eldiario.es/zonacritica/derecho-desobediencia-civil_6_203389679.html

Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Olga Rodríguez

Journaliste et envoyée spéciale du journal « Público » au Caire

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