Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La charte du PQ : une loi spéciale 2.0

Le projet de loi 60 qui est actuellement à l’étude à l’assemblée nationale soulève les passions à travers le Québec. Le débat à plusieurs facettes, mais l’aspect juridique du débat tourne autour de la constitutionnalité de l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires. Je ne suis pas avocat, je fais donc confiance au Barreau du Québec quand il dit que cette interdiction serait contraire aux chartes des droits et libertés.

Par contre, comme syndicaliste, je vois surtout les problèmes concrets d’application du projet de loi 60 et le débat juridique que les syndicats n’auront pas le choix de mener à cause de leur devoir, prévu au code du travail, de défendre les droits de chacun de leurs membres.

Aussi, je semble être le seul à voir, dans ce projet de loi 60, une loi spéciale qui remet en question la liberté des travailleurs du secteur public de s’associer pour négocier des conditions de travail. Les syndicats du secteur public ont négocié des conventions collectives en 2011. Ces contrats de travail, signés par les syndicats et le gouvernement, sont valides jusqu’au 31 mars 2015.

On stipule dans ces conventions collectives que l’Employeur (ici le gouvernement), le Syndicat et leurs représentants respectifs s’engagent à de pas restreindre un droit prévu à la convention collective sur la base des croyances religieuses d’une personne salariée. Le projet de faire perdre son lien d’emploi à quelqu’un qui porte un vêtement pour respecter ses croyances religieuses me semble donc contrevenir, à première vue, aux conventions collectives en vigueur.

Qu’à cela ne tienne, le gouvernement a prévu, dans son projet de loi 60, l’article 13 qui stipule : « Les dispositions des articles 3 à 6 [l’interdiction de porter un signe religieux et d’exprimer ses croyances religieuses] sont réputées faire partie intégrante des conditions de travail des personnes à qui elles s’appliquent. Une stipulation contraire à l’une de ces dispositions est sans effet ». Il faut donc en comprendre que le gouvernement vient ici modifier unilatéralement les conventions collectives du secteur public alors que celles-ci sont encore en vigueur jusqu’au 31 mars 2015.

Les gouvernements, autant péquistes que libéraux, ont régulièrement décrété les conditions de groupes de travailleurs lors de négociations de convention collective. Ces lois spéciales ont généralement été contestées par les syndicats. Le gouvernement Marois va un pas plus loin dans la restriction des droits des travailleurs du secteur public de négocier un contrat collectif de travail en voulant passer une loi reniant la signature du gouvernement à un contrat en cours.

Je trouve troublant de voir que le mouvement syndical québécois ne conteste pas vigoureusement cet aspect du projet de loi 60. Je trouve encore plus troublant de voir des gens qui se disent syndicalistes, comme Réjean Parent, applaudir quand un gouvernement désire légaliser le viol de ses engagements prévus aux conventions collectives couvrant près de 600 000 syndiqués…

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