Édition du 26 mars 2024

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Canada

Le gouvernement Harper et son plan de guerre en Irak : secourir les populations en les tuant ?

Grégory Shupak, The Bullet, Socialist Project, 11novembre 2014, Professeur de journalisme, (Medias Studies), à l’Université de Guelph en Ontario. C’est un militant qui écrit pour Jacobin, Middle East Eye et pour Rabble.

Traduction : Alexandra Cyr

Le plan du gouvernement Harper qui consiste à envoyer l’aviation canadienne aider à combattre le groupe armé état islamique en Irak et possiblement en Syrie, plus des forces spéciales dans cette guerre est un plan meurtrier. Il n’arrivera aux objectifs prévus et on doit s’y opposer. Dans la loi adoptée le 3 octobre dernier, on peut lire : « à moins qu’il ne soit confronté à une force puissante et directe, la menace que fait peser sur la paix et à la sécurité internationale, dont celles des communautés de notre pays, le groupe état islamique continuera de s’étendre ». Il existe toute une série de preuves qui donnent un autre son de cloche, qui montrent que l’exact opposé est vrai.

M. James Comey, directeur du FBI à déclaré au Congrès américain que les appuis à ce groupe ont augmenté depuis que les États-Unis ont déclenché leurs bombardements de 2014. Le quotidien britannique, The Gardian a publié le nombre de combattants qui ont rejoint le groupe toujours depuis le début de la campagne américaine de bombardements : 6,000.

Alors qu’antérieurement il existait une division entre le groupe armé état islamique et le groupe al Nusra affilié à Al Quaïda actif en Syrie, on a assisté à une réconciliation entre les deux devant les bombardements occidentaux en Syrie. Ainsi, les deux groupes se renforcent et renforcent toute la mouvance djadiste du même coup.

La position contre la campagne les bombardements occidentaux n’est pas isolationniste et n’est pas une manifestation d’indifférence envers les populations syriennes et irakiennes qui subissent les meurtres, les viols les assauts et les nettoyages ethniques perpétrés par le groupe armé état islamique. Au contraire, elle est la seule qui soit tenable par ceux et celles qui se préoccupent du sort de ces populations.

Des alternatives politiques ?

Il en existe plusieurs. M. Vijay Prashad, professeur au Trinity College au Connecticut, souligne, dans Middle East Eye, que les États-Unis pourraient : « faire pression sur le ‘Groupe de contact pour la Syrie’ qui existait antérieurement et réunissait l’Égypte, l’Iran, la Turquie et l’Arabie saoudite, pour qu’il élabore un plan stratégique régional pour la désescalade de la guerre en Syrie. Faire pression également, pour qu’un gouvernement d’unité se mette en place en Irak et sur la Turquie pour qu’elle cesse d’ouvrir ses frontières aux jhiadistes internationaux.

De la même manière, à l’Institute for Policy Studies, Mme Phillis Bennis suggère que les Occidentaux pourraient jouer un rôle constructif en installant un large embargo sur le commerce des armes. Il faudrait, dit-elle : « faire pression sur l’Arabie saoudite, l’alliée des États-Unis pour qu’elle cesse d’armer et de financer le groupe armé état islamique et d’autres semblables » en plus : « d’augmenter considérablement l’aide alimentaire de l’ONU aux millions de réfugiés-es ou déplacés-es internes aux pays, en Syrie et en Irak ».

Le journaliste palestinien, Mouin Rabbani soutient de son côté que le groupe armé état islamique peut être défait si : « le travail vers une transition politique en Syrie et également en Irak est fait activement » et que : « l’émergence d’institutions soutenues par les populations, pas nécessairement via des élections, mais qui ont de la crédibilité populaire et qui peuvent s’attaquer aux profondes critiques envers les États et résoudre pacifiquement les conflits sur lesquels le groupe armé état islamique et ses semblables prospèrent en ce moment ».

Si le gouvernement canadien, comme il le dit dans sa résolution, était vraiment intéressé à : « protéger les vulnérables et les civils-es innocents-es dans la région », il n’ordonnerait pas de bombardements. Ils tuent ces civils-es que la coalition occidentale prétend protéger. Le 23 septembre dernier, les militants-es (anti Assad) syriens-es rapportaient que les bombardements américains avaient tué onze civils-es. Le 29 septembre, de nouveaux bombardements ont atteint des silos à grain et tué d’autres civils-es. Cela démontre que ces opérations ne vont pas enrayer les crimes commis par le groupe armé état islamique mais qu’elle est elle-même criminelle.

En plus, l’administration Obama a signalé qu’elle n’appliquerait pas, au cours de ces bombardements, la règle qu’elle s’est imposée pour la campagne d’assassinats par drones à savoir, tenter d’éviter des meurtres de civils-es. Une proposition terrifiante si ont prend en compte que les opérations par drone se sont finalement traduites par un exercice internationale de meurtres de masse.
L’amnésie collective,

Il faut une bonne dose de naïveté, d’aveuglement volontaire et une mémoire bien courte pour croire que les pays occidentaux bombardent ainsi pour protéger les populations d’Irak et de Syrie. Il faut aussi oublier tous les liens entre le post-onze septembre dans les rapports occidentaux et le Proche-Orient et mettre complètement de côté le fait que la politique étrangère américaine est sous l’influence des intérêts économiques de sa classe dirigeante.

Il faut examiner les effets de l’action des occidentaux sur les populations d’Afghanistan, d’Irak, de Lybie, du Pakistan, de Palestine, de Somalie et du Yémen et encore croire que c’était une action humanitaire ou qui découlait d’un réel désir de combattre l’extrémisme. Comme le dit David Mizner [1], c’était pour : « amasser des richesses ».

La question qu’il faut soulever en regard de cette politique des pays occidentaux c’est de savoir qui donc protégera les vulnérables et les innocents-es de cette région ? Les Américains et leurs alliés auront fait plus de morts et de destructions que le groupe armé état islamique n’en fera jamais même dans ses ambitions les plus délirantes.

John Baird a déclaré que le Canada devrait se préparer d’avoir à combattre ce groupe terroriste pendant longtemps. Si tel était le cas, des civils-es d’Irak et de Syrie seront tués-es et blessés-es par milliers par ces opérations aériennes contre des cibles sunnites qui ne feront qu’augmenter les développements sectaires dans ces pays. Si la stratégie occidentale réussissait à vaincre l’organisation état islamique par miracle un autre groupe semblable émergerait pour prendre sa place si on ne traite pas les conditions qui ont permis son apparition, à savoir, principalement l’impérialisme occidental.

(Grâce à la politique actuelle du gouvernement conservateur) ses alliés de l’industrie de l’armement vont ramasser des millions sinon des milliards. Mais, les citoyens-es du pays vont se faire dire qu’il n’y a pas assez d’argent dans le pays pour financer les services sociaux et l’entretien des infrastructures.
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Pour venir à bout d’une telle politique, il faut développer un large mouvement anti-guerre. Il faut dépasser les limites de la gauche active déjà à l’action.


[1Journaliste américain indépendant qui se concentre sur les questions humanitaires. N.d.t.

Grégory Shupak

Gregory Shupak enseigne la communication à l’Université de Guelph.

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