Édition du 26 mars 2024

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Environnement

Résumé

Agir sur les changements climatiques

À l’automne 2014, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies ( ONU ), Ban Ki-moon, a exhorté tous les pays du monde à se fixer des objectifs plus ambitieux en matière de politique climatique pour éviter que la température mondiale ne s’élève de plus de 2°C au cours de ce siècle. Le collectif d’universitaires Dialogues pour un Canada vert [1] ( DCV ) a élaboré une feuille de route pouvant mener le Canada vers une économie sobre en carbone.

Notre collectif regroupe plus de 60 chercheur(e)s provenant des dix provinces du pays et de disciplines qui vont du génie aux sciences sociales, la viabilité [2] étant au coeur des préoccupations de nos recherches. Le rapport Agir sur les changements climatiques au Canada : les solutions d’universitaires canadiens et canadiennes propose dix orientations stratégiques en matière de politiques climatiques pouvant être adoptées immédiatement au Canada afin d’amorcer la transition nécessaire vers une société sobre en carbone. Comme première orientation stratégique, nous recommandons à l’unanimité d’établir un prix sur le carbone.

Les projections climatiques simulées [3] par le Consortium OURANOS [4] dans le cadre des Dialogues pour un Canada vert suggèrent que des mesures mondiales immédiates d’atténuation contiendraient le réchauffement maximal au Canada. C’est donc aujourd’hui que nous nous devons d’agir afin d’assurer l’avenir des générations de demain.

En plus d’établir un prix sur le carbone, Agir sur les changements climatiques au Canada : les solutions d’universitaires canadiens et canadiennes examine comment le Canada pourrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre

 1 ) en favorisant la production d’électricité à faibles émissions de gaz à effet de serre ( GES ),

 2 ) en modifiant la consommation d’énergie grâce à l’évolution de l’aménagement urbain et à une révolution des transports et

 3 ) en reliant la transition vers une société sobre en carbone à un programme de développement durable grâce à la création d’institutions participatives et d’une gouvernance ouverte.

Ce type de gouvernance permettrait de mobiliser le public canadien, créant ainsi les conditions pour l’amélioration de notre bien-être environnemental, social et économique. Nos propositions tiennent compte des caractéristiques particulières du Canada et sont fondées sur le principe bien connu « pollueur-payeur ». Elles sont présentées en détails dans le document de synthèse accessible sur le site Internet des Dialogues pour un Canada vert.

À court terme, les éléments d’un programme de transition pourraient inclure :
• L’établissement d’une taxe nationale sur le carbone ou d’un système national de plafonnement et d’échanges pour les émissions produites comme celui auquel participent le Québec et la Californie ;
• L’abolition des subventions destinées à l’industrie des combustibles fossiles et la pleine intégration de ce secteur dans les politiques climatiques ;
• L’intégration de la viabilité et de la lutte contre les changements climatiques dans l’aménagement du territoire tant au niveau régional qu’urbain pour s’assurer, entre autres, que les investissements effectués pour la construction ou l’entretien des infrastructures soient en lien avec un objectif à long terme de décarbonisation.

À moyen terme, la transition pourrait être facilitée par :

• Un réseau électrique coordonné et intelligent orienté d’est en ouest permettant donc aux provinces productrices d’hydroélectricité de vendre de l’électricité à leurs voisins afin de tirer pleinement avantage du potentiel des énergies renouvelables ;

• Des programmes d’efficacité énergétique bien gérés pourraient engendrer d’importantes retombées économiques pour tous grâce aux économies réalisées. De tels progÀ long terme, la transition pourrait soutenir une « révolution » des transports pour éliminer la dépendance de ce secteur envers les combustibles fossiles.

• Cela pourrait reposer sur la mise en oeuvre d’une gamme d’options, allant de l’électrification du transport jusqu’aux transports collectifs et actifs des personnes ( marche, bicyclette, etc. ).

Grâce à l’abondance des ressources énergétiques renouvelables disponibles, nous estimons que le Canada pourrait atteindre l’objectif d’une électricité 100 % à faibles émissions de GES d’ici 2035. D’où la possibilité d’adopter une cible à long terme de réduction des émissions d’au moins 80 % d’ici le milieu du 21e siècle, en concordance avec la responsabilité du Canada en ce qui a trait à l’atténuation des changements climatiques. À court terme, nous croyons que le Canada, qui emboîte habituellement le pas des États-Unis, pourrait adopter une cible de réduction des émissions de GES de 26 ou de 28 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2025.

Nous proposons de considérer la politique climatique comme un projet à long terme, une transition vers une société viable et sobre en carbone. Cette notion de transition compte de nombreux avantages : la cible de 80 % établit la direction du changement à prendre en donnant au Canada un plan d’avenir tout en reconnaissant que l’atteinte des objectifs prendra un certain temps. Ceci permettra aux gouvernements, aux entreprises et aux citoyens de positionner leurs activités dans un contexte dynamique. Comme pour les autres transitions importantes survenues dans le passé, que ce soit l’industrialisation ou l’électrification, la transition vers une société sobre en carbone se fera à coup d’essais et erreurs. Certains secteurs économiques connaîtront des compressions alors que d’autres prendront de l’expansion.

Le plus important aspect de cette transition est de se mettre en marche dès aujourd’hui. La prise de conscience des dégradations environnementales causées par certaines formes de développement économique a donné lieu à l’introduction du concept de développement durable, c’est-à-dire « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». La viabilité a plus récemment été redéfinie en mettant l’accent sur le type d’avenir qui est désiré. Nous pensons donc que les politiques appuyant la transition vers une économie basse en carbone doivent être choisies dans le contexte des attentes tant sociales qu’environnementales des Canadiens et Canadiennes, ce qui permettrait d’articuler une nouvelle vision d’avenir pour le pays.

Une telle transition fera naître des possibilités d’innovations pour la conception de nouvelles technologies, le développement des affaires et la création d’emplois. Le paysage international a changé considérablement depuis le retrait du Canada du Protocole de Kyoto, en décembre 2011. Le principal partenaire commercial du Canada, les États-Unis, a doublé sa cible de réduction des émissions de GES en 2014. De plus, selon l’Agence internationale de l’énergie, les investissements visant l’efficacité énergétique ont été de l’ordre de 310 à 360 milliards de dollars américains [5] en 2011, ce qui pourrait favoriser la création d’emplois dans ce secteur. Un cadre politique clair aurait pour effet de réduire l’incertitude relativement au contexte commercial, encourageant ainsi les entreprises à investir dans les technologies à faible émission de carbone.

Nous avons identifié des mesures conçues pour avoir une incidence durable et importante, en nous basant sur nos spécialités respectives ainsi que sur des échanges de vues entre nos membres. Nous ne prétendons pas présenter ici toutes les politiques ou tous les incitatifs possibles pour atteindre la viabilité. Nous sommes également conscients que plusieurs de ces propositions devront encore être analysées, débattues et raffinées d’une manière plus approfondie. En revanche, dans presque tous les cas, ce que nous préconisons concorde avec nombre d’analyses aux échelles internationale et nationales sur des orientations politiques viables de décarbonisation.

Nous croyons qu’il est grand temps de mettre de l’avant des propositions dans le contexte canadien et nous souhaitons que notre contribution puisse aider tous les paliers de gouvernement à prendre des engagements ambitieux et réfléchis à l’occasion de la Conférence Paris Climat [6], en décembre 2015. Nous appelons de nos voeux une période intense de consultations et de débats menant à l’élaboration de politiques appropriées qui serviront aux multiples réalités du Canada. Nous offrons notre entière coopération à tous les paliers de gouvernement au cours de cette période qui promet d’être à la fois exigeante et stimulante. Le moment est venu de mettre en oeuvre des mesures ambitieuses d’atténuation des changements climatiques.


[1http://www.sustainablecanadadialogues.ca/fr/vert ( Tous les sites internet cités dans ce document ont été consultés en février et mars 2015 )

[2Traduction que nous avons adoptée pour le mot anglais sustainability

[3Agir sur les changements climatiques au Canada : les solutions des chercheurs. Rapport de l’initiative Dialogues pour un Canada vert, Chaire UNESCO-McGill Dialogues pour un avenir durable. Mars 2015.

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