Édition du 26 mars 2024

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Féminisme

Comment lutter contre #agressionsnondenoncées avec #austériténondénoncée

Mercredi dernier, une poignée de parlementaires clôturaient la dernière séance de la commission sur le Plan d’action en matière d’agressions sexuelles. La même journée, des étudiant.e.s découvraient dans une salle de bain de l’Université de Montréal un horrifiant graffiti appelant au viol d’une porte-parole d’un regroupement étudiant.

Il suffit d’entendre les commentateurs et de lire les commentaires sur les articles de presse à ce sujet pour comprendre à quel point la banalisation de ce type d’action est répandue. Le manque d’empathie envers la personne visée est terrifiant. Des individus vont jusqu’à insinuer que la victime aurait elle-même commandé ce graffiti afin de s’attirer la sympathie du grand public ; d’autres scandent des aphorismes de la trempe de « quand tu joues avec le feu... »

Je l’ai dit et le redis, la culture du viol existe aussi chez nous. Si au Congo on fait la guerre en violant systématiquement les femmes du camp adverse, si en Inde l’État ferme les yeux sur les viols répétitifs, eh bien au Québec, on menace avec la même arme les femmes qui dénoncent ce qu’on ne veut pas entendre sur nos propres actions ou inactions comme société.

Selon le ministère de la Sécurité publique du Québec, 83 % des victimes d’agressions sexuelles sont des femmes et 97 % des agresseurs sont des hommes. En plus d’être fréquemment banalisés, la faute des crimes sexuels incombe encore trop souvent sur le dos des victimes qui ont peur de dénoncer ce qu’elles ont subi.

La question n’est pas de savoir combien le gouvernement est prêt à investir dans sa prochaine politique de lutte contre les agressions sexuelles, car ce ne serait qu’une partie trop étroite du débat. À titre indicatif, je pourrais rappeler que l’Ontario, avec qui notre gouvernement aime tant se comparer, investira 43 millions de dollars sur 5 ans dans la lutte aux agressions sexuelles.

Nous savons que ce n’est certainement pas avec des peanuts qu’on va pouvoir entamer le changement de mentalité nécessaire pour arrêter tout cela. Produire des publicités de sensibilisation grand public, contraindre les entreprises, petites et grandes, à se doter d’une politique contre le harcèlement sexuel et remettre dans les écoles du primaire et du secondaire des cours d’éducation sur les relations égalitaires et sur la sexualité sont des pas importants. Mais ce n’est pas suffisant.

La prochaine politique de lutte aux agressions sexuelles devra en tenir compte et le Conseil du trésor et le ministère des Finances aussi. Car on aura beau avoir la plus belle politique du monde, il faut avoir un regard d’ensemble. Si le gouvernement continue d’affaiblir les femmes avec ses mesures d’austérité qui affectent l’accès au travail, le bien-être, l’autonomie et la sécurité économique, on réglera bien peu de choses. Une politique de lutte aux agressions sexuelles ne peut véritablement fonctionner que dans la mesure où tout est en place pour que les femmes aient un réel droit à l’égalité.

Malheureusement, la fin de l’universalité dans les services de garde nuit à l’accès équitable des femmes au marché du travail et favorise la dégradation des conditions de travail de celles qui œuvrent auprès des enfants ; les compressions dans le système de santé et services sociaux signifient des pertes d’emploi pour les employé.es, dont 75 % sont des femmes, et une dégradation des soins, dont la grande majorité des bénéficiaires sont des femmes ; les hausses de tarifs tous azimuts (électricité, services de garde, transport en commun, frais de scolarité...) ont un impact plus négatif sur les femmes que sur les hommes dans la mesure où elles ont en moyenne un revenu plus bas.

Tant que les femmes ne seront pas égales en tout point avec les hommes ; qu’elles occuperont beaucoup moins de postes de direction ; que le système permettra les « t’aurais pas dû aller en voyage toute seule » et les « t’avais juste à ne pas prendre la parole pour défendre tes idéaux » ; que l’équité salariale dans tous les milieux ne sera pas atteinte, on aura toujours un terreau fertile pour les différentes violences sexuelles. Parce que c’est tout ça, la culture du viol.

Mme Vallée, en tant que ministre de la Condition féminine, je vous invite à faire pression sur vos collègues masculins des ministères économiques pour que vous ayez véritablement les moyens de réaliser et de mettre en place une politique cohérente dans une société juste pour toutes.

Et vous pouvez compter sur moi, je serai à vos côtés, car il y a beaucoup de travail à faire.

Mercredi dernier, une poignée de parlementaires clôturaient la dernière séance de la commission sur le Plan d’action en matière d’agressions sexuelles. La même journée, le Parti libéral refusait d’appuyer une motion reconnaissant aux femmes le droit d’avoir accès à des soins d’avortement gratuits et de qualité.

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