Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Début de l'année électorale en Argentine

Hier avaient lieu les élections provinciales primaires de Salta (une province pauvre du nord de l’Argentine), élections importantes car l’élection elle-même se jouera à un seul tour, mais surtout parce qu’elles ouvrent l’année électorale qui culminera en octobre avec l’élection présidentielle (à cet égard elles jouent un peu le même rôle que les premiers caucus et primaires étatsuniens de l’Iowa ou du New Hampshire).

Le gouverneur sortant Urtubey, soutenu par le gouvernement national, est sorti largement vainqueur de la confrontation avec 14 points d’avance sur son principal concurrent Romero, soutenu par le péroniste anti-kirchneriste Massa (47% contre 34%).

Les non-péronistes de gauche (Parti Ouvrier) et de centre-gauche (UCR+UNEN+PS) ont chacun 7% des voix.

L’ensemble des participants avaient délibérément "nationalisé" l’enjeu et transformé cette élection locale en plébiscite pour ou contre le gouvernement de Cristina Fernandez de Kirchner (CFK), tout comme Valls l’avait tenté chez nous aux dernières départementales, mais avec un résultat bien différent pour le gouvernement en place.

On peut de ce fait tirer quelques enseignements globaux de ce sondage grandeur nature :

 ce résultat confirme que Massa est en perte de vitesse à l’échelon national et son "Frente Renovador" peine à bousculer le "Frente Para la Victoria" de CFK.

 Macri n’a toujours pas de bases provinciales et locales solides en dehors de la capitale fédérale (à la municipale qui avait lieu en même temps, son candidat est arrivé derrière celui de Massa)

 à la fois malgré et grâce à la forte polarisation qu’elle suscite (un partage quasiment 50-50 entre avis positifs et avis négatifs dans les derniers sondages de personnalité) CFK va rester maîtresse du jeu au moins jusqu’aux primaires présidentielles du 9 août prochain, sauf accident : ses réactions erratiques lorsque l’affaire Nisman a éclaté n’ont pas entamé le soutien dont elle bénéficie dans les classes populaires. Elle devrait donc pouvoir négocier avec son probable successeur Scioli (éventuellement accompagné de son concurrent Randazzo) une sortie honorable malgré les nombreuses affaires de corruption et d’enrichissement illicite actuellement en cours d’instruction (d’une manière générale, à part quelques seconds couteaux, aucun dirigeant péroniste n’a jamais été condamné pour corruption.)

Ce résultat local est cependant à relativiser par 3 facteurs :

 la prime habituelle au sortant (d’autant plus importante que la fonction de gouverneur reste en Argentine modelée par la tradition du "caudillismo" : une forte personnalisation du pouvoir à base de charisme machiste et populiste qui se combine avec un système féodal d’allégeance des élus locaux au "patron" de la province, le tout soigneusement irrigué par un clientélisme tout terrain ne s’embarrassant pas trop d’idéologie politique (nous avons aussi nos "caudillos" en France : feu Deferre et son lointain successeur Guerini sont de bons exemples de ce type de fonctionnement.)

 l’importance des subsides du gouvernement central pour la survie des provinces pauvres favorise leur alignement sur "el poder de turno".

 l’habilité tactique d’Urtubey qui avait étiqueté sa candidature "Frente Renovador para la Victoria" : de quoi créer une certaine confusion entre la ligne Massa et la ligne CFK chez les électeurs les moins au fait des divisions au sein du parti péroniste.

Il faudra attendre les prochaines élections se tenant dans les provinces "riches" (Mendoza, Santa-Fe) pour voir si ce panorama global se confirme.

Michel Delarche

Blogueur sur le site de Mediapart.

Sur le même thème : Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...