Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

So, so, so…

Le 1er avril dernier, Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM, nous écrivait à nous, enseignants, une lettre qui avait à mon avis quelque chose d’inquiétant et de désolant. La lettre avait des airs d’excuses et de désengagement.

Elle y écrit, entre autres, qu’elle est « [consciente] des sacrifices qui [nous] seront demandés pour répondre [aux] exigences gouvernementales et des répercussions que ces compressions auront sur l’ensemble de nos services. »

Elle y ajoute également « [qu’elle et ses collègues souhaitent] tous que la CSDM demeure l’institution phare qu’elle a toujours été dans le domaine de l’éducation. »

D’accord. Je veux bien contribuer à la préservation de nos acquis. Par contre, ce n’est pas à nous que cette lettre aurait dû être adressée. Ceci ressemble peut-être à de la mauvaise foi de ma part, je n’en sais rien. Il y a beau y avoir des excuses ou des demandes de compassion à l’interne, le fait est qu’une commission scolaire a un rôle à jouer dans tout ce processus de négociations. Cette lettre n’avait selon moi comme seul but que de redorer le blason d’une commission scolaire dépassée par les coupures qui viennent de plus haut.

Bien sûr, les sentiments exprimés dans cette lettre sont peut-être bien réels et ne relèvent peut-être pas de l’hypocrisie, mais le point reste le même. Il faut que les commissions scolaires se lèvent et décident de poser des gestes de réelle solidarité envers les enseignants sur le terrain.

Solidarité ?

Si vous voulez vraiment démontrer votre solidarité avec ce qui se passe dans les écoles publiques montréalaises, madame Harel Bourdon, dites-le publiquement, mais surtout, agissez. Nos macarons peuvent bien convaincre quelques personnes autour de nous, mais un appui public des commissions scolaires sera éventuellement nécessaire, quitte à les voir directement à nos côtés, dans la rue.

Ne me faites pas croire que les compressions budgétaires annoncées vous font sourire. Vous faites partie de milieu de l’éducation autant que nous. Ça ne vous effraie pas, tout ce qui se passe ? Rappelez-vous de votre rôle et accomplissez-le, mais surtout, ne nous chantez pas que vous êtes désolée et que vous « entendez » nos revendications. Agissez. Ce sera amplement suffisant.

Nous enseignons présentement aux futurs acteurs de notre société. Nous avons un devoir et une mission pédagogique d’une importance capitale. Ne nous perdons pas, s’il vous plait, dans des stratégies de marketing internes futiles. Montrez-nous, madame Harel Bourdon, que vous êtes derrière nous, et ce, publiquement et avec fermeté. Vous avez eu un rôle à jouer lors de la rédaction des offres patronales. Vous en aurez un également lors de la période de négociations actuelle.

Et les directions ?

Rassurez-vous, par contre, car nous savons que vous n’êtes pas seule autour de la table de négociations. Les directions ont également leur mot à dire et on doit s’indigner que certaines d’entre elles répriment des enseignants qui ne font que porter un macaron. On doit aussi s’inquiéter de leur silence généralisé. À défaut de parler, on en comprend qu’elles acceptent le statu quo ou même pire. Ce n’est peut-être pas le cas, cependant. Je me trompe peut-être, qui sait ? Force est d’admettre qu’en ne se prononçant pas sur les mesures d’austérité en éducation, les directions se font complices d’un effort gouvernemental inadmissible pour réduire notre profession à quelque chose qui ne vaut même pas la peine d’être financé, valorisé ou même apprécié.

J’espère naïvement, mais sincèrement, qu’il s’agit d’un silence « stratégique » et que d’éventuelles sorties publiques et actions concrètes surgiront bientôt pour appuyer les enseignants parce que, pour l’instant, la solidarité dont nous avons besoin de la part de nos patrons, qui se disent d’ailleurs également « touchés » par toutes ces compressions, est quasi-inexistante. L’acceptent-ils donc ? Ces gens représentent les établissements scolaires de la province et se doivent de se prononcer, aussi difficile que soit cette décision. Les directions ont un devoir de redevance à l’école publique et je refuse de croire que ce devoir puisse se réduire à une simple gestion financière et bureaucratique de l’école.

Cela n’empêche peut-être pas certaines directions de prendre des initiatives intéressantes ou d’appuyer en douce leurs enseignants, mais il ne s’agit pas ici d’une majorité claire, du moins, pas visiblement.

Et le gouvernement ?

Il est aussi triste de penser qu’un gouvernement ne voudrait pas le bien de sa population. C’est pourtant une réalité. Par égocentrisme désolant ou par ignorance crasse, le gouvernement actuel choisit délibérément de s’en prendre à la source même de son électorat : le fameux « contribuable ». C’est en s’en prenant aux plus petits que Philippe Couillard enrichit une infime partie de la population. Nous le répétons et en avons marre de le faire, mais une sourde oreille particulièrement persistante nous surplombe à tous les instants, période de négociations ou non.

Parlant de négociations, qu’en est-il ? Y a-t-il réellement dialogue ? Le sentiment qu’on nous gave à notre insu d’un cocktail peu ragoûtant de paternalisme et de coupures injustifiées est criant et évident. Que ce soit en éducation, en santé, dans les municipalités ou dans les services sociaux, bien peu de ces remaniements faits au nom d’une soi-disant « rigueur budgétaire » sont bien reçus. Et pour cause.

Il faudrait qu’on nous explique franchement que tout ce qui se fait, se fait au nom d’un dogme économique, et non pour le bien de la majeure partie de la population. Il faudrait qu’on nous explique pourquoi on délaisse des solutions mises de l’avant depuis des années sur divers sujets comme l’écologie, l’éducation, la santé ou même les finances publiques. Pourquoi ne pas créer davantage de paliers d’imposition ? Pourquoi ne pas taxer les banques raisonnablement ? Pourquoi ne pas créer Pharma-Québec ? Pourquoi ne pas cesser de subventionner le secteur privé en dépit de l’appauvrissement évident des institutions publiques ? Pourquoi s’acharner sur les citoyens de la classe moyenne alors que l’on perd des milliards en évasion fiscale ? Que l’on réponde à ces questions avant de nous flanquer une austérité en plein visage, augmentant, au passage, son salaire de député.

Lorenzo Benavente
Enseignant de français langue seconde à la CSDM

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