Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Politique d’austérité

C’est le temps de sortir

Il y aura passablement d’action cette semaine. Plusieurs syndicats de même qu’une quantité impressionnante de mouvements populaires, féministes et étudiants, seront là pour manifester leur colère contre l’« austérité », qui est le mot de code pour « assaut généralisé contre le salariat ».

La plupart des économistes à part les farceurs de l’Institut économique de Montréal et leurs disciples Coiteux et Leitao sont en fait d’accord pour dire que non seulement l’austérité n’est pas une réponse adéquate aux pressions actuelles, mais pire encore, que c’est dans le fonds un moyen pour aggraver les problèmes. Or c’est justement ce que veut le 1 %. L’idée est d’arracher ce que les travailleurs et travailleuses ont acquis ces 50 dernières années. Une des clés pour cela est l’affaiblissement stratégique du mouvement syndical, un peu comme cela s’est fait aux États-Unis. Là-bas, moins de 5 % sont syndiqués. Tout le monde, aussi bien ceux en bas de l’échelle (le monde de l’économie « macdo ») que ceux qui sont en haut (les pilotes d’avion par exemple) a perdu.

Aussi, il faut être bouché des deux côtés pour donner du crédit aux appels du patronat à davantage de « concertation ». Se « concerter » pourquoi ? Pour endosser la privatisation, le démantèlement du secteur public, le détournement des fonds vers les méga projets où les profits sont privés mais les pertes sont socialisées ? C’est ce que veulent les patrons au Québec, au Canada, dans le monde. Ce n’est pas qu’ils sont (toujours) bêtes et méchants (ça arrive), c’est qu’ils sont eux-mêmes pris dans l’engrenage de l’accumulation et de la compétition. Dans notre système pourri, le plus gros doit manger le plus petit, en attendant d’être lui-même mangé par un super gros.

Plusieurs personnes dans notre société sont maintenant conscientes de cela. Mais de toute évidence, ce n’est pas encore tout le monde. Et même ceux qui le sont ne le sont pas tous au même niveau. Un des indicateurs de cette « hésitation » est la difficulté d’obtenir des mandats de grève politique pour le Premier mai. Une chance qu’il y a les profs de cégep, mais même là, on note des majorités parfois assez faibles pour sortir. Nous ne pensons pas qu’il y a une « conspiration », ni une « trahison » de la part des structures syndicales. Le fait est que le vent ne souffle pas encore fort, surtout dans le secteur privé où plusieurs syndiqué-es sont sensibles à la propagande des médias-poubelles sur les « privilégiés » du secteur public. Dans le secteur public, on sent les profs du primaire et du secondaire, le personnel du vaste secteur de la santé, les fonctionnaires, un peu frileux et un peu fragiles. C’est à souhaiter que les débats en cours qui se poursuivront durant l’été et l’automne redonneront de la vigueur à l’idée d’utiliser la grève dans l’immense bataille qui est inévitable avec le gouvernement de choc que nous avons.

Un facteur négatif dont il faut tenir compte et qui s’ajoute est le maraudage qui s’annonce dans le secteur de la santé et la fusion des commissions scolaires. Comment penser à un vrai Front commun alors que le système de représentation syndicale place les syndicats en compétition les uns avec les autres ? Plusieurs milliers de personnes vont changer d’allégeance syndicale en étant intégrés dans les mégas établissements. Le cadre de la nouvelle loi fait en sorte qu’il n’y aucune espace pour proposer, par exemple, un dépôt d’accréditation multi-syndical (c’est interdit par la loi). Par ailleurs, refuser de faire un dépôt d’accréditation entraine une désyndicalisation automatique. Il faudra beaucoup d’audace et de vision à long terme pour éviter ce piège. C’est pourtant fondamental pour maintenir la solidarité et l’unité dans la lutte contre les attaques systématiques du patronat et ses serviteurs !

La bonne nouvelle est la même que celle que nous signalons depuis quelques temps. C’est en région que cela se passe et on le verra encore une fois la semaine prochaine. Il y aura des actions réellement perturbantes dans plusieurs régions, en plus des défilés, rencontres, « visites » chez le député du coin ou la Chambre de commerce. Personne ne pourra dire, en Abitibi, sur la Côte-Nord, dans le Bas-du-fleuve et en Gaspésie, dans le Saguenay et le centre du Québec, qu’on ne sait pas pourquoi les gens sont en colère. Certes, il y aura beaucoup d’action à Montréal. Les syndiqué-es, les groupes populaires, les jeunes, la multitude des casseroles, Québec Solidaire, seront au rendez-vous…

Militantes, perturbantes, ces actions seront certainement non-violentes, civiles, fortes de la masse critique qui sera présente, ce qui veut dire, totalement à l’écart des actions associées aux petits groupe cagoulés. Dans ces initiatives mal pensées, il y a certes des gens de bonne foi, fâchés-fâchés si on peut dire, et qui veulent se battre. Mais l’esprit de rébellion est perverti lorsqu’on se dirige vers des actions symboliques de cassage ou d’affrontements avec les flics. Ce « black-bloquisme » de pacotille n’apporte rien, sinon que des militants arrêtés, quelques vitrines cassées, et encore plus d’attaques vitrioliques de la part des médias poubelles et de leurs journalistes-mercenaires.

Pour autant, il faut le dire, affronter est parfois nécessaire, face à un système qui n’hésite jamais à utiliser la violence pour intimider et punir. En fin de compte, la question n’est donc pas sur la légitimité de la résistance, mais sur les stratégies qu’il faut déployer pour marquer des points. On ne gagne pas quand on se fait casser la gueule, physiquement ou autrement. Il faut réfléchir et savoir utiliser les meilleurs moyens au bon endroit et au bon moment, et éviter de jouer au desperado…

Ce 1er mai sera mémorable. Il ouvrira de nouvelles voies dans l’approfondissement d’un mouvement populaire en pleine ébullition !

Robert Deschambault

Militant CSN

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