Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Solidarité avec la Grèce

Grèce : Un jour d’infamie

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le principe de la souveraineté populaire, qui signifie que le pouvoir de choisir appartient au peuple et à lui seul, la volonté, affirmée comme jamais auparavant dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, de réaliser une démocratie qui conjugue à la fois les libertés individuelles, mais aussi des droits collectifs (droit à la santé, à l’éducation, à la culture, au travail, au logement, au bien-être, …), c’est-à-dire la volonté de réaliser cette République sociale pour laquelle Jaurès déjà se battait. C’est tout cela qui vient de reculer brutalement en Europe avec l’accord intervenu à propos de la Grèce, ce 13 juillet, un jour qui restera à jamais pour les peuples et leurs droits comme un jour d’infamie.

Il n’y a pas de démocratie. Il y a un système où le monde des affaires et de la finance dicte sa loi aux pantins qui nous gouvernent, à travers des institutions qui traduisent cette formidable régression démocratique qui porte le nom d’Union européenne. C’est ce que j’appelle l’oligarchie.

L’oligarchie a remporté une terrible victoire, car cet accord consacre plusieurs idées que le rouleau compresseur politico-médiatique s’emploie à ériger en tabous, en vérités incontournables :

 l’idée qu’en dehors de l’UE, il n’y a point de salut et que tout doit être sacrifié pour en faire partie ;

 l’idée que l’opinion exprimée démocratiquement par le peuple n’a aucune importance dans le cadre de l’UE et qu’un référendum qui ne confirme pas les volontés de l’oligarchie est sans valeur ; l’accord du 13 juillet confirme avec éclat la phrase de Juncker « il n’y a pas de choix démocratique contre les traités ratifiés » ;

 l’idée qu’en dehors des programmes d’austérité, c’est-à-dire du choix des politiques salariales et sociales comme variables d’ajustement aux effets néfastes des crises du système, il n’y a pas d’alternative.

Ce sont ces idées que le gouvernement Tsipras vient de consolider en acceptant le plus anti-démocratique et le plus antisocial de tous les programmes d’austérité jamais infligés à la Grèce. Prisonnier d’une opinion publique aveuglément attachée à l’UE, soumis aux diktats violents de Berlin et aux pressions persistantes de Paris, forcé d’accepter l’inacceptable, il a cédé là où il fallait résister. Il est des moments où le courage, c’est de dire non.

On ne mesure sans doute pas encore totalement l’ampleur de la défaite subie le 13 juillet non seulement par le peuple grec, mais par tous les peuples. Car , ce qui vient de l’emporter c’est cette idée qu’au modèle imposé, il n’y a pas d’alternative. Thatcher et son TINA ont gagné. C’est une défaite considérable pour celles et ceux qui militent inlassablement pour d’autres choix que ceux qui nous sont imposés, pour d’autres pratiques politiques, pour d’autres orientations économiques et sociales, pour une autre vision de la vie en société.

L’accord du 13 juillet est un message adressé à tous les peuples d’Europe : « vous devez obéir ; envisager des alternatives aux politiques que nous vous imposons ne sert à rien. Ne perdez pas votre temps à suivre ceux qui affirment que d’autres choix sont possibles. Nous les avons refusés avec succès dans le cas de la Grèce ; nous ferons de même avec les autres peuples qui oseraient s’insurger ».

Il nous faut tirer les leçons de cette terrible défaite. La première est un constat d’évidence : démontrer le caractère antidémocratique des choix et l’inanité des politiques d’austérité, avec la meilleure argumentation qui soit, est sans effet. Ceux qui nous gouvernent ne nous écoutent pas. Ils ne veulent rien savoir. Par définition, ils ne se trompent jamais. Comme ils font payer par les plus faibles le prix de leurs erreurs et de leurs fautes, ils ne se soucient jamais des conséquences de leurs choix.

La deuxième leçon doit nous interpeller directement : nos méthodes sont inefficaces. Lancer des pétitions, rédiger des appels, interpeller les élus, tout cela ne modifie en rien la volonté de ceux qui sont censés nous représenter. Nous pouvons être des millions à dire non à l’austérité, à refuser de payer pour la rapacité des banquiers et des hommes d’affaires, à rejeter des directives européennes et des traités internationaux qui offrent aux firmes privées la possibilité d’accroître leurs profits au détriment de notre santé, de nos conditions de vie et de travail, cela ne change rien à la détermination de l’oligarchie à imposer une société du chacun pour soi, de la concurrence de tous contre tous, des inégalités et des discriminations.

Troisième leçon, il nous faut chercher des réponses pacifiques et non violentes à la question : « qu’est-ce qui peut les faire plier ?

Une dictature d’un mode nouveau s’est installée en Europe. Elle mène une guerre d’un mode nouveau contre les peuples. Nous venons de subir une terrible défaite. Puisse-t-elle ouvrir les yeux de ceux qui croient encore à un avenir acceptable dans le cadre de l’UE.

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