Édition du 16 avril 2024

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Europe

Chasse aux grévistes au Royaume-Uni

Mercredi 15 juillet dernier, à peine deux semaine après l’annonce de coupes budgétaires drastiques dans le budget des aides sociales (http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/07/08/le-royaume-uni-coupe-les-allocations-sociales-et-augmente-le-salaire-minimum_4675946_3234.html), le gouvernement conservateur de David Cameron a présenté un nouveau projet de loi clairement anti-syndicat. En encadrant et en criminalisant le droit de grève, ce projet qui remet en cause le droit du travail vise également à affaiblir le Labour (parti travailliste).

Comme l’analyse le Guardian dans un article du 15 juillet 2015, il s’agit là d’une attaque clairement idéologique. Elle est liée à la diffusion de l’idée selon laquelle les syndicats appellent à la grève par plaisir. Elle vise également, en encadrant les dons des membres des syndicats réservés au financement des partis politiques, à affaiblir le Labour qui en tire la majeure partie de son budget. Un pied de nez au pluralisme démocratique en somme.

Le projet qui visait, à la base, à rendre illégale une grève ne rassemblant pas au moins 40% des votes des salariés, va maintenant beaucoup plus loin. Les mesures proposées sont les suivantes :

 Les membres des syndicats se verront demander tous les 5 ans s’ils souhaitent continuer à verser le surplus à leur adhésion au syndicat. Cette somme sert à financer les partis politiques affiliés aux syndicats.

 L’obligation pour les syndicats et grévistes de donner un préavis de 14 jours avant toute grève 

 L’entreprise dont les salariés sont en grève pourra embaucher des contractuels pour remplacer les grévistes et "briser les piquets de grèves"

 Les syndicats devront également renouveler le vote d’une grève dans les 4 mois succédant le premier vote.

 Criminaliser les piquets de grève dits "intimidants ou "illégaux" pour pouvoir attaquer les syndicats et les grévistes en justice.

 Préciser sur le bulletin de vote de la grève les raisons claires de cette dernière, et les types d’actions prévues.

 La possibilité pour le gouvernement de demander des dommages d’un maximum de 20 000 livres sterling pour non respect des procédures s’appliquant à la grève. Il pourra également mener chaque année une enquête (financée par l’entreprise mais également par le syndicat) pour s’assurer de la "confirmité" des procédures. 

 Évocation pendant le débat sur la loi d’utilisation de canons à eaux pour disperser les émeutes telles que celles survenues à Londres en 2011.

Productivité vs Précarité

Le gouvernement justifie ce projet de loi dit "Javid" (du nom de son instigateur Sajid Javid) par l’augmentation du nombre de préavis de grève dans le métro londonien, les chemins de fer et les écoles depuis deux ans. Si les mesures de cette proposition parlent d’elles-mêmes, la secrétaire à la santé et Sajid Javid, le secrétaire d’état au Commerce à l’Innovation et au Savoir-Faire, ont tenu des discours explicites pour la justifier.

Il s’agirait de ne plus "nuire à la productivité" et de trouver "le juste milieu entre les intérêts des syndicats et de ceux qui veulent aller travailler à l’heure et ne peuvent se rendre au travail que via un unique moyen de transport".

Bien sûr, cette proposition de loi n’est que le prolongement d’une idéologie et des réformes qui en découlent par le gouvernement conservateur de David Cameron depuis 2010. Une évolution naturelle pourrait-on dire, et un débat intéressant à l’heure où on ne cesse d’entendre que l’économie anglaise et son taux de chômage se portent bien. On entend bien souvent que le Royaume-Uni, à la manière du "modèle allemand", entretient une culture du business salvatrice pour la croissance.

Pourtant, ces résultats économiques sont trompeurs et brandis hors contexte : une flexibilité outrancière du marché de l’emploi, des périodes d’essai de 6 mois et des contrats précaires dont les fameux "zero-hour". Toutes ces mesures qui minent la jeunesse, les immigrés et des retraités qui se voient bien souvent obligés de travailler aux caisses des supermarchés pour compenser une retraite quasi inexistante. Des mesures enfin, qui font du Royaume-Uni l’un des pays les plus inégalitaires en Europe aujourd’hui. (Indice GINI 2015)

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