Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Élections fédérales 2015

Les femmes dans l’industrie minière

Une réalité canadienne que la campagne électorale a passé sous silence ce sont les méfaits de l’industrie minière au Canada et encore plus sous silence les conséquences des méfaits de cette industrie sur les femmes.

D’abord cette industrie a connu une croissance extraordinaire depuis l’arrivée du gouvernement conservateur. Mais situons bien l’importance de cette industrie au Canada :

« Si l’on en croit le gouvernement canadien, plus des trois-quarts des compagnies minières et de prospection de la planète ont leur siège au Canada. Selon un rapport publié en 2009 par les autorités, 1 293 sociétés minières canadiennes étaient actives à l’époque dans plus d’une centaine de pays du globe. Le gouvernement canadien encourage fortement la participation des entreprises canadiennes dans des activités minières et extractives à l’étranger, en leur fournissant une aide financière et diplomatique et en négociant des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux. Cet engagement du gouvernement permet souvent à des sociétés canadiennes de se lancer dans des activités de prospection et d’extraction dans des zones jusque-là épargnées par l’exploitation intensive des ressources, situées notamment sur les terres et territoires de peuples autochtones. Dans sa politique d’encouragement des sociétés canadiennes à se livrer à des activités extractives aux quatre coins du monde, le gouvernement canadien persiste à s’appuyer presque exclusivement sur les lois, réglementations et mécanismes d’application nationaux des pays d’accueil pour s’acquitter de son obligation de veiller à ce que les investissements canadiens à l’étranger ne se traduisent pas par des atteintes aux droits humains – même lorsque tout laisse à penser que lesdites lois ne sont pas adaptées ou ne sont pas appliquées Un nombre croissant de voix s’élèvent depuis quelques années pour dénoncer le fait que le Canada ne dispose apparemment pas des mécanismes adéquats lui permettant de réglementer les activités des compagnies minières canadiennes activés à l’étranger, y compris lorsque celles-ci bénéficient d’un soutien de l’État. Plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnistie internationale, ont publié des rapports impliquant des sociétés minières canadiennes dans des atteintes aux droits fondamentaux. [1]

Les ¾ de l’industrie planétaire est inscrite au Canada c’est donc dire que quand l’on entend parler de bafouement des droits humains dans le secteur de l’extraction, on ne peut passer au côté du Canada.
« L’essai Paradis sous terre, d’Alain Deneault et William Sacher, montre que le Canada, malgré une meilleure réputation, est, dans le domaine minier (nid de spéculateurs où il règne), le délinquant de la planète, au point où, chez les dépossédés des pays du sud, beaucoup jugent les Américains plus soucieux de l’éthique. [2]

Faut le faire : les Américains sont plus soucieux que nous !

« Des sociétés inscrites à la Bourse de Toronto ne sont pas étrangères aux millions de victimes de la guerre civile (1998-2003) pour le contrôle des ressources minières du Congo. Nombre d’entre nous, qui détenons ne seraient-ce que de maigres valeurs mobilières dans l’industrie extractive canadienne, devraient en frémir. [3]

« Pourtant, les mégaprojets extractifs sont aujourd’hui une cause majeure d’atteintes aux droits des collectivités. En Amérique latine, on recense près de 200 conflits sociaux opposant les communautés, compagnies minières et gouvernements sur la question minière. Pour les personnes et collectivités dont les droits sont bafoués par les activités minières, de nombreuses barrières dans l’accès à la justice existent. [4]

Et la campagne électorale ne mentionne pas ce rôle de l’industrie canadienne à travers le monde. Et pour cause le scandale serait plus grand que la situation sur l’environnement. Quant à la réalité des femmes. Elle n’est guère reluisante.

« Plusieurs femmes sont visiblement épanouies dans le domaine minier. Malgré cette satisfaction, et leur influence grandissante, les statistiques démontrent clairement leur sous-représentation. L’Université Carleton d’Ottawa s’est intéressée au phénomène et a constaté que, de 1988 à 2011, les femmes dans les mines sont passées d’environ 14 % à 18,6 % de l’effectif. Il faut savoir que moins de 5 % des postes scientifiques, de gestion et de production sont occupés par des femmes, alors qu’on retrouve ces dernières dans la plupart des rôles de bureau et de soutien (95 %) et dans les postes de services généraux (60 %). Cette augmentation de 4,6 % en 23 ans ne les a ainsi pas propulsées au sommet de leur industrie car, toujours en 2011, elles ne représentaient que 6,6 % des administrateurs d’entreprises minières et de ressources, un taux indéniablement bas si on le compare à celui d’autres secteurs économiques, où la présence des femmes varie de 9,7 % à 40 %. [5]

Nous exposons maintenant la situation des femmes au Congo qui illustre concrètement, vraiment concrètement le sort que réserve cette industrie aux femmes. La situation est celle des femmes congolaises mais partout ailleurs les femmes vivent la même chose. Les femmes guatémaltèques ont même inspirées le thème de la quatrième action mondiale de la Marche mondiale des femmes « Libérez notre corps, nos terres, notre territoires » suite aux exactions de l’industrie minière.

« L’on estime que de manière générale, les femmes représentent entre 20 et 50 % de la
population totale dans les sites d’extraction minière en RDC. Au Nord-Kivu et au Sud-Kivu,
le pourcentage serait d’environ 30 à 40 %. Les femmes prennent rarement part aux activités
minières proprement dites mais sont souvent assignées à des tâches secondaires telles que le
transport à la main ou le traitement de la matière première (broyage, lavage et tri du minerai). Les femmes fournissent également des services tels que la vente de boissons alcoolisées, d’aliments, de savon, de charbon etc. et elles travaillent comme domestiques et comme prostituées.
Bon nombre des femmes qui travaillent dans les restaurants et les bars cèdent en même temps à
la prostitution.
…..

En général, les femmes sont bien moins payées que les hommes pour le même travail. En
même temps, elles sont censées s’occuper de la famille, chercher le bois pour le feu, puiser l’eau,
cuisiner et nettoyer. L’analphabétisme généralisé des femmes dans les sites miniers est une
entrave importante qui les empêche de connaître et de revendiquer leurs droits.
…..
Les femmes dans les zones minières artisanales courent également le risque d’être exposées aux
violences sexuelles ou à la violence basée sur le genre. Les campements miniers sont souvent
dominés par des hommes jeunes, loin de leur domicile, de leur famille et de leur communauté,
fascinés par l’argent qui circule rapidement et sujets à une consommation élevée d’alcool
et de marijuana – combinaison qui diminue la responsabilité morale et augmente les tendances
à la violence. Dans les établissements miniers où vivent un grand nombre d’anciens combattants,
les violences sexuelles ou la violence basée sur le genre sont particulièrement répandues. Cependant, les acteurs de la sécurité autour des mines, qu’ils relèvent de l’État ou pas, se rendent aussi coupables de perpétrer des actes de violence sexuelle ou basée sur le genre.

Les prostituées sont un groupe vulnérable particulièrement ciblé par les violences sexuelles
ou basées sur le genre. La prostitution est une des principales sources de revenus pour les
femmes et les filles dans les sites miniers, du fait que les mineurs dépensent une grande
partie de ce qu’ils gagnent en se rendant chez les prostituées, même si tous les hommes ne
paient pas les services qu’ils consomment. Vivant dans l’indigence, bon nombre de femmes
se rendent volontairement dans les sites miniers pour gagner leur vie en tant que prostituées ;
d’autres y sont envoyées par leur famille. De nombreuses femmes sont laissées sur place par
leur mari lorsque ceux-ci migrent vers des zones minières plus riches, parfois éloignées, pendant
de longues périodes. Ces femmes se voient souvent obligées à se vouer à la prostitution
dans les mines avoisinantes afin de pourvoir aux besoins de leur famille. D’autres femmes, qui
travaillent dans les activités minières secondaires, se sentent contraintes à la prostitution de par
leur salaire de misère. Par exemple, certaines des « twangeuses » ont expliqué qu’elles avaient
décidé de se livrer à la prostitution à cause du salaire insuffisant qu’elles touchent pour le
broyage des roches. Les prostituées ont généralement entre 18 et 35 ans, mais il arrive souvent que des mineures qui viennent travailler pendant les vacances dans les bars et les restaurants des établissements miniers finissent également par se prostituer. Généralement, les rapports sexuels avec de très jeunes filles sont préférés car la croyance, propagée par les sorciers locaux, est qu’ils aident à acquérir la richesse et à accroître la virilité. Un système d’exploitation commerciale des jeunes filles a été mis en place dans certaines mines. Les propriétaires de bars et de restaurants, les grandes dames comme on les appelle à Bisiye et à Omate et dans le centre de commerce voisin de Mubi, par exemple, piègent les jeunes filles pour les livrer à la prostitution forcée. Les grandes dames promettent à ces filles qu’elles auront un emploi légitime et les attirent loin de leur famille et de leur village natal. Une fois arrivées, au lieu de se voir proposer un travail rémunéré, les filles apprennent qu’elles n’ont d’autre possibilité que d’avoir des rapports sexuels avec des hommes pour de l’argent. N’ayant aucune autre option pour gagner leur vie ou subvenir aux besoins de leur famille, les jeunes filles se sentent souvent obligées de rester. Par exemple, juste pour être en mesure de s’acheter un savon, un fillette de 11 ans est restée travailler dans un bar de la ville de Mubi même après avoir découvert qu’elle allait devoir se prostituer.

Le viol est une autre forme commune de violence sexuelle commise dans les zones minières. Les
filles et les femmes de tous âges sont victimes d’agressions sexuelles par des individus, ou par
des groupes d’hommes, généralement ivres ou drogués. Le viol est essentiellement perpétré
par les propriétaires des puits de mine, par les creuseurs et par les militaires, mais aussi par des
policiers et des membres des services des renseignements (ANR) ainsi que par les négociants
en minerai. Au Nord-Kivu, jusqu’à 60 % ou plus de ceux qui se rendent coupables de viol
sont des civils, mais nombreux sont d’anciens combattants ou des jeunes gens affectés par
l’atmosphère de violence qui caractérise la guerre. Les communautés minières sont également
caractérisées par un nombre élevé de mariages forcés, souvent avec des mineures. Les
hommes migrants travaillant dans les mines, en particulier les soldats et les anciens combattants,
se choisissent souvent une deuxième épouse ou une concubine lorsqu’ils s’installent. Très souvent, les relations dans les zones minières sont une forme de cohabitation forcée, imposée aux femmes après un viol, ou à la fin d’une période concertée de prestation de service en tant que prostituée. Les « twangeuses » contractent également ce que l’on appelle les mariages de la mine (kufanya ndoa ku carrière), qui sont des alliances temporaires et souples entre un homme qui travaille dans les activités minières et une femme qui est disposée à offrir librement ses services sexuels et à s’occuper de l’alimentation, si elle reçoit en échange une partie des revenus miniers de l’homme. Il arrive aussi que des soldats ou des membres de groupes armés enlèvent des filles de villages voisins, les obligent à transporter et sécher le minerai pendant la journée, et les exploitent sexuellement la nuit. Comme l’a expliqué une jeune fille, « les soldats sont venus et nous ont arraché nos vêtements…ils nous ont emmenées avec eux dans la forêt. Ils sont devenus nos « maris » juste parce qu’ils avaient eu un rapport sexuel avec nous. » Il arrive aussi que des femmes soient prises comme concubines, sans leur consentement, par les commandants des groupes armés lorsque le contrôle des mines change de mains.

Généralement la culture des rapports sexuels à risque perdure, et les femmes sont souvent
contraintes à des rapports sexuels non protégés, ce qui augmente leur risque de contracter des
maladies sexuellement transmissibles (MST) et le VIH/sida. Cette culture est particulièrement
problématique dans les sites miniers où sont présents des soldats en fonction, des soldats
démobilisés et des membres des groupes armés, qui ont le taux de prévalence de MST le plus
élevé. La sensibilisation au VIH/sida est faible, et la prévention tend à s’appuyer davantage sur la
superstition que sur l’utilisation des préservatifs ,les tests de dépistage ou les modifications
comportementales. Faisant suite aux violences sexuelles ou basées sur le genre, les grossesses
chez les adolescentes et les abandons d’enfants ont également augmenté. Là encore, les établissements miniers ne fournissent aucune mesure de prévention sanitaire, puisque les dispensaires médicaux sont généralement trop éloignés et dans des lieux difficiles d’accès. En outre, les installations médicales manquent de médicaments, d’équipement et de personnel qualifié, et les services qu’elles fournissent sont à des prix prohibitifs pour ces femmes. L’absence de centres médicaux de proximité est particulièrement problématique dans les situations d’urgence, telles que les complications à l’accouchement. et les cas de suspicion d’exposition au VIH.

Par exemple, dans le site minier de Bibatama, les femmes ayant des problèmes au moment
de l’accouchement doivent être transportées sur des brancards traditionnels pendant 62
kilomètres avant d’arriver à l’hôpital du centre de Masisi. [6]

Et tout cela ne se vit pas seulement en pays en voie de développement.

« Pour conclure, les mines ont un impact souvent négatif sur les autochtones car elles ont un impact négatif pour la chasse et la pêche et qu’elle cause des problèmes dans les communautés nordiques. [7]

« The third case of this violence was that against the dozens of women, some that are grand-mothers, at Skouries in the north of Greece who were opposing the Canadian company Eldorado and its gold mining project. For months, special police forces under the instructions of the minister have been targeting the women of the villages with a ferocious and massive repression leading to some of them being sent to prison. It is no coincidence that this unprecedented repression carried out in the background of a state of emergency in a region inhabited by peasants, is to be exemplary according to those who gave the orders to prevent the repetition of such acts of “civil disobedience”. Of course, this “exemplary repression” was carried out first and foremost against the women from this local population which needs to be crushed. [8]

Silence radio sur toute cette réalité de surexploitation des femmes par l’industrie minière canadienne. Les profits avant les droits humains, avant l’égalité des hommes et des femmes, avant le bien-être collectif. Il faut briser ce silence.

Chloé Matte Gagné

Sur le même thème : Élections fédérales 2015

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...