Le gars du Vermont
Le virage de Clinton vers le centre gauche est une tentative de capter l’électorat qui soutient le sénateur indépendant du Vermont, Bernard, dit « Bernie », Sanders. Cet acteur politique en dehors de la boîte dit à tous et à toutes qui veulent l’entendre qu’il est un socialiste. Sa montée spectaculaire ébranle la direction du Parti démocrate. Par ses positions clairement à gauche, il fait peur et force Hillary Clinton à prendre des positions opportunistes.
Bernie, depuis qu’il a été élu maire de Burlington sous la bannière d’une plateforme progressiste en 1981, a toujours maintenu le même discours : lutter pour les ouvriers et les ouvrières, les pauvres, les syndicats, s’opposer à l’oligarchie américaine. Une fois élu sénateur indépendant (1990), il a poursuivi dans le même sens. Lors du mouvement Occupy en 2012, Sanders était avec les manifestations et les occupations. Aujourd’hui dans sa campagne pour obtenir l’investiture du Parti démocrate, il rallie une grande partie des mouvements populaires, des syndicats, des jeunes. Des foules immenses se réunissent pour l’écouter comme lors de sa prestation à Los Angeles devant 25 000 personnes. Pour le moment, Sanders mène dans les intentions de vote dans plusieurs États et ailleurs, il talonne Hillary.
Une situation qui évolue
Depuis longtemps aux États-Unis, le pouvoir alterne entre la droite (les Républicains) et le centre-droit habituellement incarné par les Démocrates. Cela n’a pas toujours été comme cela, car dans les années d’avant-guerre, le Parti Démocrate sous Franklin Delano Roosevelt avait évolué vers la gauche sous la pression des syndicats, des mouvements populaires et des socialistes. Dans les années 1960 jusqu’à maintenant toutefois, les Démocrates se sont déplacés vers la droite, notamment sous l’égide de Bill Clinton. Pour autant, la poussée actuelle de Sanders reflète un ras-le-bol de la part d’une partie très importante de la population américaine, lassée de l’appauvrissement qui affecte la masse alors que le 1 % s’enrichit sans gêne. Bernie est écouté parce qu’il « parle vrai », loin des discours cannés et des entourloupettes des politiciens de carrière, y compris Hillary Clinton.
Il serait surprenant au bout de la ligne qu’Hillary ne soit pas la candidate démocrate, avec l’appui de la grosse machine et des immenses fonds dont elle dispose de ses amis corporatifs. Autre facteur, bien que touchant le cœur de million de gens, Bernie est peu connu par les communautés afro-américaines et latinas, qui sont évidemment concernées par la fracture de classe, mais qui sont également préoccupées par la remontée du racisme et de l’exclusion, ce que Bernie aborde peu. Bref, on est encore loin d’une grande coalition progressiste qui pourrait changer la donne. Pour autant, la confrontation actuelle au sein des Démocrates révèle que le capitalisme américain ne parvient plus à conquérir les cœurs et les esprits comme il l’a fait pendant quelques décennies.