Édition du 16 avril 2024

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Québec

Un chéquier à la place du cerveau

Du haut de sa tour (littéralement), le rectorat de l’Université Laval a jugé bon de fermer trois programmes d’enseignement au nom de la « pertinence économique ». « Ethnologie, art et muséologie (http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/education/201512/02/01-4926960-luniversite-laval-sacrifie-trois-programmes.php), on a pas besoin de ça finalement, ce n’est pas pertinent », semble dire Bernard Garnier, vice-maître de l’université.

Attardons-nous un peu plus sur le cas du baccalauréat en ethnologie. À l’heure actuelle, les « Charlie » et autres « grands défenseurs de la liberté d’expression » crient sur tous les toits que notre culture est menacée, que l’invasion culturelle s’en vient, que les musulmans sont des terroristes. Des péquistes paranoïaques se mettent à paniquer et invoquent à grands cris de désespoir une charte protégeant leur culture et leur ethnie.

Et là, ce que l’Université Laval dit c’est : « Malgré le fait que l’ethnologie est la discipline qui serait sûrement la plus utile à l’heure actuelle pour faire taire les imbécillités des drettistes réactionnaires et réfléchir intelligemment sur le « choc des cultures », on ferme le programme pour sauver une couple de piasses. »

Maintenant, l’art. Une maîtrise interdisciplinaire en art ? Pas besoin, tout va bien dans le meilleur des mondes. Nous ne sommes absolument pas dans une situation où l’art est devenu asservi aux publicitaires et autres vendeurs de cochonneries de ce monde qui font du pop art un outil commercial pour vendre de la soupe et de l’expressionnisme une nouvelle manière d’amener les gens à acheter du déodorant. Nous ne sommes pas du tout dans une situation où le graffiti est le summum de l’art, car il est le seul à sortir des normes établies par des élites qui ne voient dans une toile rien d’autre qu’un capital propre à la spéculation (et heureusement qu’il y a le graffiti !).

Donc, réfléchir sur l’art, étudier à un niveau universitaire comment les différentes disciplines artistiques interagissent entre elles ? Rien à faire, ça rapporte moins de cash qu’un programme d’administration.

Et finalement, la muséologie. Pourquoi regarder des vieilles bebelles et des tableaux ennuyants ? Pourquoi sortir quelques instants de la société mainstream pour aller admirer deux secondes des produits qui ne sont pas définis par le paradigme régnant de notre société québécoise contemporaine ?

Pas besoin, l’important c’est l’argent.

Cette attitude vis-à-vis du savoir est symptomatique de la dérive capitaliste de l’éducation, dans laquelle l’étudiant est un objet économique et où les programmes sont des moyens de production engrangeant des profits.

La « pertinence économique », c’est de couper les recteurs, pas de couper les programmes.

André-Philippe Doré

Etudiant à l’Université Laval.

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