Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Forum social mondial 2016 à Montréal

Forum social mondial 2016 à Montréal

(Très) modestes réflexions sur le FSM

A l’avènement du Forum : la guerre et la résistance à la guerre

Ce qui a fait la force du Forum Social Mondial au tout début du millénaire, c’est la guerre globale-préventive-et-permanente de George W Bush. S’il est vrai que le FSM voulait être une réponse au TINA de Margaret Thatcher et au credo ultralibéral de la société, et en même temps un espace de réflexion et d’échanges de masse, c’est parce que, parallèlement à cette mission, inscrite dans la Charte, il y avait une volonté d’agir et de réagir autour d’un enjeu – la nouvelle guerre impérialiste, en particulier contre l’Irak – qui concernait tout ce que notre planète contenait de progressiste, indépendamment des structures d’organisation et des idéologies.

La Charte du Forum ne permettait pas de prendre une position sur la guerre ou de lancer une initiative de mobilisation globale. Néanmoins, le mouvement anti-guerre s’est développé dans l’Assemblée des mouvements sociaux, en marge du Forum, mais grâce à l’existence du Forum.

Des changements en profondeur

En quoi cette question d’ordre historique est importante pour tenter de répondre à la question sur la pertinence du FSM en 2016 ? C’est que précisément nous sommes dans un contexte totalement différent, dont je soulignerais 5 éléments :

 Il n’y a plus, comme cela avait été le cas, UN ennemi, facilement identifiable, avec ses stratégies déclarées de recolonisation militaire du monde et de dérégulation de tout ce qui avait été acquis au cours du demi-siècle précèdent ;

 Le monde de l’Empire est devenu multipolaire, suite à un affaiblissement des USA et l’émergence de nouvelles puissances, en particulier la Chine ;

 Il n’y a plus la bipolarité (très relative d’ailleurs) entre l’impérialisme d’une part, et les mouvements de libération de l’autre. Ces derniers se sont petit à petit effacés, entre autre grâce à des victoires partielles que les puissances de l’ordre ont été obligées d’accepter pour pouvoir sauver les meubles ;

 La crise économique dans les pays occidentaux et comme corollaire, l’affaiblissement du mouvement ouvrier et de ses organisations, d’où les grandes difficultés à conserver les acquis des décennies précédentes ;

 L’affaiblissement des grands mouvements sociaux et les priorités que leur impose la crise ont laissé dans le FSM une place disproportionnée aux ONG et aux « professionnels des Forums ».

De cette situation de crise sociale globale découle, non pas une résignation globale, mais plutôt une nouvelle localisation/régionalisation des luttes.

La Révolution Arabe

Elle est une des concrétisations les plus évidentes de la crise actuelle. Surtout si l’on prend le mot « révolution » dans son sens non-journalistique mais historique, à savoir un processus long où le vieux monde entre dans une phase d’agonie prolongée, et où le nouveau peine à émerger.

Le monde arabe est un révélateur des évolutions globales : crise de l’ordre mis en place par les grandes puissances de l’époque à la fin de la première guerre mondiale, crise qui est entre autre le produit de la guerre globale et de la volonté des néoconservateurs de démanteler les états constitués, révolutions populaires à travers l’ensemble de la région, contre-révolutions sanglantes, émergence d’une alternative barbare (selon la célèbre prédiction de Rosa Luxembourg), sous la forme de Daesh.

Les diverses versions d’Indignés sont, elles aussi, des exemples de ces nouvelles formes de mobilisations, en marge de l’expérience accumulée par les composantes principales du processus qu’on a appelé FSM.

Aller plus loin

Un espace ouvert d’échanges et de confrontations d’expériences reste plus indispensable que jamais. La question à laquelle il nous faudrait répondre est la suivante : est-ce que le cadre du FSM peut être attractif pour ces nouvelles expressions de la révolte sociale à travers le monde ? Autre question : avons-nous les moyens, le langage, pour attirer cette nouvelle génération ? Une chose est certaine, cette génération recherche l’action plus que le débat, ce qui nous amène à réfléchir sur la Charte même du FSM. Notre ami Samir Amin nous avait lancé ce défi, il y a déjà dix ans…

* Michel a été fondateur et président de l’Alternative Information Center (AIC) à Jérusalem et Bethlehem.

Michel Warschawski

Journaliste et militant de gauche israélien, il est cofondateur et président de l’Alternative Information Center (AIC). Dernier ouvrage paru (avec Dominique Vidal) : Un autre Israël est possible, les éditions de l’Atelier, 2012.

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