Édition du 16 avril 2024

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Santé

La faute à El nino si le virus Zika se manifeste avec autant de vigueur

Les scientifiques assurent qu’une conjonction de facteurs a déclenché cette épidémie,

Tim McDonnell, Mother Jones, 28 janvier 2016,
Traduction, Alexandra Cyr,

Lors d’une réunion d’urgence à Genève cette semaine, le directeur de l’Organisation mondiale pour la santé a déclaré que le virus Zika se répandait à toute vitesse en Amérique latine. La semaine dernière l’épidémie avait pris un tournant surréaliste quand les responsables de la santé publique d’EL Salvador avait demandé aux femmes de ne pas tomber enceinte au cours des deux prochaines années. On a vu des recommandations du genre, quoique moins extrêmes, apparaitre au Brésil, en Colombie et dans d’autres pays. Le virus a infecté plus d’un million de personnes à ce jour et les responsables de la santé publique affirment qu’il peut être lié à une augmentation de microcéphalies, un rare problème qui donne lieu à la naissance de bébés à petites têtes.

Une combinaison de facteurs environnementaux et économiques expliquent (en partie) ce déclenchement. Voici les éléments importants :

Qu’est-ce que le Zika

Ce virus a été identifié dans la forêt d’Ouganda en 1947 chez des singes. Depuis ce temps, la maladie a lentement migré à travers le globe. Elle a suivi les routes océaniques profitant de marins infectés et de moustiques cachés dans les navires. Son premier surgissement est apparu en Micronésie en 2007 ; 60 personnes ont été infectées. Elle est ensuite passée en Polynésie française et dans d’autres iles du Pacifique. L’actuel déclenchement a eut lieu l’an dernier au Brésil. C’est le plus important à ce jour et le premier en Amérique latine.

Le virus Zika est transmis par la mouche Aedes aegypti. C’est cette mouche qui transmet aussi le virus de la dingue, de la fièvre jaune et du chikungunya. Comparé à d’autres virus, le Zika provoque des symptômes mineurs qui peuvent ressembler à un mauvais rhume ou à une grippe. La mortalité qu’il provoque est très, très faible. On peut s’infecter si on est piqué par le moustique qui a précédemment bu le sang d’une personne infectée. Sauf dans les cas de transmission entre la mère et son enfant à naitre, il n’y a pas de preuve de transmission entre personnes. Il n’existe aucun vaccin ni traitement contre ce virus.

Pourquoi concerne-t-il les femmes enceintes

Il peut être la cause de microcéphalies chez le fœtus qui empêchent le cerveau de se développer complètement. Au Brésil, les cas de microcéphalies ont été trente fois plus nombreux, entre 2014 et 2015 soit de 147 cas à presque 4,000. Le virus Zika a commencé à se répandre au cours de cette période. Cette apparente corrélation a mené à des avis de précaution à prendre durant la grossesse mais les scientifiques n’ont toujours pas confirmé la possibilité que le Zika soit la cause de la malformation.
La microcéphalie n’est pas un mal inconnu. Le Centre pour le contrôle des maladies et la prévention aux États-Unis rapporte que de 2 à 12 bébés par dix mille naissances en souffrent. Mais pour l’épidémiologiste Heidi Brown de l’Université de l’Arizona, la vitesse d’augmentation des cas en Amérique latine est troublant : « Il est très étonnant de voir autant de cas de microcéphalie là où il n’y en avait pas antérieurement. Si une femme enceinte attrape le virus est-ce que ça veut dire que son enfant naitra obligatoirement avec la malformation ? Il semble que oui mais il peut y avoir d’autres facteurs en cause. C’est une tache décourageante ; nous n’en sommes qu’au début ».

Ce message est repris par le Docteur Francis Collins de l’Institut national de la santé. Il a noté que des responsables de la santé publique américaine, comme leurs confrères brésiliens ont découvert la présence du virus dans des tissus d’enfants nés-es avec des microcéphalies. Mais il écrit : « en ce moment il est de la première importance de confirmer, par des études épidémiologiques et animales s’il y a un lien de cause à effet entre l’existence du virus Zika, les femmes enceintes infectées et la présence de microcéphalies chez leurs nouveaux nés ».

Qu’est-ce qui a causé cette éclosion

Selon Mme Laurie Garrett, responsable de la santé mondiale au Council on Foreign Relations, cette éclosion a été déclenchée par une parfaite tempête de facteurs biologiques, économiques et d’incidents climatiques. Le moustique qui transmet le virus Zika a commencé à se répandre et à se développer en Amérique Latine après avoir été introduit au Brésil par les déplacements dans l’océan Pacifique à la fin des années 1980. Le Brésil se retrouve en ce moment dans une grave crise économique. Le gouvernement de Mme Rousseff fait face à des tentatives de destitution à cause de son implication dans le scandale de la pétrolière nationale Petrobras. Le système de santé publique est ainsi affaibli alors qu’il doit lutter contre ce dangereux moustique. Cette semaine, le ministre brésilien de la santé a admis que son ministère était en voie de perdre cette bataille.

Mais selon Mme Garrett, le développement spectaculaire de la population de moustique a été déclenché par des pluies dépassant les moyennes ; c’ est le facteur déterminant. C’est en lien direct avec le très fort phénomène El Nino dans le Pacifique cette année. Durant le mois dernier, le Brésil et le Paraguay ont connu des inondations encore jamais vue depuis cinquante ans. Elles ont forcé le déplacement de 150,000 personnes. Ce sont des conditions parfaites pour la vie et le développement des moustiques.

« Une des caractéristiques de ce moustique, est qu’ils aiment l’eau claire et propre » nous dit Mme Garrett, qui ajoute : « Donc les pluies sont un cadeau pour eux. Elles s’installent dans des trous, des pneus qui trainent, des contenants de toutes sortes qui servent ainsi de pouponnière aux moustiques ».

Le moustique est d’autant plus actif que le climat est chaud et humide en été moment où les corps sont exposés à l’air libre. Dans ce contexte la maladie se répand à toute vitesse. De même pour la dingue.

Et les changements climatiques alors

Pour l’environnementaliste Bill McKibben, les gouvernements qui préviennent les femmes de ne pas tomber enceinte donnent des signes avant-coureurs de la fiction autour des changements climatiques qui nous attend dans le futur.
Dans un article du Guardian, lundi dernier, il écrit : « Pensez-y ! Les femmes devraient se protéger de la tâche la plus essentielle et la plus belle de l’humanité. C’est impensable ! Il est évident que pousser l’écologie de la planète à ses limites crée de nouvelles conditions dangereuses ». Il estime que l’éclosion du virus est liée à l’expansion du moustique au fur et à mesure que le climat se réchauffe. Mais même si cela est vrai, il n’en reste pas moins que le moustique qui transmet le Zika est présent dans la région affectée depuis vingt ans.

Et plus important encore que les changements dans la distribution du moustique ce sont les changements dans le régime des pluies que cause El Nino. Même si le phénomène n’était pas causé par les changements climatiques il se présente dans un contexte d’une augmentation générale de la température des océans et de l’atmosphère. 2015 a été l’année la plus chaude (depuis qu’on enregistre les données) ; elle a pu contribuer au renforcement d’El Nino. De plus en plus de recherches tendent à démontrer que les changements climatiques pourraient augmenter la force et la fréquence du phénomène El Nino. Cela veut dire qu’en dehors de l’élargissement du territoire du moustique en cause, partout où les moustiques posent des problèmes ils pourraient en poser encore plus.

M. Brown estime que l’augmentation de la température globale pourrait aussi allonger la saison de fertilité des moustiques ce qui augmenterait l’espace de temps pour infecter les humains. D’autant plus que les moustiques arrivent à maturité plus vite dans leur cycle, donc se reproduisent d’autant plus vite que le climat est plus chaud. Leur métabolisation s’accélère également ce qui signifie qu’ils peuvent transmettre le virus plus vite qu’autrement.

M. Brown avance que la question la plus probable sera de savoir qu’elles sont les probabilités d’être piqué-e. Elles augmentent bien sur avec l’augmentation de moustiques. Il ajoute, qu’avec toutes informations disponibles, il reste difficile de tirer des conclusions sur les raisons de l’éclosion de cette année et de prédire ce qui se passera dans l’avenir. Après tout les données d’une seule année sont disponibles. « Ce ne sont pas que le climat, le vecteur de transmission ou les voyages des individus qu’il faut considérer. Ce sont tous ces éléments ensemble. Peut-être que nous manquons tout simplement de chance (en ce moment) ».

Il est clair qu’il est trop tôt pour pointer du doigt les changements climatiques pour expliquer l’éclosion de cette année. Il deviendra plus complexe de déterminer les moyens par lesquels les maladies transmises par les moustiques sont affectées par les changements climatiques. Plus complexe que de s’intéresser au milieu où vivent ces moustiques.

L’inquiétude des Américains-es est-elle justifiée

Pour le moment, on ne connait pas de cas aux États-Unis où la maladie ait été transmise par les moustiques. Mais il y a eu au moins six cas récemment en Arkansas, à New-York, en Virginie, à Hawaï et en Californie. C’étaient des gens qui rentraient de voyage et qui ont été testés positivement. Le Centre de contrôle des maladies a publié des avertissements aux voyageurs-euses qui se dirigent vers les zones où des cas de Zika ont été détectés.

Mais l’Institut national de la santé sur son blogue avise que quand les températures vont augmenter au printemps, le virus pourrait s’étendre dans le sud ouest et le Midwest mettant ainsi 200 millions de personnes à risque d’infection. Mme Garrett prévient que le moustique devrait surement se rendre aux États-Unis. Elle ajoute que paradoxalement : « Le phénomène El Nino qui renforce la population de moustique au sud de l’équateur protège probablement les États du sud des États-Unis en ce moment. Mais au printemps nous pourrions être confrontés-es à de très sérieux problèmes de moustiques ».

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