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Le Mur de femmes contre les oléoducs et les sables bitumineux : un an de prise de parole

Auteure : Marie-Josée Béliveau, 1er mars 2016

Lors du lancement de la Marche mondiale des femmes 2015 (MMF 2015), à l’occasion de la Journée internationale des femmes, le 8 mars dernier, plus d’une centaine de femmes, accompagnées d’allié-es, formaient un grand Mur de femmes contre les oléoducs et les sables bitumineux devant la raffinerie Suncor dans l’Est de l’île de Montréal. Depuis, ce sont plus de six cent femmes qui ont participé aux différentes apparitions du Mur des femmes dans le but de montrer une opposition aux oléoducs et au méga projet d’exploitation des sables bitumineux. Qui sont-elles et pourquoi la nécessité d’une telle prise de parole de femmes concernant les enjeux environnementaux ?

Un mouvement tranversal

Le Collectif du Mur des femmes contre les oléoducs et les sables bitumineux est né au croisement du mouvement des femmes et du mouvement environnemental. Le thème de la MMF 2015 était « Libérons nos corps, notre Terre et nos territoires ». L’idée d’organiser une journée d’actions qui combine trois aspects, la militarisation, l’austérité et l’environnement, est venue des femmes de l’organisation de la MMF 2015 à Montréal.

C’est ainsi qu’une alliance entre des femmes de la MMF et des militantes du milieu environnemental s’est créée. Le choix de la thématique à mettre de l’avant s’est effectué de manière tout aussi naturelle. Le règne de Harper a abaissé le Canada au triste statut de cancre du climat, tout particulièrement avec le développement effréné du projet d’extraction et du transport du pétrole des sables bitumineux. Ainsi, a-t-on vu naître et s’affirmer de nombreuses mobilisations pour stopper l’expansion de cette exploitation. Au Québec, la manière la plus efficace de stopper cette entreprise consiste à empêcher le transport de ces hydrocarbures, notamment au travers des projets d’oléoducs.

La première action du Collectif s’est tenue le 8 mars 2015. Il s’agissait d’une action de résistance symbolique devant la raffinerie Suncor, un des endroits stratégiques du passage du pétrole des sables bitumineux au Québec. Nous y dénoncions entre autres les impacts du raffinage de ce pétrole sur la pollution atmosphérique dans l’est de Montréal : la Pointe-de-l’Île est le territoire où l’on trouve le plus de personnes atteintes de maladies chroniques à Montréal.

La prise de parole des femmes : un objectif central

Les actions du Collectif reposent sur la réalisation d’un mur avec nos corps regroupés autour de la bannière de notre mouvement. Les femmes utilisent leur corps collectivement et solidairement dans un acte de résistance et d’affirmation. Le tout est accompagné de la lecture d’extraits de la Déclaration des femmes contres les oléoducs et les sables bitumineux et de prises de parole de militantes. Cette prise de parole est centrale et constitue un des aspects principaux du Mur de femmes, puisqu’il ne s’agit pas seulement de se faire voir mais aussi de se faire entendre !

Dans les mobilisations des communautés de Fort McMurray et tout le long des différents tracés des oléoducs, les femmes sont sur la ligne de front. Mais peu d’entre elles sont mises de l’avant dans les prises de parole. Cela se reflète d’ailleurs tout particulièrement au Québec où la très grande majorité des porte-paroles d’organisations environnementales sont des hommes.

Or, la voix des femmes sur les enjeux environnementaux diffère de celle des hommes. Leur permettre de prendre la parole dans notre société, c’est permettre à un tout un pan de la réalité de s’exprimer. Porteuses de vies, elles sont souvent celles sur qui repose la santé des communautés. Elles entretiennent une relation étroite avec l’environnement. Leur permettre de prendre la parole dans notre société, c’est permettre à un tout un pan de la réalité de s’exprimer.

En solidarité avec toutes les femmes

Un autre objectif du Mur de femmes est de raffermir notre solidarité avec toutes les femmes qui, partout au Canada et au delà, sont affectées ou voient leurs communautés et leur environnement être affectés par le méga projet des sables bitumineux. Notre action fait d’ailleurs écho au « Wall of Women against Tar Sands », réalisé en Colombie-Britannique en mars 2014 par des femmes autochtones.

Nous sommes particulièrement solidaires des femmes autochtones. Elles sont à l’avant-garde des luttes, notamment face à la question de l’extraction du pétrole des sables bitumineux. Nous soutenons aussi toutes les femmes qui luttent depuis des années sur l’ensemble de la Terre Mère, pour défendre les territoires contre les projets industriels qui offensent leurs corps, polluent la Terre et détruisent leurs territoires, comme le rappelle si bien le slogan de la Marche mondiale des femmes 2015 : Libérons nos corps, notre terre et nos territoires !

Des impacts sexospécifiques

D’autre part, le Mur de femmes a pour objectif de dénoncer les impacts spécifiques des enjeux environnementaux sur la vie des femmes . L’extraction du pétrole des sables bitumineux favorise une économie accentuant les rapports de pouvoirs hommes-femmes et n’apporte ainsi que de rares et précaires occasions de travail aux femmes. Aux abords des chantiers, on observe surtout une augmentation de la prostitution et de la violence domestique. Le projet intensifie de plus le phénomène du Fly in, Fly out, qui amène les hommes à travailler plusieurs semaines loin de la cellule familiale, tandis que les femmes prennent en charge l’ensemble des responsabilités familiales.

Finalement, le Collectif fonctionne avec une structure fluide et décentralisée, reposant à la fois sur l’implication des militantes du milieu environnemental et sur une coordination souple laissant la place aux initiatives et aux idées de chacune. Ce mode de fonctionnement favorise l’appropriation du mouvement par et pour les femmes qui le portent. Nous invitons d’ailleurs toutes les femmes qui le veulent à se joindre à notre organisation.

La prochaine apparition, qui marquera aussi son premier anniversaire, se réalisera à Sorel-Tracy dans le cadre de la Journée internationale des femmes 2016, le dimanche 6 mars prochain, devant les réservoirs de pétrole de Kildair à Sorel et en solidarité avec Ciel et Terre, Alerte Pétrole Rive-Sud et le Regroupement citoyen contre les bitumineux et pour le développement durable de Sorel-Tracy. On peut suivre les activités du Collectif sur le Web.

La Déclaration des femmes contre les oléoducs et les sables bitumineux est accessible en ligne sur le site de la Marche mondiale des femmes 2015

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