Édition du 16 avril 2024

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Féminisme

Une étude réalisée par l’R des centres de femmes du Québec

Paroles de femmes sur l’austérité : recul de l’égalité au Québec

Le 3 avril, L’R des centres de femmes du Québec, le plus grand réseau féministe d’action communautaire autonome, publiait les résultats d’une enquête provinciale qui dresse le portrait des reculs des conditions de vie des femmes. « Ce rapport montre bien que l’égalité hommes-femmes est menacée à plusieurs égards, raison pour laquelle les centres de femmes se mobilisent contre l’austérité cette semaine », explique la présidente de L’R, Carolle Mathieu.

Satisfaction des besoins de bases, accès aux services publics et autonomie économique compromis

Les mesures d’austérité nuisent à la satisfaction des besoins de base de 18% des femmes consultées. « La situation est particulièrement inquiétante pour celles qui vivent d’autres formes d’oppression telles que les femmes immigrantes, autochtones, monoparentales, en situation de handicap ou d’itinérance », précise Céline Magontier, du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Alors que dans 47% des cas, les femmes disent être affectées par la diminution de l’accessibilité aux services publics, 27% vivent des impacts directs de la diminution des ressources dans les services destinés aux enfants. « Le Québec a investi beaucoup dans une politique familiale avec des effets positifs importants. Économisera-il vraiment si les femmes se retirent du marché du travail et paient moins d’impôt ou doivent recevoir de l’aide sociale ? », demande Mme Lévesque, directrice générale de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ). Ce portrait global modifie la planification familiale : 2.5% des femmes consultées diminuent le nombre d’enfants projetés ou remettent en question la possibilité d’en avoir. « Depuis l’entrée en vigueur de la loi 20 et le déremboursement de certaines activités de procréation assistée, certaines femmes et familles ont dû repousser ou abandonner leur projet parental », explique Magaly Pirotte, travailleuse à la Fédération québécoise pour le planning des naissances (FQPN).

Droits des femmes bafoués et violence faite aux femmes

Plus de 2% des répondantes voient une relation entre l’austérité et leur vécu de violence conjugale. Ceci dit, l’analyse illustre que les effets conjugués des différentes mesures d’austérité amplifient la discrimination systémique du groupe social des femmes. « Les droits des femmes sont bafoués ! Les mesures d’austérité sont des violences faites aux femmes ! Elles causent aux femmes un préjudice, la contrainte et la privation de liberté, dans la vie publique comme dans la vie privée », explique Valérie Gilker Létourneau, co-coordonnatrice de L’R.

Les centres de femmes demandent un arrêt d’agir au gouvernement du Québec

Dénonçant la violence de l’austérité, les centres de femmes sont en action toute la semaine (http://www.rcentres.qc.ca/files/vignette-austeriteviolencefemmes-lr-avril2016.jpg), dans les régions de l’Abitibi-Témiscamingue, du Bas-Saint-Laurent, de la Capitale-Nationale, du Centre-du-Québec, de la Côte-Nord, de l’Estrie, de Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, dans Lanaudière, de Laval, de Mauricie, de Montérégie, de Montréal et du Nord-du-Québec. « La mobilisation des centres de femmes, en dépit du portrait sombre que dresse leur recherche, témoigne de la force, de la détermination et de l’espoir des femmes de construire une société réellement égalitaire et juste pour toutes », affirme Mélanie Sarazin, présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ).

Consulter l’étude

Reculs des conditions de vie des femmes en 2015

Extraits

Introduction

La présentation d’un budget provincial équilibré a été saluée par plusieurs, et l’abolition de la taxe santé, un an plus tôt que prévu, semble confirmer les talents comptables de l’équipe libérale. Bien que les centres de femmes du Québec aient revendiqué l’abolition de cette taxe dès son instauration en 2010, ils ne voient pourtant pas cette nouvelle avec l’enthousiasme général.

En effet, cette nouvelle arrive alors que le réseau des centres de femmes prend la mesure des reculs des conditions de vie des femmes constatés entre janvier et décembre 2015. Ces reculs sont des conséquences directes des politiques d’austérité mises en œuvre par le Gouvernement du Québec pour atteindre son équilibre budgétaire. C’est ce qu’illustre ce rapport. Il dresse le portrait des impacts de l’austérité sur les femmes, au Québec, entre janvier et décembre 2015.

Dès novembre 2014, L’R des centres de femmes du Québec a constaté les impacts de l’austérité sur les femmes, dans le cadre d’une discussion de son comité de coordination, composé des représentantes régionales des centres de femmes. Dès lors, L’R a dénoncé la violence des mesures d’austérité. Parallèlement, ce réseau a entrepris d’évaluer plus précisément les conséquences des politiques économiques sur les femmes, sur les centres de femmes et sur les communautés québécoises, au moyen d’une cueillette de données, afin de vérifier leur ampleur et pour identifier quelles solutions mettre en œuvre.

Après avoir situé la démarche en contexte, les trois catégories de données recueillies sont distinguées, afin de clarifier la méthodologie utilisée pour leur traitement. Suit une présentation rapide des constats principaux qui se dégagent des résultats de l’enquête.

Ceux-ci ont été thématisés pour faciliter leur présentation. Tour à tour, sont ainsi présentées les conséquences identifiées au niveau de la satisfaction des besoins de base, de l’accessibilité aux services publics, de l’autonomie économique, des conditions de vie, du développement social et économique et de la santé globale. Avant de conclure, une brève analyse de ces données vise à identifier si l’austérité est une violence économique faite aux femmes.

Conclusion

Suivant l’élection d’un gouvernement libéral majoritaire à la tête de la province québécoise, au printemps 2014, deux projets de loi ébranlent le réseau des centres de femme : le projet de loi 10, abolissant les agences régionales de santé et de services sociaux, et le projet de loi 28, abolissant les Conférences régionales des élus et diminuant l’accessibilité aux services de garde. En plus de subir les réformes institutionnelles nécessaires à l’instauration de ces changements législatifs, l’ensemble du réseau public est appelé, depuis, à diminuer ses dépenses. Les femmes ont rapidement réalisé que leurs enfants reçoivent moins de soutien scolaire, que leurs parents malades reçoivent moins de services, et qu’elles-mêmes ou leurs proches perdent leurs emplois, en même temps que le coût de l’épicerie augmente. Les centres de femmes s’en rendent compte tout autant, puisque dès septembre 2014, beaucoup de nouvelles femmes se présentent à leurs portes, même que dans certaines régions les demandes de soutien vont jusqu’à doubler. Les demandes d’intervention individuelle, les demandes d’aide financière ou alimentaire d’urgence et le référencement fait par le réseau de la santé semblent expliquer cette augmentation.

Pour ces raisons, dès novembre 2015, L’R des centres de femmes du Québec dénonce l’austérité et entreprend une cueillette de données visant à dresser le portrait des effets des politiques économiques sur les femmes du Québec : les centres de femmes sont témoins des impacts de l’austérité sur les femmes. Ils ont réussi à mobiliser 501 femmes, entre janvier et décembre 2015, pour témoigner des changements récents de leurs conditions de vie. Elles mentionnent vivre plusieurs reculs graves, allant de la satisfaction des besoins de base à l’accessibilité aux services publics, notamment les services de garde pour enfants et les services de soutien pour les personnes en perte d’autonomie. Leur santé physique et mentale est affectée, leur autonomie économique, diminuée.

Certaines revoient l’idée d’avoir des enfants. Elles vivent consciemment le recul de l’égalité entre les femmes et les hommes, le déficit démocratique, sont très en colère ou très découragées. Elles voient les injustices, l’écart entre les riches et les pauvres augmenter. Elles sont lucides. Leurs solutions sont celles de la débrouillardise et celles de l’espoir Elles utilisent les centres de femmes comme leviers pour organiser l’économie communautaire : groupes d’échanges de biens et de services, jardins communautaires, groupes d’achats, friperies. Les solutions qu’elles mettent en place sont des solutions de proximité qui leur permettent d’assurer la satisfaction de leurs besoins de base. Plusieurs souhaitent par ailleurs un combat solidaire pour que cessent les attaques à leurs conditions de vie, pour que toutes et tous puissent réaliser leurs droits ! Elles appellent la population à l’unité, à l’organisation d’un front commun visant à créer le rapport de force nécessaire pour que Québec organise son économie de sorte qu’elle ne favorise plus que la croissance du PIB, mais aussi celle des êtres humains qui y habitent.

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