Édition du 23 avril 2024

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Canada

Le NPD a besoin d'un chef capable d'inspirer le public

Il y a bientôt six mois, le NPD a subi une cuisante défaite après être tombé de la première à la troisième place des intentions de vote lors de la dernière élection fédérale.

La campagne ratée de l’automne 2015 nous a fait perdre la meilleure occasion de prendre le pouvoir qui se soit présentée en plus d’une génération. Plusieurs militants néo-démocrates en sont restés profondément marqués. J’ai vu leur réaction passer du déni à la colère, puis de la colère à la résignation. Il va sans dire que nous espérions un résultat différent.

Je me suis tout de même réjouie de voir la décennie Harper prendre fin, ayant pu observer de près le caractère rétrograde et mesquin du Parti conservateur lorsque j’étais dans l’opposition.

Parmi les autres points positifs, 44 collègues du NPD ont été réélus ou nouvellement élus, et le caucus actuel du parti est tout ce qu’il y a de plus solide et compétent.

Mais il reste que la défaite du 19 octobre se fait encore sentir. Plusieurs candidats et candidates ont perdu leur siège - y compris moi-même - en dépit de leurs campagnes locales très prometteuses. Dans ma circonscription, j’ai eu la chance de compter sur des bénévoles plus nombreux, des finances plus généreuses et des affiches plus visibles que jamais. Or, notre campagne nationale est tombée complètement à plat.

Nous avons ignoré les signaux envoyés par la population et avons fait preuve d’une incompétence à fendre l’âme. Les Canadiens ont exprimé une volonté de changement sans équivoque, mais nous avons diffusé des publicités dont le ton se rapprochait de celui utilisé par les Conservateurs. Bon nombre de commentateurs ont décrié le mutisme de notre chef au premier jour de la campagne, son refus de participer à un débat en l’absence de Stephen Harper, ainsi que son manque de charisme de manière plus générale. Je suis entièrement d’accord avec leurs critiques.

La campagne nationale du NPD a échoué, car elle était dénuée d’optimisme et de passion. Elle manquait de cohérence et n’a pas su transmettre les valeurs progressistes de notre programme.

Nos rares messages télévisés étaient totalement insipides. Où étaient les jeunes familles en quête de garderies plus abordables ? Où étaient les employés fédéraux de l’aéroport Pearson, devant se contenter de salaires de misère dans la plus grande ville du pays ? Pourquoi n’avons-nous pas parlé de notre ambition de hausser le taux d’imposition des entreprises afin de financer les programmes sociaux ?

La campagne nationale du NPD n’a pas fait ressortir les enjeux progressistes qui nous distinguent, ce qui a permis aux Libéraux de nous dépeindre comme un parti rétrograde et synonyme d’austérité. Pourquoi avons-nous promis un budget équilibré, alors que le déclin du prix des matières premières se faisait déjà sentir ?

Notre présidente Rebecca Blaikie a eu la lourde tâche d’interroger les candidats et candidates ainsi que leurs bénévoles, puis de compiler leurs griefs et observations dans un rapport détaillé.

Cet exercice a été fort utile, car il a permis de partager les torts. La plupart des gens ont tendance à blâmer le chef, mais en ce qui me concerne, j’aimerais que certains responsables de la campagne nationale nous expliquent en toute franchise pourquoi ils ont pris des décisions aussi stupides.

Que devons-nous faire maintenant ? Allons-nous apprendre de nos erreurs, ou répéter un nouveau cycle de travail acharné et d’aspirations déçues ? Dans les jours suivant l’élection, certains stratèges libéraux ont affirmé que le NPD est inutile, puisque le Parti libéral est celui qui incarne désormais les valeurs progressistes canadiennes.

Il est vrai que le Parti libéral a implanté certaines mesures progressistes, dont le Régime de pensions du Canada, à l’époque où le NPD le talonnait avec un style préfigurant celui de Bernie Sanders. Or, les années Chrétien et Martin ont ensuite donné lieu à une réduction draconienne du financement des programmes sociaux. Le Parti conservateur a simplement suivi la voie tracée par le Parti libéral en réduisant de moitié le taux d’imposition des entreprises, en négligeant nos infrastructures, et en laissant les contribuables les plus riches pratiquer l’évasion fiscale en toute impunité.

Le NPD est plus nécessaire que jamais, car l’époque que nous vivons est exceptionnelle. La technologie bouleverse nos habitudes à la vitesse de la lumière ; la majorité de la population vit dans l’insécurité tandis qu’une petite minorité vit dans un monde de luxe et de privilèges ; l’information et les modes de communication sont plus accessibles que jamais et donnent naissance à des mouvements sociaux qui galvanisent les foules ; et la consommation effrénée à l’échelle mondiale se traduit par une rapide détérioration de l’environnement planétaire.

Dans ce contexte, le NPD doit absolument se retrousser les manches. Il n’est pas question de traîner la patte et de sombrer dans l’insignifiance ! Le Canada a besoin du NPD, à condition que le NPD soit compétent, visionnaire, responsable, et qu’il mette ses principes en pratique.
Nos nombreux bénévoles et sympathisants doivent savoir à quoi s’en tenir. Quel sera leur rôle dans la restructuration à venir ?

Cette question m’amène bien sûr à celle de la chefferie. Thomas Mulcair reconnaît volontiers sa part de responsabilité dans la défaite de l’automne dernier. Certains délégués m’ont dit qu’ils vont tout de même l’appuyer, car il est un orateur redoutable durant la période de questions.

D’autres vont l’appuyer parce qu’aucun autre candidat ne s’est encore pointé le bout du nez ; parce qu’un autre chef pourrait faire pire ; parce que nous pouvons en choisir un autre dans deux ans ; ou parce que nous sommes le NPD et devons lui donner une deuxième chance. Toutes ces raisons ne sont pas nécessairement bonnes. Certains délégués sont du même avis et prévoient voter en faveur d’une révision de la direction.

Je serai présente à Edmonton en fin de semaine prochaine, mais pour vous dire franchement, je ne sais pas encore comment voter. Thomas Mulcair a eu six mois pour réfléchir et faire un bilan, et je souhaite d’abord savoir ce qu’il nous offrira lors du congrès. Je souhaite qu’il mette de côté les points techniques et qu’il parle du fond du cœur. Je souhaite qu’il nous motive à bâtir un meilleur Canada et qu’il insuffle la passion qui nous faisait défaut l’an dernier.

Le Canada a besoin du NPD pour devenir un pays plus progressiste, durable, équitable et inclusif. En revanche, le NPD a besoin d’un chef capable d’inspirer le public et de nous mener à bon port.

Peggy Nash

Peggy Nash, née le 28 juin 1951 à Toronto, est une femme politique canadienne. Elle est députée à la Chambre des communes du Canada, représentant la circonscription ontarienne de Parkdale—High Park de l’élection fédérale de 2006 à 2008 et de 2011 à 2015 sous la bannière du Nouveau Parti démocratique.

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