Édition du 16 avril 2024

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Canada

Le Canada vend des équipements militaires et des armes sans le filtre des droits humains

Et ce n’est pas d’aujourd’hui. Le mouvement contre la guerre est complètement silencieux mais ça n’a pas toujours été le cas. Au cours des années 1980-90, la CSN avait pris cet enjeu de vente d’armes et équipements militaires canadiens en main et fait des propositions pour procéder à une transition raisonnable des usines et des travailleurs-euses.

Aujourd’hui, c’est la vente d’équipements militaires à l’Arabie saoudite qui soulève la protestation. L’opposition s’appuie sur les répréhensibles pratiques de cet État en matière du respect des droits humains. Pour se justifier, les gouvernements conservateur et libéral se cachent derrière leur petit doigt.

Deux raisons tentent de justifier cette vente. D’abord les exigences canadiennes en matière d’usage de ces équipements. L’Arabie saoudite s’est engagé à ne pas les utiliser contre sa population. La belle affaire ! La seule partie de sa population contre laquelle elle pourrait le faire ce sont les chiites de l’est du royaume et la répression est passée par là il y a quelques années et semble bien avoir réussi à faire taire la révolte. En plus, la majeure partie de la « population » saoudite est constituée d’étrangers-ères qui ne peuvent jamais accéder à la citoyenneté. Advenant que ces travailleurs-euses osent se révolter face à leur situation, le pouvoir pourrait les réprimer avec n’importe lequel équipement, il ne s’agit pas de « sa population » ! En plus, encore plus significativement, le gouvernement s’appuie sur le fait que l’Arabie saoudite est très bien cotée par l’Indice de développement humain de l’ONU. Or, Naël Shiab, dans son article de l’Actualité du premier juin 2016, nous souligne que ce classement ne prend pas en compte le respect des droits humains. Il évalue l’espérance de vie, le niveau d’instruction et le PIB par habitant.

En fait, ces équipements seront surtout utilisés à l’extérieur du royaume dans ses engagements dans les guerres d’autres pays comme c’est le cas en ce moment au Yémen où il y lutte contre l’opposition chiite (les Outis) au grand dam des populations locales qui sont à l’agonie. Durant le printemps arabe, il a aussi écrasé la révolte chiite à Bahreïn. Cette population est majoritaire dans ce pays. De cela le gouvernement actuel pas plus que celui qui l’a précédé ne piffe mot. Parce que l’Arabie saoudite participe à la coalition contre le groupe armé état islamique ?

L’autre argument est la sauvegarde et le développement d’emplois hautement qualifiés pour la plupart dans ce secteur. Pour ce qui est des véhicules vendus à l’Arabie saoudite, les emplois se trouvent en Ontario. Mais la production militaire est distribuée un peu partout au pays. Ce chantage à l’emploi est servi à tout crin. Les entreprises l’emploient pour obtenir des avantages fiscaux et règlementaires qui leur permettent d’augmenter leurs profits, les gouvernements, pour améliorer leur marge budgétaire même si c’est de peu et les partis politiques au pouvoir pour assurer leur réélection. C’est le cas ici, pour les deux partis, conservateurs et libéral. Pour tout ça, on est prêt à renoncer aux idéaux humanitaires et démocratiques qu’on prétend soutenir par ailleurs. Si ces dirigeants-es étaient le moindrement sérieux à ce sujet, des programmes de retrait complet ou partiel de ce secteur de production auraient été envisagés et mis au débat. Des politiques auraient été sérieusement développées.

Ce n’est pas le cas. On préfère ajuster les pratiques et le discours au cas par cas selon les intérêts locaux. Car, nous apprend encore l’article de M. Shiab, le Canada vend des armes dans de multiples pays qui ne sont pas plus respectueux des droits humains que l’Arabie saoudite. En 2012-13, nous avons vendu pour 1,72 milliards de dollars d’armement partout dans le monde sans compter les États-Unis. 50 à 53% de ce nous avons vendu, l’a été à des pays où le respect de la liberté des médias, d’association, de religion et du droit de manifester, étaient de mauvais à très mauvais.

Rien n’est dit du droit des femmes et des enfants. L’Arabie saoudite est donc un cas parmi d’autres mais les ventes à ce pays représentaient 33% du total du matériel militaire vendu en 2013-14 et les Émirats arabes unis comptaient pour 16%.

L’article rapporte les propos de Mme Aude Fleurant, directrice du programme Armements et dépenses militaires de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Elle souligne que les décisions de vente d’équipement militaire se justifient souvent par la nécessité d’assurer la sécurité nationale : en général : « l’intérêt national prime sur celui de la démocratie et des droits humains ».

Alexandra Cyr

Retraitée. Ex-intervenante sociale principalement en milieu hospitalier et psychiatrie. Ex-militante syndicale, (CSN). Ex militante M.L. Actuellement : membre de Q.S., des Amis du Monde diplomatique (groupe de Montréal), animatrice avec Lire et faire lire, participante à l’établissement d’une coop. d’habitation inter-générationnelle dans Rosemont-Petite-Patrie à Montréal. Membre de la Banque d’échange communautaire de services (BECS) à Montréal.

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