Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Canada

Depuis le congrès du NPD à Edmonton : la droite sur la défensive, Mulcair rejeté et Manifeste « Un bond vers l’avant »

Robbie Mahood est membre du Caucus socialiste du NPD
(Titre, inter-titres et édition de Marc Bonhomme)

Il y a eu quelques surprises au cours de ce congrès. Non seulement la direction de Tom Mulcair a été rejetée de façon encore plus décisive qu’on ne pouvait le prévoir, mais encore les délégués ont essentiellement approuvé le programme « Un bond vers l’avant » (LEAP). De l’avis du caucus socialiste, cela traduit non seulement la réaction au résultat décevant des dernières élections fédérales, mais aussi le malaise provoqué par la dérive constante du NPD vers la droite au fil du temps ainsi que son incapacité à mettre de l’avant des réformes sérieuses pour faire face à la crise du capitalisme contemporain. Nous pensons que cela fournit une petite mais significative ouverture pour la gauche,à l’intérieur comme à l’extérieur du NPD.

LEAP est maintenant au centre du débat politique, du moins à l’extérieur du Québec. L’appui du NPD à ce manifeste, même si discret, préoccupe les entreprises canadiennes et elles ont réagi rapidement pour tenter de limiter les dégâts. Le NPD doit être mis au pas et le pays mis en quarantaine pour éviter la contagion incarnée par Jeremy Corbyn et Bernie Sanders.

Un manifeste modéré mais heurtant de front le développement des sables bitumineux

Le manifeste LEAP convie la vision d’un « pays entièrement alimenté par des énergies renouvelables, relié par un réseau de transport en commun accessible, un pays où les emplois et les opportunités de cette transition sont conçus pour éliminer systématiquement les inégalités de race et de sexe » est source d’inspiration.

[…] Avec son appel contre de nouveaux pipelines et pour l’élimination progressive des sables bitumineux, « Un bond vers l’avant » vise directement l’État pétrolier canadien et la forte consommation d’énergie per capita qui place le Canada au premier rang des pays capitalistes avancés qui portent la responsabilité historique principale du réchauffement climatique. Ce que dit « Un bond vers l’avant » n’est pas vraiment révolutionnaire. Cela est basé sur des données scientifiques crédibles disponibles depuis les trente dernières années.

Le document n’est pas non plus particulièrement radical. Il évite le mot en C (capitalisme) sans parler du mot en S (socialisme). Il fait preuve de naïveté quant aux forces déployées contre nous et évite la question du pouvoir politique et la mobilisation de masse nécessaire à la réalisation de sa vision.

Ces lacunes ne sont pas sans importance. Mais se concentrer sur elles serait passer à côté de la question. « Un bond vers l’avant » est un outil de mobilisation. Ce qu’il dit, il le dit très bien. Il s’adresse à un public large et ouvre le champ au débat démocratique et à l’action sur des questions qui sont dans l’esprit de millions de personnes.

Malgré la campagne contre « Leap » par les médias pro-business, un récent sondage a révélé que l’opinion publique était partagée de façon égale. Le Manifeste a été soutenu par une majorité au sein du NPD, des Verts et des libéraux ainsi que de 20% des conservateurs. Pas étonnant que les barons de Bay Street soient nerveux.

« Un bond vers l’avant » mérite qu’on lui accorde un soutien critique. Nous, du caucus socialiste, nous engageons à aider à l’organisation de débats public de Leap/Un bond vers l’avant en conjonction avec des mobilisations de masse sur le climat, la justice, l’anti-austérité et autres mouvements. [...]

L’une des forces de « Un bond vers l’avant » est de faire ressortir la convergence du mouvement contre les changements climatiques avec d’autres combats : contre l’austérité, pour la justice envers les peuples autochtones, pour le droit des travailleurs, contre les guerres et l’impérialisme et pour la lutte pour en finir avec l’oppression sexuelle et raciale. Ce que Noami Klein a qualifié de mouvement des mouvements. [...]

La plupart du temps, le document ne traite pas des moyens d’atteindre les objectifs énoncés de façon si éloquente. La tactique et la stratégie occuperont sans aucun doute une large place au sein du débat que le Manifeste a stimulé.

Une course à la chefferie ouverte à la gauche

En attendant, la course à la chefferie est sur le point d’être lancée. Pour le moment, l’aile droite du parti est sur la défensive. Ils sont échaudés par la désastreuse campagne faite avec Mulcair et par des doutes croissants sur la 3iè voie politique blairiste qu’ils ont imposée au parti. Mais, soyez assurés qu’ils vont resserrer les rangs et imposer à nouveau leur domination. Laissez-moi partager avec vous la perspective initiale du Caucus Socialiste sur la question de la chefferie.

C’est une occasion qui s’offre à nous de présenter une candidature clairement de gauche:quelqu’un qui serait capable de mettre de l’avant un programme anti-austérité, pour les travailleurs et la justice sociale, capitalisant sur l’impact de Leaf.

Le Conseil fédéral du NPD a récemment imposé 30 000 $ de frais d’entrée pour les candidats à la chefferie, doublant l’obstacle initial, en rendant ainsi l’accès difficile à tous sauf aux candidats de haut profil.

Difficile, mais pas impossible, étant donné un effort commun par la gauche dans le Parti. Cela offrirait une excellente occasion de mettre en avant une perspective écosocialiste, de soulever des revendications importantes, telles que la propriété publique du Big Oil et Big Auto sous le contrôle des travailleurs/travailleuses et de la communauté, détournant leurs profits et leurs ressources vers une conversion à technologie verte. Appelons ce plan A.

Le Plan B s’applique si le Plan A tourne court. Nous serions alors en mesure de soutenir un candidat qui tendrait vers la gauche. Avi Lewis, Nikki Ashton ou Alexandre Boulerice par exemple.

On en arrive au Plan C. Dans ce cas, la gauche serait réduite à essayer de bloquer un candidat à la droite du parti, tel que Nathan Cullen, nous forçant à choisir le moindre mal.

Nous traversons tous une double crise du capitalisme mondial - l’accélération des ravages écologiques doublée de stagnation économique et d’instabilité. Il en résulte une inégalité croissante et une détérioration de la qualité de vie pour la plupart des gens. Le système ne fait preuve d’aucune capacité de traiter ces problèmes majeurs, encore moins de les résoudre. Ces contradictions ne vont pas disparaître. Ils ne manqueront pas d’affecter la politique canadienne et en particulier le NPD comme on a pu le constater récemment à Edmonton.

C’est maintenant qu’on doit agir. « Un bond vers l’avant » et la course à la direction du NPD nous ont entrouvert la fenêtre. Il est de notre devoir de l’ouvrir plus grand. [...]

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