Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Ces mots qu’on twiste

« Je twisterais les mots s’il fallait les twister pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez. » Jean Ferrat, Nuit et brouillard. Dans cette belle chanson, dite engagée, Ferrat parle du rythme sur lequel mettre ses chansons pour atteindre le public.

Mais il est un sens du mot twister, c’est-à-dire « tordre étirer », qui amène à vider le vocable de toute la substance qu’il emportait avec lui. Ainsi en France on a des socialistes qui sont néolibéraux et, avec une étiquette sociale, travaillent pour le bonheur du commerce.

Au Québec, le Parti libéral a cette appellation depuis la fin du dix-neuvième siècle, où les libéraux étaient des gens ouverts sur le monde s’opposant aux conservateurs, puis plus tard aux unionistes, tous gens portés sur la tradition catholique.

Or, à la fin des années quatre-vingt-dix, le Parti libéral du Québec, qui se cherche un chef, va faire appel à l’ancien chef des conservateurs de l’état fédéral. Ainsi, il s’assure de se trouver à droite du Parti québécois, lui-même devenu très à droite et néolibéral depuis qu’il a élu à sa tête un ancien ministre conservateur fédéral en la personne de Lucien Bouchard.

Tout en continuant à s’appeler libéraux, les dirigeants de ce parti deviennent de plus en plus conservateurs jusqu’à la crise sociale de deux mille douze, poétiquement baptisée par la population comme « printemps érable ».

Mais chassés du pouvoir pendant environ dix-huit mois, ils y reviennent en avril deux mille quatorze avec toujours le même programme de privatisation et de transformation de l’État social en état pourvoyeur d’opportunités commerciales.

On a donc comme parti conservateur un parti qui s’appelle libéral alors que plusieurs membres de Québec solidaire, un parti de gauche, hésitent fortement à se définir comme socialistes tant le mot fait peur en Amérique. Et dire que les socialistes français sont devenus des néolibéraux. Si c’est pas twister le vocabulaire !

Je m’en voudrais de terminer mon billet sans vous souhaiter une excellente Journée internationale de la lenteur. Faut-il se dépêcher de ralentir ?

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
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