Édition du 26 mars 2024

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Canada

Rapport sur la menace terroriste pour le Canada : une politique en continuité avec le passé

Le 25 août dernier, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile Ralph Goodale rendait public le Rapport sur la menace terroriste pour le Canada. À la lecture de celui-ci, le « vernis » libéral ne cache pas une continuité avec la recette conservatrice.

Pour consulter le rapport.

Dès le départ, le ton est donné : « La principale menace terroriste pour le Canada demeure celle que représentent les extrémistes violents qui pourraient être motivés à mener une attaque au pays. Les idéologies d’extrémistes violents auxquelles souscrivent les groupes terroristes comme Daesh et al-Qaïda continuent de captiver certaines personnes au Canada. » (Sommaire - contexte de la menace)

Puis sur plus d’une vingtaine de pages, le rapport poursuit sur un ton alarmiste à diffuser des données qui somme toute, illustre plutôt une surenchère islamophobe que l’on fait avec la notion de terrorisme, notion dont l’application varie selon la proximité du sujet avec l’oligarchie régnante. C’est bien peu pour motiver toute l’attention que l’on porte à la question par rapport au peu d’énergie que l’on consacre à la violence quotidienne que peuvent vivre les femmes, les autochtones et les personnes de couleurs au Canada. Rappelons simplement qu’une femme est assassinée à chaque 6 jours au Canada. Que 67 femmes ont été assassinées en 2009. Qu’en 2010 on dénombrait 582 cas connus de femmes autochtones disparues ou assassinées.

Surenchère et surévaluation du phénomène au Canada en effet. On cherche dans le rapport des informations qui pourraient appuyer une telle crainte, mais la matière est mince. On rappelle les cas de Saint-Jean-sur-Richelieu (2 morts, dont le terroriste) et d’Ottawa (même bilan que le cas précédent). Nous pourrions être tentés d’ajouter l’attentat du Métropolis commis en 2012, mais dont le rapport ne fait pas mention. On évalue à environ 180 canadienNEs qui seraient à l’étranger pour participer à des conflits. On mentionne quelques cas survenus à l’étranger de personnes soupçonnées d’avoir des liens avec des organisations qualifiées de terroristes, mais rien de bien concret et surtout rien qui pourrait motiver les graves entorses à la protection de la vie privée qui sont le lot des politiques qui prennent le prétexte du danger terroriste pour limiter les droits démocratiques, politiques mises en place par les conservateurs de Stephen Harper, comme dans le cas de C-51 et qui demeure en place malgré les engagements de libéraux de les abolir. D’ailleurs, comme l’a démontré Maureen Webb, ces mesures n’ont pas démontré leur efficacité à prévenir des attentats, mais on constate que le prix démocratique à payer pour celles-ci est énorme.

Il existe toutefois une différence marquée entre ce rapport et les précédents publiés sous le règne des conservateurs. Disparue la menace terroriste en provenance des organisations écologistes comme l’évoquait Vic Toews en 2012. Cette paranoïa ne tenait plus la route et étalait aux yeux de tous l’hystérie conservatrice. L’approche douce, homéopathique, des libéraux sied davantage à la période actuelle. Toute l’attention est portée vers la menace étrangère que l’on doit « empêcher ou atténuer » selon les dires du rapport tout en protégeant nos valeurs, nos droits et nos libertés, ainsi que le caractère inclusif, généreux et démocratique propre au Canada. (Avant-propos ministériel du Rapport)

Le rapport explique les méthodes utilisées par le Centre intégré d’évaluation du terrorisme, centrale de concertation des organismes (GRC, polices provinciales, SCRS, Agence des services frontaliers, etc.) impliqués dans la lutte au terrorisme sans donner de détails autres que les banalités habituelles sur la collecte de données et de renseignements. Rien sur les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance électronique. Rien sur les cas de torture par des pays étrangers avec la complicité du Canada.

Dans le dernier budget fédéral, les Libéraux octroient 35 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2016-2017, et 10 millions par année par la suite, afin d’établir un bureau du coordonnateur de la sensibilisation des collectivités et de la lutte contre la radicalisation. Ce geste s’inscrit en continuité avec la politique des conservateurs de renforcer l’appareil sécuritaire du Canada par l’injection de moyens financiers supplémentaires. Ainsi, le budget de la sécurité publique est passé de 179M$ en 2012-2013 à 370M$ en 2013-2014 et à 687M$ en 2014-2015. (http://www.budget.gc.ca/2012/plan/anx1-fra.html#a21) Sous les libéraux, le budget de la Sécurité publique du Canada passe à 841M$ en 2016-2017.

Bref, le plus récent rapport sur le terrorisme révèle que sous les libéraux, le message est adouci, mais les objectifs et la méthode demeurent.

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