On y apprend que non seulement le taux de croissance des VUS est plus important que celui des véhicules hydroélectriques mais qu’on peut douter de l’atteinte de l’objectif de 100000 en 2020. À cette réalité, le porte-parole du ministère rétorque : « Les résultats de participation du programme Roulez électrique sont bons, avec une croissance annuelle soutenue. ». De compléter un chercheur de l’IREC :« Avec le nombre de véhicules électriques actuel [en date du 31août, il y avait un total de 11177 véhicules électriques et hybrides rechargeables sur les routes du Québec, en hausse marquée par rapport aux 1207 voitures enregistrées en 2012], il n’est pas impossible d’atteindre l’objectif de 2020 parce que la croissance est généralement exponentielle ».
L’expert de l’IREC n’a peut-être pas tort. Avec le soutien du capital financier, les transnationales géantes de l’automobile [2] et de l’Internet [3] , sans compter le spécialiste Tesla, se sont récemment lancés à corps perdu dans la création et le développement de ce nouveau champ d’accumulation avec un abondant soutien de l’État. Là où ce soutien est très généreux, comme en Norvège, la progression est fulgurante comme mon essai l’a fait remarquer. Côté finance, cet essai a souligné qu’« on peut être assuré que le capital financier, étant donné le bas niveau du service de la dette malgré un endettement record des ménages, voit dans l’auto électrique un pactole pour relancer en grande la consommation... et davantage d’endettement. »
La politique des très bas taux d’intérêt se prolonge tant l’économie mondiale se vautre dans la stagnation [4] . Cette politique tend à devenir pérenne car la moindre hausse risque de couler l’économie dans une mer de banqueroutes des ménages et des entreprises [5]. L’embêtant c’est que les bas taux poussent à la spéculation tant mobilière [6] qu’immobilière [7]. Ne reste plus que la fuite en avant du capitalisme vert, dont au Québec la colonne vertébrale est l’électrification des transports combinant approfondissement de l’endettement des ménages et subventions de l’État... ce qui appelle un supplément d’endettement public.
Il est vrai que, comme le dit Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, « [l]es sommes investies dans le programme Roulez électrique sont complètement inefficaces en regard de l’objectif de réduction des GES, car elles ne font strictement rien pour enrayer l’épidémie croissante de camions légers dont souffre le Québec ». Le problème est cependant plus profond. Les endettements privé et public générés par les véhicules hydroélectriques ne contribuent pas significativement à réduire les GES pour les raisons élaborées dans mon essai soit, en résumé, les GES provenant de leurs production, surtout celle de la batterie, le non remplacement des véhicules thermiques à cause de leurs limites de distance parcourue pour un temps relativement long pour faire le plein et, last not the least , leurs effets d’étalement urbain.
Comme on l’a vu, c’est cet étalement urbain qui amène à rejeter le REM au profit du complexe auto- bungalow-pétrole, de Bombardier et de « l’industrie de la corruption ». Un transport collectif populaire se substitue plutôt à l’auto solo en la remplaçant à même la trame urbaine existante, par exemple par un réseau de tramway et des corridors réservés pour non pas des autos électriques mais des véhicules de transport collectif. C’est un pensez-y-bien même pour le métro dispendieux. Contrairement aux péages, cette substitution ne vise pas l’automobiliste mais uniquement son auto car il lui offre une alternative avantageuse en temps et en argent au lieu de le prendre en souricière.
Marc Bonhomme, 2 octobre 2016, www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca