Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Appel à tous les démocrates du Québec.

Comme vous le savez, notre premier ministre, M. Philippe Couillard, par l’entremise de son ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, M. Pierre Arcand, a décidé que le débat de principe concernant le projet de loi 106 - Loi concernant la mise en œuvre de la Politique énergétique 2030 - était clos. Malgré la forte opposition, M. Arcand nous a affirmé son intention d’utiliser le bâillon pour imposer cette loi. Pourtant les dernières propositions d’amendements au projet de loi 106 ne répondent pas aux recommandations de la Fédération des municipalités du Québec pas plus qu’à celles de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et de la très large coalition qui s’y oppose. De plus, 145 municipalités demandent toujours le rejet pur et simple de ce projet de loi.

La situation est donc la suivante :

 Ces amendements consacrent les droits acquis aux détenteurs de licences actuels (troisième alinéa de l’article 131.1 du projet de loi 106), soit la quasi-totalité de la vallée du Saint-Laurent, le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, Anticosti, les Îles-de-la-Madeleine et une bonne partie de l’Estrie qui sont en ce moment sous licence et permis.

 L’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme toujours en vigueur donne préséance à l’industrie des hydrocarbures sur le schéma d’aménagement et de développement de chaque MRC. Cette disposition est contraire à la recommandation 3 du mémoire de l’UMQ qui en demande l’abrogation.

 La Loi sur l’expropriation n’ajoute aucune protection qui n’existe déjà et ne remet pas en cause ce privilège exorbitant conféré à des intérêts privés. Comme l’a si bien résumé la Chambre des notaires du Québec, ce projet de loi fait primer les intérêts à court terme de l’actionnariat privé sur le bien commun durable.

 L’Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) demande toujours de soustraire les zones agricoles du développement des hydrocarbures. Selon elle, en refusant de mettre les terres agricoles à l’abri, le gouvernement Couillard menace directement la sécurité alimentaire des Québécois.

 L’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador refuse ce projet de loi, car il contrevient à l’obligation constitutionnelle de consultation et d’accommodement qui affirme que tout projet de loi sur l’exploitation du territoire et des ressources naturelles devrait prévoir la nécessité d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations, en accord avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones signée par le Canada.

 Le rapport du BAPE sur les gaz de schiste, déposé en décembre 2014, mentionne qu’une grande majorité de Québécois s’oppose aux projets d’exploitation pétrolière ou gazière qui nécessitent l’utilisation de la fracturation hydraulique, de la fracturation à l’acide ou de la stimulation des puits à l’acide, et ne souhaite pas que le gouvernement autorise ces procédés.

 Ces amendements ne répondent pas à la recommandation de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) d’imposer un moratoire de cinq ans sur la fracturation hydraulique.

 Le rapport de l’Évaluation environnementale stratégique (EES), dévoilé le 30 mai dernier, confirme que le développement de la filière des hydrocarbures est incompatible avec les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du Québec. L’aggravation de la crise climatique représente un risque majeur pour l’économie et la sécurité de nos municipalités et de l’ensemble de la société que nous ne pouvons plus ignorer.

Comme si tout cela ne suffisait pas, ce projet de loi comporte de graves incohérences, qu’il faut imputer à notre gouvernement. En effet, par l’aménagement de cette politique énergétique, notre gouvernement, s’apprête à investir massivement l’argent des contribuables québécois (mémoire d’Éric Pineault) dans une filière hautement spéculative qui n’existerait pas sans la participation de l’argent public. Dans la foulée des coupures budgétaires draconiennes, cette décision est particulièrement alarmante. Irresponsable surtout, si nous suivons le raisonnement du collectif Business for Social Responsibility (BSR) - qui réunit 250 groupes industriels américains (dont Shell, Boeing, Unilever) - qui dit avoir la certitude que la construction d’une économie durable sur le plan environnemental est inévitable et irréversible et pense que tout gouvernement convaincu du contraire hypothèque son économie et l’avenir de sa population. Pour d’autres institutions financières, la filière fossile est désormais classée dans la liste des risques financiers. L’énergie fossile est devenue réductrice du PIB.

Enfin, souvenez-vous de la réaction de M. Couillard au dépôt du BAPE sur les gaz de schiste en 2014 : « Il n’y a pas grand intérêt à développer cette ressource, uniquement sur le plan économique et financier. L’acceptabilité sociale n’est pas là et l’avenir du Québec ne repose pas sur les hydrocarbures. »

Sans débat public, sans acceptabilité sociale, en contradiction avec ses propres déclarations, en opposition complète avec les intérêts économiques, fonciers et sécuritaires de la population, des municipalités et des Premières Nations, notre gouvernement est donc sur le point d’utiliser le bâillon et de permettre à des groupes d’intérêt particuliers de déposséder légalement et en toute impunité les Québécoises et les Québécois. Comment appelle-t-on une société dans laquelle il est impossible de s’opposer et où la voix du peuple est totalement ignorée ? Dans une démocratie libérale, le gouvernement n’a-t-il pas été élu pour protéger l’intérêt suprême de la population et assurer sa sécurité ?

Face aux dérives antidémocratiques du gouvernement Couillard, nous devons nous unir et porter d’une seule et même voix notre opposition à ce projet de loi. Nous devons forcer notre gouvernement à écouter sa population et à respecter les valeurs fondamentales de notre société démocratique. Plus encore, il s’agit de ne pas être complice de cette dépossession et de ses dérives par notre inaction. Pour ce faire, j’invite donc tous les élus municipaux du Québec, la FQM, l’UMQ, l’Assemblée des Premières Nations et la vaste coalition d’opposition à exiger officiellement du gouvernement Couillard le retrait pur et simple du chapitre IV du projet de loi 106 sur les hydrocarbures et l’interdiction de la fracturation hydraulique et autre stimulation chimique sur l’ensemble du territoire québécois.

Jérôme Motard
Le Bic

Pour plus d’information :

https://hydrocarbures.gouv.qc.ca/documents/memoire/Pineault_Eric.pdf
http://www.bape.gouv.qc.ca/sections/rapports/publications/bape307.pdf
http://fqm.ca/wp-content/uploads/2016/08/FQM_Memoire_PL106_20160815-2.pdf
https://www.upa.qc.ca/en/press-releases/2016/09/projet-de-loi-106-changements-ne-repondent-aux-demandes-producteurs-agricoles-forestiers/
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/698544/couillard-gaz-schiste-bape
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/484925/perspectives-risky-business
http://umq.qc.ca/wp-content/uploads/2016/08/m-pl106-version-corrigee-1sept16.pdf

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