Édition du 26 mars 2024

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Féminisme

Contre les violences vécues par les femmes dans le logement

Le 6 décembre, l’émission Québec Réveille ! de CKIA réalisait une intéressante table ronde sur le harcèlement et les agressions sexuelles de femmes locataires avec Manon Massé de Québec solidaire, Émilie E. Joly du FRAPRU, Marie-Ève Desroches du CÉAF et Mélanie Sarroino du RQCALACS.

Plus tard, plus de 200 personnes se rassemblaient devant l’Assemblée nationale à Québec pour dénoncer les violences faites aux femmes dans le logement. Des membres de L’R, du CÉAF et d’autres centres de femmes, du FRAPRU, du RQCALACS, du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et du RQOH accompagnaient le dépôt d’une déclaration, signée par plus de 200 organisations, et d’une pétition signée par près de 6 000 personnes. Lire le communiqué des organisatrices de la campagne (http://www.frapru.qc.ca/commemoration-du-6-decembre-a-quebec-contre-les-violences-vecues-par-les-femmes-dans-le-logement/) ; voir aussi nos photos et celles de Guitté Hartog.

Déclaration contre les violences vécues par les femmes dans le logement

Cette déclaration commune est une initiative du CEAF (Centre d’éducation et d’action des femmes), du CALACS de l’Ouest de l’île (centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel), du FRAPRU (Front d’action populaire en réaménagement urbain) et du RQCALACS (Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel).

Énoncé de principe

L’ampleur des violences faites aux femmes demeure, encore aujourd’hui, un problème social majeur. En 2013, au Québec, 83% des agressions sexuelles déclarées à la police ont été subies par des femmes (1). En 2011, 76% des victimes de harcèlement criminel déclaré à la police étaient des femmes (2).

Dans le domaine du logement locatif, il est impératif de développer une analyse des problèmes rencontrés spécifiquement par les femmes, dans toute leur diversité. Car, en plus de faire face à des problèmes dans leur logement en raison de leur statut de locataire (besoin d’entretien ou de réparations, présence de vermines ou de moisissures, etc.), elles subissent des violences et du harcèlement sexuel de la part de leur propriétaire, concierge, voisins et co-chambreurs, parce qu’elles sont des femmes.

Bien que ces violences puissent toucher l’ensemble des femmes locataires, nous considérons que celles vivant dans des conditions économiques difficiles et les femmes faisant face à diverses oppressions sont particulièrement ciblées.

Les violences et le harcèlement sexuels sont commis dans l’espace privé, donc invisibles et méconnus de l’ensemble de la population. Afin que ces actes soient condamnés, il est nécessaire que leur caractère structurel et politique soit reconnu.

Les rapports de pouvoir inégalitaires s’établissant entre les propriétaires ou concierges et les locataires ou chambreuses - auxquels s’ajoutent les inégalités entre les sexes - enchaînent, emprisonnent et emmurent les femmes dans un cercle de violence dévastateur duquel il est difficile de se sortir. D’autant plus que la loi du silence contraint les victimes à se taire, par peur de perdre leur logement.

Certaines conditions vécues spécifiquement par les femmes locataires ou chambreuses les exposent à des abus de la part de leur propriétaire, concierge, co-chambreurs ou voisins lorsque ceux-ci outrepassent leurs droits. Notamment quand :

♀ Les propriétaires et concierges se donnent le droit d’utiliser leur double de clé pour accéder, en tout temps et sans préavis, au logement des femmes locataires.

♀ Les propriétaires, concierge, co-chambreurs ou voisins utilisent à mauvais escient des informations de nature privée au sujet des femmes locataires comme, par exemple, leurs habitudes, allées et venues.

♀ Les propriétaires, concierges, co-chambreurs ou voisins utilisent la pauvreté et la précarité des femmes locataires comme motif de chantage en vue de les contraindre à des relations sexuelles (par exemple, comme monnaie d’échange pour le paiement du loyer ou en menaçant de les dénoncer à l’immigration).

Certains articles de loi existent déjà pour assurer le respect du droit des locataires à la sécurité dans leur logement, notamment les articles 1902, 1931 et 1974.1 du Code civil du Québec. Ils sont toutefois souvent méconnus et peu utilisés par les femmes, les organismes et les institutions ayant pour mission de les soutenir dans la défense de leurs droits.

Notes

(1) Sécurité publique Québec, Infractions sexuelles au Québec, 2013

(2) Sinha, Maire, Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques, Statistiques Canada, 25 février 2013, p. 30 et 33

Commémoration du 6 décembre à Québec : Contre les violences vécues par les femmes dans le logement

Québec, le 6 décembre 2016 – Dans le cadre de la Journée de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, les organisatrices de la Campagne contre les violences faites aux femmes dans le logement déposent à l’Assemblée nationale une pétition de plus de 5000 signatures et présentent également une déclaration de plus de 200 organisations en appui à leurs revendications.

Cette campagne cherche à mettre en évidence la vulnérabilité des femmes locataires et dénonce les graves lacunes au Code civil du Québec, à la Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer la violence sexuelle et à l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC).

« Les violences sexuelles contre les femmes représentent un enjeu systémique », a rappelé, en conférence de presse, Mélanie Sarroino, agente de liaison au Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS). « Nous en avons entendu parler davantage avec les dénonciations à l’encontre de personnalités publiques, mais la violence sexuelle reste un tabou difficile à dénoncer. Quand il s’agit de femmes vulnérables ou en situation de pauvreté, c’est encore plus ardu. Les politiques, l’encadrement législatif et les mécanismes gouvernementaux ne vont pas assez loin pour assurer la sécurité des femmes », dénonce-t-elle.

Émilie E. Joly, organisatrice communautaire au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), renchérit : « Le logement est un besoin fondamental et doit être considéré comme un droit. Quatre femmes locataires sur 10 paient trop cher pour se loger, soit plus de 30% de leur revenu. Mais il faut également que ce logement soit sécuritaire et ne les expose pas à des violences de la part de leurs propriétaires, gestionnaires d’immeuble, concierges, voisins ou co-chambreurs. »

Les organisatrices ont recueilli plusieurs témoignages accablants. « Des femmes nous ont fait part d’entrées par effraction, de tentatives d’extorsion ou de chantage, de harcèlement sexuel, de menaces et d’agressions sexuelles. Souvent, elles se retrouvent prisonnières de leur logement car elles n’ont pas les moyens de déménager. Elles endurent en se disant que ça serait probablement pire si elles se ramassaient à la rue », explique Marie-Ève Desroches, militante du Centre d’éducation et d’action des femmes.

C’est pour dénoncer ces réalités que Manon Massé, députée solidaire de Sainte-Marie-Saint-Jacques et marraine de la pétition à l’Assemblée nationale appuie cette campagne. « Il est temps qu’on agisse pour ces femmes qui vivent dans la terreur au quotidien et qui n’ont pas d’espace sécuritaire de répit, pas même entre les quatre murs de leur logement. Il est important de rappeler au gouvernement ses responsabilités en matière d’agressions sexuelles », ajoute la députée.

Pour dénoncer les violences faites aux femmes, diverses organisations féministes et pour le droit au logement se réunissent également à midi à la Fontaine de Tourny, devant l’Assemblée nationale pour y poser des gestes symboliques pour en appui à la campagne qui se poursuivra en 2017.

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