Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Noël noir

Pendant que l’évacuation d’Alep se poursuit dans des conditions qui laissent présager le pire, la « guerre sans fin » (comme l’avait nommé George W. Bush) continue ses ravages. Deux millions de personnes, surtout des enfants, sont menacés par la famine au Yémen. En Irak, l’encerclement de Mossoul (la deuxième ville du pays) inquiète la population, car les combats prennent une nette inflexion sectaire, pas seulement du côté de Daesh, mais aussi des forces irakiennes. En Turquie, un état au centre du dispositif impérialiste de l’OTAN, des massacres se préparent contre la minorité kurde dont les dirigeants, non-armés, sont arrêtés, torturés et assassinés.

L’état canadien devant tout cela joue son rôle d’allié-subalterne des États-Unis. En plus, Justin Trudeau se vante d’être accueillant pour les réfugiés.Il faut le faire, sachant que le nombre de ceux-ci arrivés au Canada (35 000) équivaut au nombre de gens qui quittent la Syrie et l’Irak, chaque jour. Oui vous avez bien lu, chaque jour !

Entretemps, les soldats canadiens renforcent l’armée irakienne qui est largement manipulée par des éléments sectaires qui, sous prétexte de lutter contre Daesh, veulent procéder à des « purifications ethniques » sur les territoires qu’ils contrôlent. Pour clouer le clou, il reste à Justin d’appuyer Israël dans la nouvelle vague de colonisation des territoires et de répression, tout en condamnant le mouvement de boycottage civil et non-violent (la campagne BDS).

J’imagine que jusque-là, je ne vous apprends pas grand-chose.

Mais en fait, la situation est pire que ce que l’on perçoit, car un autre facteur entre en jeu : l’absence quasi-totale de la solidarité internationale. On se contente, et encore si peu, de procurer une aide humanitaire dont, il faut le dire, une grande partie est détournée. Sur le plan politique, il n’y a presque rien.

Pourquoi ? Il faut tenir compte d’une certaine fatigue et peut-être d’un sentiment de découragement qui fait penser aux personnes de bonne volonté que plus rien ne tient. On ne peut plus s’accrocher à des mouvements démocratiques comme on le faisait, par exemple, à l’époque de l’Intifada en Palestine. Plus encore, des composantes de la gauche ne savent plus comment prendre position. Un certain anti-américanisme primitif fait dire à plusieurs que la Russie, l’Iran, le régime Assad en Syrie, sont « moins pires ». On revient aussi à la formule éculée qui disait que « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », comme on l’a fait trop longtemps avec une Union soviétique contre-révolutionnaire et impérialiste.

J’ai toujours trouvé bien triste l’attitude désinvolte d’amis québécois, européens, latino-américains, qui restent au mieux silencieux, et au pire complices, des régimes et des mouvements réactionnaires, qui ont le « mérite », pensent-ils, de combattre les États-Unis. Dans le cas de la Syrie, cela conduit à des excès verbaux que l’on n’entend même à Montréal de la part d’ « experts » patentés qui justifient les carnages de l’armée syrienne et de ses protecteurs russes et iraniens parce qu’ils s’opposent à Daesh et aux États-Unis.

En restant paralysés devant ce qui se passe en Syrie et au Moyen-Orient, on cautionne une politique qui pourrait mener à des confrontations encore plus grandes. Il y a 100 ans en Europe, ce sont des « petites » guerre dans les Balkans qui ont déclenché le mouvement qui a conduit à la Première, puis à la Deuxième Guerre mondiale (les deux guerres constituant dans les faits une seule guerre). La majorité des mouvements de gauche de l’époque, à part quelques exceptions, avaient décidé d’appuyer « leurs » États, détruisant ainsi leurs traditions antimilitaristes et démocratiques.

On pourra se dire que le monde d’aujourd’hui n’a rien à voir avec 1914. Allez dire cela aux Syriens, aux Irakiens, aux Palestiniens, et même aux jeunes d’ici, à qui les dominants préparent des guerres sordides.

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