Édition du 26 mars 2024

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Planète

France : La transition écologique créera un million d’emplois, annonce un rapport

Le dérèglement climatique n’est pas seulement une menace, il peut être une chance : car de très nombreux emplois sont à créer dans les économies d’énergie, les énergies renouvelables, l’agriculture, la transition écologique. C’est ce qu’affirme un rapport présenté par un groupe d’ONG et de syndicats.

Tiré de Reporterre.

« Si nous conjuguons justice sociale et action pour le climat, les gens se battront pour cet avenir ». Ces mots de Naomi Klein, journaliste et écrivaine canadienne altermondialiste, ont été choisis pour ouvrir et résumer les 43 pages du rapport Un million d’emplois pour le climat, présenté jeudi 12 janvier à Paris. Publié par treize syndicats, associations sociales et environnementales dont Alternatiba, Attac France, la Confédération paysanne, le Mouvement national des chômeurs et précaires ou le Réseau action climat, il porte un message encourageant : dans un contexte d’urgence climatique et de crise sociale, « ces deux questions, climatique et sociale, doivent désormais être abordées conjointement, pour donner envie de construire un monde dans lequel on vivra mieux demain », dit Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.

Le document est construit autour du lien entre lutte contre le chômage et transition écologique. « Notre espoir est que plus personne ne parle de dérèglement climatique sans parler de la question sociale, et inversement, ne plus débattre sur la question des créations d’emplois sans prendre en compte la question écologique. Après tout, il ne peut pas y avoir d’emplois sur une planète morte », poursuit Maxime Combes. Le rapport s’inscrit ainsi dans une lignée d’initiatives, impulsée notamment par la britannique « One million climate job » en 2014. Aux arguments des militants de la transition écologique et d’une production plus raisonnée, les dominants opposent quasi-systématiquement ceux du besoin de croissance et de création d’emplois. Mais si les deux étaient compatibles ?

Un million d’emplois : où et comment ?

Deux buts sont à atteindre avec ce million d’emplois : réduire drastiqument le chômage, tout en renforçant les secteurs nécessaires à une économie respectueuse de l’environnement. Ce million se répartit entre trois branches :

la transition énergétique. Un soutien de taille puisqu’il doit permettre la création de 650.000 emplois. En première ligne, l’objectif d’économie d’énergie par la rénovation énergétique. En 2016, une étude économique sur les passoires énergétiques concluait que le doublement entre 2017 et 2020 des rénovations de bâtiments classe E et G en France (de 500.000 à 900.000) permettrait la création de 125.000 emplois et un gain de 37,6 milliards d’euros pour l’Etat – pour un investissement public de 4,7 milliards d’euros. Cela pourrait aussi permettre de redynamiser des quartiers populaires, où de nombreuses copropriétés sont dégradées. « Dans ces quartiers, le chômage des jeunes atteint parfois 50 %. Il est essentiel de leur permettre d’accéder à ces emplois », indique le document. Autre secteur, celui des énergies renouvelables.

 Le rapport veut également créer 250.000 emplois aidés « transition écologique ». Du temps-plein et un minimum de trois ans seraient imposés, pour lutter contre la précarité trop souvent liée à ces contrats. Ceux-ci devraient être financés par la taxe carbone, à hauteur de 4 milliards d’euros.

 150.000 emplois sont aussi à créer dans le secteur public, où le besoin d’agents de la fonction publique se fait cruellement ressentir. Ils devront faciliter la mise en œuvre à l’échelle locale de la transition énergétique.

Le rapport constate aussi que la transition entraînera le déclin de certaines activités, dont les emplois disparaitront. C’est le cas des secteurs fragilisés par la taxe carbone ou des normes d’émissions de gaz à effet de serre, à cause de leur dépendance aux énergies fossiles. Les raffineries disparaitront, l’industrie manufacturière verra sa production baisser, l’industrie automobile devra se transformer. « Qu’on fasse quelque chose ou non, le changement climatique va supprimer des emplois. Mais si on ne fait rien, ça sera très violent. Donc, il faut préparer cette disparition d’emplois avant la catastrophe, en en créant d’autres et en utilisant l’argent autrement », explique Michèle Roux, du secrétariat nationale de la Confédération paysanne.

Mais si l’on compte les emplois qui seront détruits en conséquence de la transition énergétique, il faudra en fait prévoir la création de près d’un million et demi d’emplois.

« La transition climatique doit se faire en améliorant ou préservant les conditions sociales des personnes qui travaillent dans les secteurs qui vont être touchés », dit Maxime Combes. Anticipation et formation doivent donc être les maîtres mots de la transition, pour éviter une vague de « chômeurs écologiques ». Il faut « dès maintenant préparer et organiser les transformations et reconversions qui sont complexes pour éviter des gestions de crises. Un.e salarié.e d’une centrale à charbon qui perd son emploi dans le Nord de la France ne pourra pas travailler le lendemain en tant qu’installateur de panneaux photovoltaïques à Marseille. Mettre les salariés devant des faits accomplis ne rime pas avec les principes d’une transition juste que nous défendons », dit le rapport.

A la lecture des chiffres, on s’étonne cependant sur le faible chiffre d’emplois annoncés pour le domaine de l’agriculture : 50.000. Pas assez, pour la Confédération paysanne. « Le rapport est le travail d’un collectif et celui-ci s’est appuyé sur des rapports scientifiques un peu dépassés. On peut faire beaucoup mieux, si on ne crée pas au moins 50.000 postes on est nul, lance Michèle Roux. 200.000 paysans vont bientôt partir à la retraite. Si on ne fait rien, il y en aura beaucoup plus qui vont disparaître », enchaîne-t-elle, avant d’expliquer que le nombre d’installations repart cependant à la hausse depuis deux ans.

Une proposition à 105 milliards d’euros par an : qui va payer ?

« Ce n’est pas l’argent qui manque, mais la volonté politique » affirme le rapport. Le projet qui pèse 105 milliards d’euros par an, devra être financé par une réorientation totale de l’argent public : « Des sommes très importantes sont gaspillées ou investies dans des activités polluantes via des exemptions de taxation ou des remboursements. »

Une partie du financement viendra de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale. Le rapport rappelle ainsi qu’une « stricte application des règles de fiscalité permettrait de lever chaque année entre 30 et 160 milliards d’euros supplémentaires pour le budget de l’Etat selon les catégories de fraude qui sont prises en compte dans le calcul. » De quoi largement financer, en partie ou dans sa totalité, la création d’un million d’emplois.

Autre secteur dans le viseur du rapport : les niches fiscales en faveur des énergies fossiles. La Cour des comptes soulignait fin 2016 que les dépenses fiscales défavorables à l’environnement étaient largement supérieures à celles lui étant favorables : 13 milliards en 2015 contre 5 milliards... A quoi s’ajoute l’exemption totale de taxe sur le carburant pour le transport aérien : un manque à gagner de près de 3 milliards d’euros en 2015. « Une suppression des subventions aux énergies fossiles – décidée dans le cadre du G20 – permettrait de lever en France au moins 10 milliards d’euros par an de recettes supplémentaires. Et ce, sans prendre en compte les gains économiques et sanitaires indirects dus à l’amélioration de la qualité de l’air », rappelle le rapport. Autres moyens envisagés : l’élargissement de la taxe sur les transactions financières – seules 15 à 25 % des transactions sont en réalité taxées –, ou la réorientation des investissements dommageables à l’environnement – par exemple ceux de la recherche sur les nouvelles technologies du nucléaire. Les recettes de la taxe carbone – 5,9 milliards d’euros en 2017 et 7,8 milliards d’euros en 2018 – permettront également d’investir de l’argent dans la transition énergétique.

Recettes mobilisables pour financer la transition

Enfin, réduire le chômage sera bénéfique, puisque réduisant le coût des indemnités chômage. Idem pour la réduction de la facture énergétique du pays : les importations d’énergie s’élèvent à 54 milliards d’euros, soit l’équivalent du déficit commercial de la France. Mais l’estimation de cette baisse est difficile à évaluer et varie selon les scénarios. Car si moins d’énergies fossiles seront utilisés, les taxes les concernant récolteront de moins en moins d’argent, jusqu’à devenir nulles, probablement, à l’horizon 2050, selon les scénarios de transition énergétique.

Beaucoup de chiffres, de pourcentages, de dates. Mais pour les auteurs, ce rapport ne doit pas juste être un rapport qu’on écrit et qu’on oublie. Car après la présentation, ils partent en campagne, un moyen de « traduire notre engagement d’aller au-delà de la simple publication du rapport », explique Maxime Combes. « Ce qu’on veut, c’est interpeller l’ensemble des acteurs associatifs et politiques pour leur dire : allons-y ! Prenons au sérieux et de manière conjointe ces deux enjeux majeurs : le social et le climatique. »

L’espoir, que ce débat devienne vraiment national : « Nous espérons que d’autres le reprendront, dans le cadre de la présidentielle par exemple, que certains s’en saisiront pour s’en faire l’écho », dit Maxime Combes.

« On veut mettre en place une dynamique pour laisser la place aux citoyens d’inventer des choses. C’est une forme d’éducation populaire », renchérit Michèle Roux. Des débats ont ainsi été prévus dans différentes villes. « C’est une campagne qui démarre, le rapport n’est qu’un début. »

Télécharger le rapport.

Laure Hänggi

Journaliste pour le site de Reporterre (France).

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