Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

International

Élection au Salvador : Sortir de la peur

Il y a des étiquettes auxquelles l’on s’attache. J’ai envie de dire auxquelles les médias "officiels" s’attachent. Étiquettes ou appellation, un peu comme les appellations d’origine pour contrôler !

« Les ex-guérilleros du front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN, gauche) » - Libération

« Mauricio Funes, candidat de l’ex-guérilla d’extrême gauche » - AFP

Nous avons ici une appellation bien difficile à abandonner.

Bien que le scrutin de dimanche, ne fût pas un combat armé, bien que le Front Farabundo Martí de Libération Nationale ait rendu les armes pour les urnes, depuis près de deux décennies (le 16 janvier 1992), l’appellation « guérilleros » même si on lui ajoute, réalité oblige, un petit "ex", est toujours très présente.

On sent qu’on l’écrirait à chaque ligne pour bien faire sentir que les « guérilleros » sont maintenant au pouvoir. Un « guérillero »…

Un « guérillero » est par définition, dans le langage du « bien », une personne à abattre. Tout comme un communiste, qui est une sorte de dictateur qui peut répandre une maladie mortelle pour la démocratie, est aussi une personne à abattre.

Et de communiste à socialiste… on ne perd pas trop de temps à faire des nuances, communistes, socialistes, gauche, tous à abattre pour la liberté et la démocratie.

Des menaces pour le profit, une menace de vous faire déposséder de votre maison !

De la dérive… de la dérive façonnée depuis des années, pensons à Cuba !

Juste avec le terme « ex-guérilleros » on en oublie presque le processus démocratique, l’élection et le choix des électeurs. On utilise l’étiquette pour maintenir dans l’esprit que l’État démocratique du Salvador vient de glisser entre les mains des « ex-guérilleros » et que c’est une sorte de perte du monde civilisé.

On ne présente pas le résultat électoral comme une victoire de la population qui vient de se voter enfin un gouvernement qui va travailler pour elle, qui va rendre la dignité aux citoyens et qui va guérir cette plaie de la peur, de l’oppression policière, militaire et d’escadrons de la mort.

Les escadrons de la mort, ceux qui ont tué Mgr. Romero, n’étaient pas des « guérilleros » défendant le peuple, non c’était des tueurs engagés pour faire taire ceux qui menaçaient un peu trop le pouvoir oligarchique aux services des intérêts étrangers (US).

Un bref rappel historique (en vrac)

Un fait marquant : le 24 mars 1980, en pleine messe, l’archevêque de San Salvador, Mgr Oscar Arnulfo Romero est assassiné.

La veille, le 23 mars, malgré les menaces de mort perpétrées à son endroit lors des dernières semaines, il fait un appel aux militaires, leur disant qu’un militaire n’est pas obligé d’obéir à un ordre de tuer. Il est assassiné sous les yeux d’une multitude de fidèles le lendemain. Le peuple du Salvador n’en était pas à ses premiers traumatismes.

Multitudes de massacres ont fait glisser la population dans une vie ou la peur est constante. Un pays où l’oligarchie utilise le terrorisme d’État constant pour contrôler la population.

Le Salvador a une triste et longue Histoire de violence terrible.

José Napoleón Duarte solidement aider par le gouvernement Reagan a réprimé dans le sang tout ce qui ressemblait à de la gauche.

Avec l’aide plus que notable du gouvernement des ÉU de Ronald Reagan, Duarte est devenu un symbole pour la résistance anti-communiste en Amérique Centrale.

L’ARENA ce parti aux allures fascistes, fut fondé par Roberto D’Aubuisson une figure centrale derrière les « Escadrons de la mort », qui porte la responsabilité de nombreuses exécutions extra-judiciaires. Le major Roberto D’Aubuisson fut probablement impliqué dans l’assassinat de Mgr Romero.

Ce brave D’Aubuisson, un fier allié des ÉU, a pu parfaire ses connaissances en guerre psychologique et méthodes de torture à l’École militaire des Amériques (à Panama). Le major D’Aubuisson était également surnommé Blowtorch Bob, car sa méthode de torture favorite était de brûler ses « patients » avec une torche.

Sympathique l’Histoire du Salvador !

Le président sortant, le millionnaire Tony Saca, était un bon ami de George W. Bush. On dit aussi que Saca est un des présidents les plus corrompus du Salvador. La corruption a une trrrrès longue histoire en Amérique latine.

On préfère nous rappeler les guérillas tout en nous faisant oublier pourquoi elles existent.

Dimanche dernier, la population du Salvador a fait un pas de géant pour se sortir de ces années de peur et d’oppression.

Il semble qu’un autre pays d’Amérique latine vient de tomber entre les mains de sa propre population. Une autre perte pour les intérêts US.

Mots-clés : International
Serge Charbonneau

De Québec

Sur le même thème : International

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...