Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Économie

Conférence de Montréal du 7 au 10 juin

La grand-messe de Desmarais et Compagnies

Ce n’est pas sain pour la démocratie

A Montréal, du 7 au 10 juin aura lieu la 16e édition du Forum économique international des Amériques, « sous l’aile protectrice et influente de Power Corporation et de la famille Desmarais » Eh oui, encore l’ombre de Desmarais !

« Les organisateurs attendent, comme l’année dernière, environ 3000 participants, dont principalement des gens d’affaires, mais aussi des fonctionnaires, des membres d’organisations internationales et des représentants d’organisations non gouvernementales » [1] Si des représentants syndicaux et d’ONG sont présents, quels poids auront-ils par rapport aux PDG de Total, GDF Suez, GE International, BNB Paribas, RBC, SNC-Lavalin, etc. Qui pensez-vous aura l’oreille attentive des « partenaires » (!!!) fédéral et provincial ?

Ces grands-messes où se côtoient politiciens et PDG de grandes entreprises, font tellement partie des moeurs maintenant, que c’est considéré par plusieurs comme banal. Pourquoi cet accès privilégié aux politiciens dans tous ces sommets et forums et ce aux dépends des citoyens ? Où est passée la démocratie dans tout ça ? Étymologiquement, démocratie vient de « démos »=peuple, et « kratos »= pouvoir et signifie « pouvoir du peuple » Où et quand ce peuple a-t-il vraiment l’occasion de faire entendre sa voix ?

Que des dirigeants d’entreprises et de banques, etc se réunissent entre eux autant qu’ils veulent, aucun problème ! Cependant, est-ce sain pour la démocratie que nos élus accourent avec tant d’empressement à leurs forums ? Quels médias soulèvent cet enjeu important ? Comme le tout se déroule « sous l’aile protectrice et influente de Desmarais » il est clair que cette question ne sera pas un débat dans La Presse.

Lorsque des gens d’affaires veulent influencer le gouvernement, ils doivent s’inscrire au registre des lobbies, et ce pour s’assurer que leurs intérêts privés n’empiètent pas trop sur l’intérêt du public. Qui doute du pouvoir d’influence de toute cette classe économique sur nos politiciens lors de ces soupers, cocktails et ces « 300 rencontres bilatérales plus ou moins formelles durant ces quelques jours. » [2] Croyez-vous que leurs pressions seront inscrites au registre ?

Comment s’étonner ensuite que nos gouvernements fassent tant de législations et prennent tant de décisions en leur faveur ? diminuent encore et toujours les impôts des entreprises et des mieux nantis ? refusent de limiter les rémunérations des hauts dirigeants ? favorisent toujours les intérêts des grandes entreprises et négligent les PME ? accordent tant de largesses aux industries pharmaceutiques - « la règle des 15 ans » de 1994 au Québec- ? Comment s’étonner que les paradis fiscaux soient toujours aussi florissants ? qu’on refuse d’implanter la taxe « Robin des Bois » ? que les compagnies minières s’approprient nos ressources avec si peu de redevances au gouvernement ? que l’agriculture productiviste obtienne les subventions au dépend de l’agriculture bio ? que l’étiquetage des OGM tant réclamée par la population soit toujours refusée ? Que les compagnies forestières ont pu piller sans vergogne nos forêts ? Comment s’étonner ensuite du copinage entre le gouvernement libéral et les hommes d’affaires ?

Bien sûr, il n’y a pas de vulgaires enveloppes brunes qui circulent lors de ces forums. Ce ne serait pas élégant ! Toutefois, en retour, pour législations et/ou décisions favorables accordées, des postes de pouvoir et de prestige pour ex-politiciens seront offerts. Cela vaut bien mieux que plusieurs enveloppes brunes... M. Couillard et bien d’autres en savent quelque chose. Et c’est légal ! Ce n’est toujours pas étiqueté : corruption. Personne ne va en prison pour ça !

Dans le cadre de ces quatre jours, une place importante est accordée aux accords de libre-échange, ces accords si néfastes pour bien des populations dans le monde.
Dans leur programme on lit : « Avec la multiplication des accords de libre-échange, des voix s’élèvent pour défendre le respect des droits de la personne, des normes sociales et de la protection de l’environnement. Cette dernière séance aborde la question de savoir comment les accords de libre-échange de même que les décisions de l’OMC et des tribunaux en matière d’investissement tiennent compte de ces considérations » « Si c’était vrai, si c’était vrai » comme dit la chanson...Important de soigner leur image ! Disons que j’ai quelques doutes...

L’article de Claude Vaillancourt : AccordCanada/Union européenne : les craintes se confirment [3] démontre que leurs belles paroles sont de la poudre aux yeux.

Dans la programmation, une journée est prévue en préparation du G8 et du G20. Eh, oui ! Ils voient à leurs affaires ! Important de s’assurer que les décisions prises « s’harmonisent » avec ce qu’ils veulent.

Avec ces grand-messes, les puissants s’organisent pour faire valoir leurs intérêts. Ils ont l’argent, une multitude d’employés à leur service, et la police pour eux. Les citoyens eux, pour faire valoir leurs intérêts le font bénévolement, après leur heures de travail, avec peu d’argent, n’ont que la rue et les policiers contre eux. Évidemment le combat est inégal !

Les citoyens ne veulent pas vivre dans une ploutocratie. En tant que sentinelles de la démocratie, ils doivent inlassablement rester vigilants. Et agir. "La récompense ne s’obtient que par l’action" a dit le grand biologiste Henri Laborit. Agir, en organisant des pétitions, des manifs, en écrivant des lettres, des articles, en se regroupant au sein de diverses associations, etc. Et plus la solidarité sera organisée, plus elle sera efficace.

N.B. Parlant de grand-messe, si vous n’avez pas encore visionné La messe des Lucides, cela vaut la peine. Vous allez mourir de rire. Le site : http://vimeo.com/10755095


[1Éric Desrosiers, Le Devoir, 1er mai 2010

[2Idem

Françoise Breault

Après une carrière en enseignement, dont un an avec les Échanges France-Québec, j’ai poursuivi en travail social auprès des familles. Vers l’âge de cinq ans, je me demandais pourquoi il y avait des pauvres et ce que je pouvais faire. Sans en prendre pleinement conscience, cette interrogation m’a habité toute ma vie. Une année en Amérique du Sud ne m’avait toujours pas apporté de réponse. Cela m’a pris du temps à voir clair... Maintenant que la lumière est allumée, je ne peux et ne veux la refermer... Tous les faits, toutes mes lectures me confirment comment le système économique actuel contribue à ce fossé grandissant entre riches et pauvres. Me voici maintenant à ma 3e carrière, celle où je peux mettre tout mon temps et énergie à sensibiliser les gens aux graves enjeux d’aujourd’hui, afin de vivre dans un monde plus juste... « mais nous, nous serons morts mon frère... ».

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