Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Monde

L'état de la démocratie dans le monde

Démocratie : y a-t-il un mot plus galvaudé dans nos sociétés ? Chaque année, les Éditions La Découverte publie L’état du monde. Si une série semblable s’intitulait : L’état de la démocratie dans le monde, cela...

Cela contribuerait à une prise de conscience sur la réelle signification de ce mot et à l’amélioration de la santé de nos démocraties. En outre, ce serait gênant pour les pays qui se classeraient dans les derniers rangs. Le désir que son pays se classe premier serait bien la compétition la plus utile et la plus saine au monde.

Déjà le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publie l’Indice de développement humain (IDH). L’État de la démocratie dans le monde, grâce à l’Indice démocratique, serait un complément à l’IDH et irait plus loin dans la concrétisation d’un outil au service des peuples du monde.

Une équipe de chercheurs de par le monde, complètement indépendants de tous intérêts financiers, contribuerait à l’élaboration de cet indice en choisissant des critères précis. Des mesures déjà existantes comme ceux de GINI ou Theil portant sur les inégalités pourraient y être intégrées. Plusieurs associations, - Amnistie internationale, Fédération internationale de la Ligue des droits de l’homme, etc – ont déjà une grande expertise dans divers domaines et pourraient être mises à contribution. Chacun des facteurs serait pondéré en regard de son importance pour le mieux-être collectif, ce qui est par définition l’essence de toute démocratie. Même si, pour débuter, l’indice comprenait uniquement dix points importants, ce serait déjà un grand accomplissement. Cet indice démocratique servirait à évaluer la santé démocratique des pays.

L’ONU serait possiblement l’organisme qui aurait les ressources nécessaires pour chapeauter le tout et publier cela à intervalle d’un an ou trois ans...

Voici quelques exemples de critères permettant d’évaluer l’état démocratique d’un pays.

  • une constitution garantissant une saine démocratie
  • les élections
  • le financement des partis politiques
  • le mode de scrutin
  • le juste équilibre des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire
  • le respect des droits humains
  • l’accueil et l’intégration des immigrants
  • des médias diversifiés et indépendants les uns des autres
  • la liberté des journalistes pour enquêter et informer des vrais enjeux
  • les inégalités
  • le système fiscal
  • les mesures contre l’évasion fiscale
  • la coopération avec les autres pays pour l’abolition des paradis fiscaux
  • l’espérance de vie des citoyens
  • l’accessibilité aux soins de santé par les citoyens
  • l’accessibilité aux médicaments
  • l’accessibilité aux études
  • l’accessibilité à un logement décent
  • les mesures favorisant la souveraineté alimentaire
  • le % du revenu que doivent consacrer les gens à la nourriture
  • le contrôle des ressources naturelles au bénéfice des citoyens par les pouvoirs publics
  • le respect de l’environnement dans les différents secteurs d’activités économiques.
  • la réglementation du système bancaire
  • la capacité pour les citoyens de se prononcer par référendum sur des lois importantes
  • l’obligation de faire un référendum avant toute privatisation, même partielle, d’un bien ou service public
  • la capacité pour les citoyens de révoquer un gouvernement qui ne respecte pas son mandat de gardien du bien commun.
    Etc

Des critères bien définis, bien expliqués, bien pondérés, permettraient aux électeurs d’être mieux informés des caractéristiques d’une saine démocratie. Tout comme en réunissant les morceaux d’un casse-tête on voit apparaître l’ensemble du tableau, en regroupant ensemble ces caractéristiques sous l’État de la démocratie, se dresserait un portrait concret, se dessinerait le visage réel de la démocratie. Le mot démocratie prendrait alors toute sa signification et toute sa force.

En outre, ce livre pourrait en quelque sorte servir de guide, aidant les citoyens à mieux discerner si les choix proposés par un parti favorisent le bien commun ou les intérêts privés.

La publication de l’État de la démocratie dans le monde aiderait à contrer le discours dominant qui laisse sous-entendre qu’il suffit qu’un pays ait des élections pour qu’il soit démocratique. L’oligarchie et les médias à leur service ont tout intérêt à renforcer cette croyance, éloignant ainsi la remise en question de leur pouvoir démesuré et abusif. Exemple : quels journaux, notamment aux États-Unis, remettent en question le mode de financement des partis, mettent en relief le lien directement proportionnel entre inégalités et démocratie, entre injustice fiscale et démocratie ? entre soins de santé pour tous et démocratie ? etc.

Évidement il faut s’attendre à ce que les forces dans nos sociétés dont les intérêts vont à l’encontre de l’intérêt général, ignorent ce sujet le plus longtemps possible, ou mettent leurs pouvoirs et leurs milliards (et ils en ont beaucoup) pour contrecarrer tout projet en ce sens. Pas ouvertement bien sûr. Ils vont trouver toutes sortes d’arguments fallacieux. Le premier en liste serait : c’est utopique.

A première vue, cela peut paraître utopique. Pourtant combien de temps et d’argent sont mis pour évaluer toutes sortes de choses complexes et souvent futiles dans notre société qui sont pas mal moins cruciales que la démocratie. Est-ce que la santé de notre démocratie serait moins importante ?

Le plus grand danger que courent ceux qui nous dominent, c’est que les citoyens de plusieurs pays du monde réalisent que pendant leur sommeil ils se sont fait voler la démocratie. S’il fallait que ce réveil arrive au Québec, au Canada, aux États-Unis, en Europe, le risque de se mobiliser pour libérer la démocratie, à l’instar des courageux peuples du Moyen-Orient, pourrait devenir sérieux.

Peut-être bien que c’est commencé avec les 55,000 Québécois-es qui ont marché le 12 mars dénonçant la privatisation et la tarification des services publics, demandant un budget équitable contrant la pauvreté et les inégalités.

Françoise Breault

Après une carrière en enseignement, dont un an avec les Échanges France-Québec, j’ai poursuivi en travail social auprès des familles. Vers l’âge de cinq ans, je me demandais pourquoi il y avait des pauvres et ce que je pouvais faire. Sans en prendre pleinement conscience, cette interrogation m’a habité toute ma vie. Une année en Amérique du Sud ne m’avait toujours pas apporté de réponse. Cela m’a pris du temps à voir clair... Maintenant que la lumière est allumée, je ne peux et ne veux la refermer... Tous les faits, toutes mes lectures me confirment comment le système économique actuel contribue à ce fossé grandissant entre riches et pauvres. Me voici maintenant à ma 3e carrière, celle où je peux mettre tout mon temps et énergie à sensibiliser les gens aux graves enjeux d’aujourd’hui, afin de vivre dans un monde plus juste... « mais nous, nous serons morts mon frère... ».

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