Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Luttes étudiantes

200 000 pour le droit à l’éducation : une manifestation qui passera à l’histoire CHAREST DEVRA NÉGOCIER…MAIS QUOI AU JUSTE ?

Le message était clair et limpide : la hausse des frais de scolarité ne passe pas. Elle est ils étaient 200 000 à le clamer haut et fort en ce 22 mars dans les rues de Montréal : une manifestation qui fera l’histoire j’en suis certain. Des étudiant-e-s certes, mais aussi des profs, des artistes, des parents et grands-parents, des travailleurs-euses, bref le « monde ordinaire » étaient au rendez-vous aujourd’hui pour défendre le droit à l’éducation.

Est-ce que ce sera suffisant pour faire reculer le gouvernement Charest ? J’en doute, malheureusement. La lutte devra se poursuivre (voire s’élargir) parce que le PM et sa ministre de l’Éducation ont tout à perdre dans cette histoire. Mais c’est de leur faute. Leur entêtement à refuser tout dialogue avec le mouvement étudiant les place dans une position précaire, mais l’appui populaire massif exprimé aujourd’hui devra les conduire à négocier s’ils veulent éviter que la crise ne prennent de l’ampleur au point de se radicaliser et devenir sociétal comme nous l’avons déjà vu dans l’histoire du Québec ou ailleurs dans le monde (plus d’une fois ce sont les jeunes qui ont été à l’origine de grands mouvements ayant entraîné de profonds changements de société).

Mais qu’y aurait-il à négocier au fait ? Une hausse moins élevée, une compensation sous forme de prêts ou même de bourses ou je ne sais quoi ? Dans le premier cas, une hausse des frais moins « drastique » ne règlerait rien car il s’en trouvera encore pour qui les frais de scolarité représenteront un frein pour accéder à l’université. Comme pour la santé, s’il n’y avait qu’une seule personne pour qui ça soit le cas, ce serait déjà trop. Pourquoi d’ailleurs considérer l’accès à l’éducation d’une manière différente de l’accès à la santé ?

Dans le deuxième cas, une compensation de la hausse des frais sous forme d’aide financière, qui permettrait de contourner ce premier problème d’accessibilité, coûterait aussi, sinon plus chère au gouvernement que ce que rapporterait la hausse des frais comme telle. Le résultat serait donc nul : à quoi bon alors le faire si au départ cette hausse des frais de scolarité doit servir à financer davantage les universités ? De toute façon, personne n’est assez dupe pour croire que le gouvernement verserait cette compensation sous forme de bourses, mais bien plus sous forme de prêts. Ce qui revient à endetter davantage les jeunes, ce qui constitue également un frein à l’accessibilité.

Que reste-t-il alors à négocier ? Je me risquerais à dire un meilleur financement des universités. Leur sous-financement est reconnu, un consensus existe à ce sujet même si on a tendance à oublier que sa cause principale sont les coupures budgétaires imposées par les gouvernements au fil des ans (et non pas le gel des frais de scolarité comme voudraient nous le faire croire des éditorialistes et certains chroniqueurs politiques). La question qui se pose alors est : où trouver l’argent pour mieux financer les universités et je dirais même le réseau public d’éducation au Québec ?

Comme l’accès à l’éducation est un droit fondamental, il revient donc à la collectivité de s’assurer de son universalité en finançant un réseau de qualité pour quiconque veut y accéder, de la maternelle à l’université. On n’a pas besoin de « sommet » pour se dire que le gouvernement doit injecter de nouveaux fonds en éducation. On n’a qu’à faire les bons choix politiques.

Selon moi, c’est là que réside l’enjeu principal de la lutte menée actuellement par le mouvement étudiant mais qui nous concerne toutes et tous. Pour régler la crise actuelle, le PM Charest n’a d’autres choix que d’annuler la hausse des frais de scolarité et examiner sérieusement des solutions pour améliorer le financement des universités. Pour ce faire, il a besoin de se dégager une marge de manœuvre financière avec des mesures concrètes lui permettant de consacrer des centaines de millions $ supplémentaires aux universités.

Ces solutions existent et sont bien documentées : la Coalition des Mains rouges (http://bit.ly/x392hp) en met de l’avant une série depuis 2 ans qui rapporteraient plus de 5 milliards $. À lui seul, l’ajout d’un palier d’imposition au régime fiscal du Québec procurerait au gouvernement plus de 950 millions $ par année. Ou encore, rétablir la taxe sur le capital pour les institutions financières amènerait 800 millions $ de plus au Trésor public.

L’appui populaire que récolte actuellement le mouvement étudiant doit donc lui servir à faire plier le gouvernement sur ce point, essentiel pour le financement des universités mais aussi pour le financement de la santé et de l’ensemble des services publics et des programmes sociaux. En manifestant aujourd’hui aux côtés des étudiant-e-s, les milliers de citoyen-ne-s présent-e-s ont dit non au principe de l’utilisateur-payeur qu’on tente de nous faire accepter de force et ont réaffirmé leur adhésion à des valeurs d’égalité et de solidarité si chères aux Québécois-e-s.

La lutte étudiante aujourd’hui s’est élargie et nous faisons face à un enjeu de société qui nous concerne toutes et tous. Charest devra plier un jour et quand il rencontrera les leaders étudiants, nous devrons encore être à leurs côtés pour le forcer à reculer et à adopter de vraies solutions, à la fois pour garantir l’accès universel à l’éducation mais aussi pour que ces valeurs d’égalité et de solidarité deviennent réalité.

Stéphane Lessard

Stéphane Lessard

Stéphane Lessard, Ex-membre du Comité de coordination national de Québec solidaire (2006-2010)

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