Édition du 16 avril 2024

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Féminisme

Femmes immigrantes et autochtones doublement discriminées en emploi

Le travail est un puissant instrument d’intégration. Il permet à l’individu d’accéder à l’autonomie, de jouer un rôle concret sur le plan économique et il s’avère souvent, à tort ou à raison, un outil de reconnaissance sociale. Le Rendez-vous national sur la main-d’œuvre qui s’est tenu cette semaine par le gouvernement québécois est l’occasion de nous le rappeler.

Or, les compressions massives qui s’abattent sur le Québec depuis l’élection des libéraux et la précarisation généralisée de l’emploi accentuent la difficulté, pour de nombreuses personnes, de gagner un salaire décent ou simplement d’accéder au marché du travail. Parmi elles, les immigrantes et les femmes autochtones accusent un retard sur le reste de la société en matière d’insertion professionnelle.

Il faut remonter à 2010 pour avoir des statistiques parlantes sur le sujet. Cette rareté dans les chiffres n’est pas étonnante. Elle traduit le désintérêt de l’état à l’égard de problèmes rencontrés par les femmes issues de communautés culturelles. Souvenons-nous qu’il a fallu des années au gouvernement fédéral pour sortir de l’indifférence et lancer enfin une commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Le premier ministre Couillard s’est également fait tirer l’oreille avant de finalement consentir à tenir une enquête sur le comportement policier et les violences de toutes sortes notamment à l’égard des femmes autochtones.

De façon générale, en 2010, seulement 65 % des femmes immigrantes ont réussi à se trouver un emploi, par rapport à 78 % des hommes immigrants.

Sur le plan professionnel, les personnes immigrantes se heurtent depuis longtemps à des écueils structurels comme la non-reconnaissance des diplômes ou les problèmes de chômage. De façon générale, en 2010, seulement 65 % des femmes immigrantes ont réussi à se trouver un emploi, par rapport à 78 % des hommes immigrants. Chez les non-immigrants, les pourcentages sont de 80 % chez les femmes et de 84 % chez les hommes. Quels que soient leur niveau de scolarité ou leur origine, les revenus d’emploi des femmes se situent entre 72 % et 85 % de ceux des hommes. Ainsi, les femmes appartenant à une minorité visible ont gagné 38 097 $ en 2010 et les femmes autochtones, 40 111 $. À titre comparatif, les femmes blanches ont gagné 44 533 $, les immigrants, 46 689 $, les autochtones, 50 745 $. Les hommes blancs ont gagné 57 094 $. En d’autres termes, les femmes immigrantes ou autochtones subissent une double discrimination en raison de leur sexe et de leur origine. (Ruth Rose, Les femmes et le marché du travail au Québec : portrait statistique, 2016) La Commission des droits de la personne parle même de triple discrimination dans le cas des travailleuses domestiques immigrantes (sexe, origine et condition sociale).

Ne jouons pas à l’autruche : la société québécoise entretient à certains égards la discrimination et le racisme systémiques. Il ne s’agit pas tant d’accuser les individus, mais de reconnaître que certaines pratiques, souvent inconscientes, ont des effets discriminatoires. Nous devons collectivement tout mettre en œuvre pour rejeter ces formes d’inégalités à l’endroit des personnes issues de la diversité. À cet égard, la situation en emploi des femmes immigrantes et autochtones doit particulièrement retenir notre attention. C’est la condition sine qua non d’un Québec plus juste, plus inclusif et plus fort.

Véronique de Sève

Vice-présidente de la CSN, responsable du dossier de la Condition féminine.

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