Édition du 26 mars 2024

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Environnement

L'acceptabilité sociale selon Youri Chassin

Dans Le Soleil du 9 mars, M. Youri Chassin fustige les groupes qui s’opposent à certains projets en citant comme exemple du « cauchemar de tout investisseur » le déroulement d’un dossier qui « illustre le risque bien réel que le concept d’acceptabilité sociale dérive vers le tribunal populaire, la désinformation et l’arbitraire ». Il ajoute : « Dans ce cadre rationnel, l’acceptabilité sociale demeure une stratégie d’entreprise et permet une discussion constructive. » Enfin, il plaide en faveur de la « primauté du droit » et de la « confiance envers les institutions » pour « garantir un processus transparent et juste avec tous les projets » [1].

On pourrait applaudir ces belles paroles si l’argumentaire de M. Chassin n’était pas aussi biaisé contre les citoyens du Québec. Les investisseurs ont accaparé des claims gaziers à 0,10 $/ha avec la complicité inexcusable du ministère des ressources naturelles ; pourtant le rapport du BAPE nous dit que le manque à gagner du Trésor québécois est de 5 milliards de dollars (cette vente aurait pu être faite à 500 $/ha comme en Alberta) [2]. Un autre cas où les citoyens ont raison de se méfier du beau discours de M. Chassin, c’est lorsque le Vérificateur général nous dit dans son rapport que les pauvres contribuables devront débourser un milliard deux cent dix millions de dollars pour décontaminer et remettre en état les sites miniers orphelins [3]. Et ce sont là seulement deux exemples parmi tant d’autres où l’exploitation des ressources naturelles n’est pas un exercice gagnant-gagnant. Donc, est-il possible d’avoir « une discussion constructive » en se fiant naïvement aux promoteurs ? Chat échaudé craint l’eau froide !

Il faudrait une thèse de doctorat pour mettre en lumière tous les exemples où la « crédibilité des institutions » a été mise à mal avec des complicités qui semblent bizarres. Pour mieux illustrer son discours qu’il faut de la « confiance envers les institutions », M. Chassin pourrait-il nous dire pourquoi M. Dan Gagnier (ex-assistant du Premier ministre Charest) a dû démissionner de son poste de co-président de la campagne électorale du PLC en octobre 2015 ?

Dans un climat de véritable transparence, comment expliquer le manque de protection des intérêts des citoyens ? Les gouvernements de M. Charest, de Mme Marois et de M. Couillard ont, tour à tour, présenté un règlement pour la protection de l’eau potable (RPEP) qui n’assure pas une séparation adéquate entre un forage gazier et une source d’eau potable. Pour pallier cette insuffisance du RPEP qui semble rédigé sur mesure pour l’industrie extractive, plus de cent municipalités ont décidé qu’il fallait un minimum de 2 km de distance pour réellement protéger la qualité de l’eau ; il y a également plus de 120 autres conseils de ville qui ont donné « un avis de motion » en ce sens. Même la Ville de Montréal a adopté la Résolution CM17 0107 à l’unanimité pour appuyer cette démarche. M. Chassin peut-il nous convaincre que le maire Coderre, bien connu pour son franc-parler, se laisserait intimider par « la désinformation » d’un « tribunal populaire » ?

Parlant de « désinformation », le 27 mai 2015, un communiqué de M. Chassin déplorait que le « moratoire » faisait perdre des milliers de dollars à des agriculteurs des basses terres du Saint-Laurent [4]. Certes, il y a bien eu un moratoire dans le lit du fleuve (loi 18 en juin 2011), mais les cultivateurs ne labourent pas le lit du fleuve en dessous des poissons ! Je mets formellement M. Chassin au défi de publier le numéro de loi de ce supposé moratoire ainsi que la date de sa publication dans la Gazette officielle ! Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ! disait Voltaire. C’est tellement vrai que le « mythe du moratoire », si cher à M. Chassin, est repris par des politiciens et des journalistes. Même la semaine dernière, un citoyen a signalé cette « vérité alternative » à des journalistes chevronnés [5] qui, au nom de la vérité, ont publié un rectificatif.

En sa qualité d’économiste à l’Institut économique de Montréal (IÉDM), M. Chassin serait-il un protagoniste de la « désinformation » incluant ce « moratoire » inventé de toutes pièces. Oui, il faut « s’assurer du bon fonctionnement et de la crédibilité des institutions existantes ». Mais après tant de manœuvres douteuses derrière des portes closes pour piper les dés en faveur des investisseurs, peut-on blâmer les citoyens de vouloir exiger que les projets visent le bien-être des 99 % de la population et pas seulement le 1 % ? Le consensus social, ce n’est pas une poignée de lobbyistes qui vendent leur salade derrière des portes closes... comme M. Charest qui a rencontré les commissaires de l’ONÉ (Office national de l’énergie) ! [6] Allo, l’acceptabilité sociale ! Les paroles mielleuses de M. Chassin ne peuvent masquer le fait que ce genre de comportement est contraire à l’éthique et à « la primauté du droit » !

Gérard Montpetit
Membre du Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain
Le 13 mars 2017


[2Rapport 273 du BAPE, à la page 201.

[5http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1016680/gaz-de-schiste-quebec-aucune-autorisation-delivree
MISE AU POINT : Radio Canada Dans une version précédente de cette dépêche de la Presse canadienne, on pouvait lire : « Le gouvernement péquiste de Pauline Marois avait décrété un moratoire à son arrivée au pouvoir. » Or, ce moratoire est demeuré une intention à laquelle le gouvernement Marois n’a jamais donné force de loi.

Gérard Montpetit

Membre du comité Non au schiste La Présentation

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