Édition du 16 avril 2024

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Québec

Avenir énergétique du Québec – Un débat collectif

Le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec se joint à tous les organismes du mouvement environnemental qui réclament une consultation publique d’envergure concernant l’avenir énergétique du Québec. Ce dialogue national peut se faire, par exemple, par la mise en place d’un BAPE générique sur le sujet, plateforme bien adaptée pour ce type de conversation et permettant de couvrir tous les aspects de l’énergie, aussi bien sa production, sa distribution que les impacts socioéconomiques des différentes filières.

Cela fait plus de 40 ans que la science a démontré hors de tout doute que le climat mondial subit des changements de plus en plus marqués et que les émissions de GES sont reconnues comme principale source de ces changements. Cela fait plusieurs décennies que l’électricité d’origine renouvelable est reconnue comme étant le principal moyen de décarboner les sociétés et d’éviter de plus grands dommages. La demande de ce vecteur énergétique sera donc en croissance importante à l’avenir. Cela fait plus de 10 ans que le Québec a identifié un manque de capacité de production d’énergie électrique renouvelable. Et cela fait plusieurs années que des études sérieuses ont démontré que la sobriété énergétique doit être une composante essentielle d’un plan réaliste pour assurer une transition énergétique juste et durable.

Être en mesure d’éliminer complètement le pétrole et le gaz naturel du bouquet énergétique du Québec d’ici 2050, donc dans seulement 27 ans, implique la mise en place d’un immense chantier. Tou.te.s les citoyen.ne.s, regroupements et entreprises doivent être impliqués pour assurer un partage d’informations afin de permettre un dialogue basé sur des données probantes et mettre en place des solutions qui seront à la satisfaction de toutes et tous. Les enjeux sont complexes et recouvrent autant les aspects environnementaux, principalement la crise climatique, que les aspects sociaux et économiques. Les aspects économiques ont leur importance, mais ils ne doivent pas prédominer ; la stabilité des sociétés demande une attention beaucoup plus large que ce qui est couvert par les considérations économiques, plus particulièrement financières. Ces dernières ont, de plus, une vision à court terme, ce qui ne peut cadrer avec un processus de transition majeur comme celui qui doit être mis en place. Le travail à la pièce ne peut qu’aboutir à de l’incohérence et à des rectificatifs douloureux à moyen terme.

Nous proposons ici quelques critères qui doivent faire partie du mandat de la commission. Cette liste n’est pas exhaustive.

• Insister sur une vision à long terme afin d’éviter le saupoudrage de crédits et d’actions répondant à des cas particuliers. Même si l’avenir n’est pas connu, le déploiement d’un plan sur 25 ans permet de tracer le chemin le plus probable possible, tout en permettant de procéder à des ajustements en cours de route.
• Prendre en compte les retombées de chaque développement souhaité sur tous les aspects de l’environnement, principalement les émissions de GES directs et indirects émis et évités.
• Analyser le potentiel de la sobriété sur les besoins futurs en énergie. Cette approche fait appel à un dialogue avec la population et les entreprises pour convaincre toutes les parties de sa nécessité.
• Analyser le potentiel de l’efficacité énergétique sur les besoins futurs en énergie. Ce critère touche tous les aspects de la consommation individuelle, mais également les secteurs industriel et commercial. Élaborer des lignes directrices et des critères permettant de quantifier l’évolution de l’efficacité énergétique par secteur d’activité.
• Prendre en compte le nombre d’emplois créés ou maintenus pour chaque filière supportée.
• S’assurer d’intégrer un mécanisme de consultation des communautés locales et des communautés autochtones avant l’implantation d’installations sur un territoire. Ce qui implique de se déplacer pour rejoindre ces communautés.
• Élaborer des critères d’analyse des limitations biophysiques, géographiques et environnementales de chaque filière énergétique, que ce soit l’hydroélectricité, l’énergie éolienne, le solaire, la géothermie, la biomasse, etc.
• Analyser les impacts de l’exportation d’énergie, que ce soit sous forme d’électricité, d’hydrogène ou de biomasse, pour s’assurer que le Québec ne soit pas pénalisé dans sa capacité de fournir à sa population l’énergie dont elle a besoin.
• Analyser les mécanismes de régulation de la production, la distribution et la facturation de l’énergie de manière à assurer un arbitrage équitable pour tous les citoyens et entreprises.
• Permettre le dialogue le plus large possible avec le maximum de citoyen.ne.s pour assurer une acceptation des conclusions découlant de la consultation afin d’en assurer une mise en application harmonieuse.

Nos voisins du Sud semblent vouloir avancer rapidement sur le chemin de la transition énergétique. Le Congrès américain a adopté, en août dernier, l’Inflation Reduction Act (IRA). Cette loi phare n’est rien de moins que la législation la plus ambitieuse jamais adoptée aux États-Unis en matière de climat et d’énergie. Elle stimulera considérablement les investissements annuels dans le déploiement des énergies renouvelables aux États-Unis. Ceux-ci devraient passer de 64 milliards de dollars en 2022 à près de 114 milliards d’ici 2031. C’est énorme.

Cela aura des répercussions importantes jusqu’au Québec. Il est donc essentiel que le gouvernement québécois soit vigilant concernant les attentes et pressions qu’exerceront nos voisins. Un plan à long terme permettra de mieux naviguer dans un monde en changement. L’inaction entraînera des répercussions négatives importantes.

L’outil essentiel pour orchestrer la consultation réclamée est un ministère de l’Environnement scientifiquement crédible et politiquement fort, et non un ministère qui sert de paravent à de mauvaises décisions et qui subit l’influence de lobbyistes de tout acabit au service d’intérêts particuliers à court terme sans préoccupation pour l’avenir. Il faut donc une réforme en profondeur qui permette à ce ministère clé d’influencer les décisions de tous les autres secteurs sans subir de pressions visant à abaisser les cibles et à minimiser sa capacité d’action. 

Il faut également que le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs soit au cœur des décisions et fasse entendre sa voix au sein du cabinet ainsi que sur la place publique. C’est un appel pressant à monsieur Benoit Charette dont le rôle fondamental est de défendre l’environnement. Malheureusement, il semble que ce ministère soit géré par des personnes issues du milieu des affaires, lesquelles paraissent incapables de faire des projections hors du cadre de la croissance économique, ce qui entraîne des décisions de myopes guidés par le vocable vide de croissance verte. 

En conclusion, le mandat d’un BAPE générique doit permettre de jeter les bases de l’adoption d’une politique énergétique adaptée aux enjeux complexes d’une transition énergétique réussie à l’horizon de 2050. Le mot complexe est important. Les décisions aussi fondamentales et ayant un impact à long terme ne doivent pas être prises dans des rencontres d’alcôve. L’intelligence collective doit être sollicitée pour que des consensus puissent se dégager et répondre aux aspirations de la population actuelle et future. Il est question de préparer l’avenir. Prendre le temps de bien le préparer sera un héritage essentiel pour les générations qui nous suivront.


Philippe Duhamel, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec
Louise Morand, Comité vigilance hydrocarbures de la MRC de L’Assomption
Katherine Massam, Citoyens au Courant (Vaudreuil-Soulanges)
Odette Sarrazin (CVH Brandon)
Jacques Rousseau, Comité vigilance hydrocarbures Trois-Rivières
Normand Beaudet, Action Environnement Basses-Laurentides
Frédérique Bertrand-Le Borgne, Mobilisation Environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC)
Jean Falaise, Comité de citoyens environnement et action climatique de Durham-Sud (RVHQ)

Roger Pomerleau, Collectif d’action pour une rivière et un environnement sans site d’enfouissement (CA PRESSE)

Danielle Rochette, Françoise Brunelle et Yves Maillot, Comité de citoyens responsables de Bécancour

Jacques Tétreault, Comité des Citoyens et Citoyennes pour la Protection de l’Environnement Maskoutain
Josée Barrette, Comité vigilance hydrocarbures Sutton

Gérard Montpetit pour le comité Non Schiste La Présentation

Gilles Parent, ND.A., Caroll McDuff pour Danville en Transition

Marie-France Benoit, St-Bonaventure

Richard Langelier, St-Bonaventure

Nicole Racine, militante, Bécancour
Gérard Rousseau, Bécancour
Claire Boivin, Danville

Martin Couture, Durham-Sud

Martin Lemmens, Durham-Sud

Kay Wolfe Falaise, Durham-Sud

Marc St-Cyr, Ste-Christine

Bernard O’Bready de Drummondville

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