Édition du 26 mars 2024

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Budget du Québec 2016 : Réjouissez-vous, on vous consulte…

Ecrit par Catherine Caron.

Les consultations-bidon sont à la mode de la part de nos gouvernements. On n’y consent souvent qu’en raison de la pression populaire ; on les annonce tard pour laisser peu de temps aux gens pour s’organiser ; on trie sur le volet les participants pour écarter les voix qu’on ne souhaite pas entendre ; on affuble la moindre rencontre publique du nom de « consultation » pour prétendre réaliser un exercice exhaustif.

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On aime bien Internet aussi. Depuis quelques semaines, le ministre des Finances du Québec, qui dépose généralement son budget en mars, nous invite à participer aux consultations pré-budgétaires en ligne. Chouette, on nous consulte… Mais vous voulez lui suggérer d’imposer davantage les citoyens les plus fortunés, dont le niveau d’imposition a été réduit au fil des années et sachant que leurs possibles dividendes et gains en capital sont moins imposés que votre salaire ? Impossible. Vous voulez dire au ministre d’imposer davantage les grandes entreprises, mais pas les PME ? Ou de taxer le capital spécifique des banques ? Impossible. La question 3 sur l’évolution souhaitée (à la hausse ou à la baisse) des trois revenus fiscaux énoncés (impôt des particuliers, impôts des entreprises, taxes et tarifs) ne le permet pas. Chez les libéraux, on s’occupe des vraies affaires, on ne fait pas dans la nuance…

La question 4 est tout aussi tordue : « Si vous aviez à orienter la politique économique du Québec, quelle serait la répartition de l’effort entre une baisse du fardeau fiscal des particuliers et la croissance des dépenses des secteurs prioritaires (p. ex. : services en santé et en éducation) ? » Sur le ring de l’économie québécoise, on vous offre donc un match de boxe entre une baisse de vos impôts personnels et le maintien des services publics. Pour avoir l’un, il faut mettre l’autre K.O. Tout un choix ! Exit la possibilité de prôner plutôt une hausse des impôts des entreprises pour financer la santé, l’éducation, etc., alors que celles-ci ne contribuent plus qu’environ 16 % des revenus autonomes du gouvernement québécois, lui siphonnent des milliards de dollars en fonds publics, utilisent des stratagèmes pour réduire leurs impôts et osent de surcroît, comme le fait Bombardier, couper des milliers d’emplois.

Exit, aussi, la possibilité de parler de l’impôt comme d’une responsabilité sociale sans l’associer à l’image d’un fardeau. Et finie l’idée de voir le secteur public comme un précieux pôle de développement – de la cohésion sociale notamment – plutôt que comme une dépense. Le secteur public et communautaire est bien sûr à nouveau le grand absent du choix de réponses lorsqu’il s’agit d’indiquer quel levier on juge prioritaire pour soutenir la croissance économique…

Bref, le reste du questionnaire est du même acabit. Participer à cette consultation en ligne est donc un piège dans lequel il ne faut pas tomber. C’est bien seulement pour vous le démontrer que je l’ai fait en me pinçant le nez ! La possibilité de faire un commentaire à la fin ne compensera jamais le fait d’avoir validé à chaque question une vision tronquée de la réalité, qui masque les choix réels qui s’offrent à l’État en matière fiscale et budgétaire.

Dans une lettre adressée aux médias, la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics (communément appelée Coalition Main rouge) a dénoncé cette consultation pré-budgétaire en ligne en écrivant ceci : « …il est clair que le gouvernement Couillard ne cherche qu’à faire valider ses choix sans réelle volonté d’analyser toutes les options qui s’offrent à lui, notamment celle d’accroître les revenus de l’État. Une telle démarche ne fait que renforcer le cynisme présent au sein de la population face à la classe politique en général. Nous demandons au gouvernement de retirer la consultation en ligne, d’entendre l’ensemble des organismes qui le veulent et de répondre officiellement à la Coalition Main rouge qui met de l’avant 18 solutions fiscales qui permettraient d’aller chercher dix milliards de dollars sans avoir recours à la privatisation ou à la tarification des services publics ».

Du 21 au 27 février, à travers tout le Québec, les membres de la Coalition Main rouge font connaître ces solutions dans la rue, par des activités et des occupations de banques – l’équipe de Relations y a participé – et de bureaux ministériels, dont celui du Conseil du trésor. Tout cela fait écho à un intéressant débat sur la cyberdémocratie[1] que Relations a déjà proposé et, aussi, aux raisons qui mènent à la radicalisation des formes d’action citoyenne face à des processus de consultation déficients et des gouvernements qui n’entendent pas[2].

[1] Voir « La cyberdémocratie gouvernementale : une avancée ? », un débat avec Florence Piron et Sylvie Goupil, Relations, no 741, juin 2010.

[2] Voir Sylvie Paquerot, « Quand le gouvernement n’entend pas », Relations, no 780, octobre 2015.

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